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  • Article issu de : http://www.educatout.com/edu-conseils/coaching-pedagogique/le-multiage-comme-contexte-d-apprentissage.htm

    Le multiâge comme contexte d'apprentissage

     L'environnement d'un groupe d'enfants d'âges variés est très stimulant pour les plus jeunes alors que les plus âgés sont souvent très fiers d'enseigner à leurs cadets. D'ailleurs, lorsqu'un enfant de 5 ans explique les règles d'un jeu à un plus jeune, il doit organiser l'information qu'il fournit pour que l'autre la comprenne bien. Cela le valorise et consolide ses connaissances. Évidemment, le multiâge est une situation plus naturelle que le regroupement par âge et les services de garde en installation s'y intéressent de plus en plus. Nous n'avons qu'à observer la dynamique des rencontres familiales où les enfants y sont nombreux : les grandes cousines s'occupent des petits. Il y a des moments où ils jouent tous ensemble, d'autres où ils se regroupent par champs d'intérêt et quelquefois par groupes d'âge. Pour ma part, je crois que les services de garde devraient offrir toutes ces situations aux enfants car chacune comporte ses avantages.

    Observer les grands en action permet aux plus jeunes d'enregistrer des informations qu'ils pourront appliquer au moment opportun. Imiter un enfant de 4 ou 5 ans semble beaucoup plus facile que d'imiter l'adulte; la pente est moins grande pour un petit. L'enfant en groupe multiâge est donc exposé à de nombreuses occasions d'apprentissage qu'il ne peut pas vivre en groupe homogène. Les recherches démontrent que les enfants modifient leurs comportements et leurs attentes selon l'âge de ceux qui les entourent. Par exemple, l'enfant de 3 ans fera certainement plus d'efforts pour s'adresser à un ainé avec un bon vocabulaire qu'il ne le ferait avec l'adulte. Les ateliers et les jeux libres en multiâge comportent certainement des avantages : frères et soeurs peuvent être ensemble, les petits apprennent au contact des grands, les grands se responsabilisent et apprennent aussi car ils doivent assimiler leurs apprentissages avant de pouvoir les montrer aux plus jeunes. De plus, les éducatrices font habituellement  moins d'activités dirigées au profit d'activités plus créatrices. L'activité-projet est aussi une excellente solution.

    Cependant, je suis consciente que l'ouverture et la fermeture en centre de la petite enfance sont souvent des moments problématiques et que le regroupement en multiâge est souvent blâmé par les éducatrices : trop d'enfants, trop de bruit, des enfants qui tournent en rond... Les éducatrices doivent parler aux parents qui arrivent et la situation dégénère parfois... Tout est une question d'organisation,  mais il ne faut surtout pas priver les enfants de ces moments favorables à l'intégration des apprentissages.

    La premiere étape sera d'évaluer si le fonctionnement de votre CPE est adéquat. Par exemple, à  l'ouverture, si son éducatrice habituelle n'est pas encore arrivée, l'enfant devrait toujours aller dans le même local avec les mêmes enfants. Cette stabilité rassure le parent, les enfants sont plus calmes et l'éducatrice apprend à bien les connaitre. Elle pourra ainsi trouver des activités adaptées à ce groupe d'ouverture. Par contre, il est indispensable que les éducatrices aient un soutien constant lors de cette transition. La gestion d'un groupe multiâge n'est pas spontanée pour tout le monde et la conseillère pédagogique doit en tenir compte. Il faut clairement déterminer les appréhensions de chaque éducatrice et trouver les solutions en équipe et sans jugement.

     Conseils à l'éducatrice :

    • 1. Proposer des activités qui amènent les enfants plus âgés à s'occuper des plus jeunes.

    Ex. : Raconter une histoire à un ami ou faire un casse-tête avec un plus jeune;

    • 2. Proposer des activités où les tâches peuvent être réparties en fonction des habiletés de chacun, car il n'est pas essentiel que les enfants fassent tous la même chose. Ex. : On construit une maquette d'hiver. Les grands font les maisons et les arbres alors que les petits peinturent de la neige et collent de la ouate;
    • 3. Choisir des activités que peuvent effectuer des enfants de niveaux d'habileté variés telles que: se maquiller ou se déguiser et faire une parade, construire des cabanes avec des couvertures et des coussins, laver les vélos, soigner les poupées...

    Pour terminer, selon votre demande, voici une liste de références qui pourront vous aider dans vos recherches : 

    • Info parents, CPE La Trottinette Carottée
    • CLERC, Le multiâge, Nathan, 1993
    • Le milieu familial reconnu par les CPE : une option à privilégier dans le développement (Mémoire présenté au gouvernement du QC) 25 aout 2003
    • Le multiâge : un apprentissage stimulant pour les jeunes enfants, par Jean-Marc Lopez
    • Guide de l'estime de soi vers l'autonomie, PROVENCHER, Sylvie, 2002
    • L'Activité Projet, le développement global en action, PELLETIER, Danièle, 1998

     Bonne chance.

     Julie Lefrancois


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  • article issu de : http://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/garderie/fiche.aspx?doc=groupes-multiages-garderie

    Les groupes multi âges en garderie

    D’un service de garde à l’autre, la façon de regrouper les enfants n’est pas toujours la même. Certains regroupent ensemble des enfants qui ont pratiquement tous le même âge, tandis que d’autres rassemblent des groupes d’enfants d’âges différents, comme au sein d’une famille nombreuse. C’est ce que l’on appelle un regroupement multiâge.

    Ce type de regroupement favorise le développement de l’enfant sur de nombreux plans, car la présence dans un même lieu d’enfants de divers âges accroît les occasions d’apprentissage. Il y a cependant des limites au groupe multiâge dont les milieux de garde doivent tenir compte. Même s’il est surtout répandu dans les services de garde en milieu familial, le multiâge est aussi présent dans plusieurs centres de la petite enfance (CPE) et garderies.

     

    Les avantages du multiâge

    • Les plus jeunes sont motivés à agir comme les grands qu’ils admirent. Ils feront, par exemple, des efforts pour demeurer assis et concentrés pendant une histoire, comme les grands.
    • Les plus grands retirent beaucoup de fierté et consolident leurs apprentissages en les expliquant aux plus jeunes : « Tu vois, ce morceau va avec celui-là parce que… »
    • Sur le plan affectif, le multiâge incite moins à la comparaison entre les enfants, puisqu’ils ne sont pas tous du même âge. Il y a moins de situations propices à la compétition et cela contribue à l’estime de soi de l’enfant.
    Comme les enfants apprennent beaucoup par observation et par imitation, le multiâge leur offre l’occasion d’observer des comportements très diversifiés.
    • Grâce à leurs interactions, petits et grands développent leurs habiletés sociales de base (ex. : apprendre à s’affirmer correctement, prendre soin des autres).
    • La présence d’enfants plus vieux incite les plus petits à améliorer leurs capacités langagières afin de pouvoir mieux communiquer avec eux.
    • Les frères et soeurs d’âges différents peuvent demeurer ensemble dans un groupe multiâge.
    • Les enfants établissent des relations à plus long terme, car ils n’ont pas à changer de groupe ni d’éducatrice à la fin de l’année. Cette stabilité leur permet de construire des liens solides.
    • L’éducatrice connaît très bien les enfants, mais aussi leurs parents, ce qui permet d’établir un sentiment de confiance envers l’éducatrice. Tout cela contribue à mettre en place une collaboration fructueuse entre adultes pour le bien de votre enfant.

    Les inconvénients du multi âge

    Le multiâge peut cependant comporter des inconvénients si le personnel éducateur ne prend pas certaines précautions pour les éviter. Les relations entre les enfants peuvent notamment se détériorer Voici quelques exemples :

    • Les enfants les plus grands deviennent parfois surprotecteurs à l’égard des plus jeunes ou ils cherchent à les contrôler.
    • Les plus grands peuvent devenir intolérants à l’égard des petits qui veulent s’intégrer à leurs jeux, mais qui ne savent pas encore bien respecter les règles.
    • Le personnel éducateur insiste parfois trop pour que les grands aident les plus petits dans diverses tâches leur faisant vivre des responsabilités pour lesquelles ils ne sont pas prêts.

    La difficulté d’organiser des activités offrant de réels défis aux grands est également un problème courant dans les groupes multiâges. Par exemple, offrir aux grands des jeux d’assemblage avec de petites pièces devient parfois difficile lorsque de jeunes enfants sont en mesure d’accéder à ces objets et de les avaler. Donc pour des motifs de sécurité, les activités peuvent être limitées même si les enfants plus grands sont pleinement capables de les réaliser.

    Comment surmonter les difficultés du multi âge

    Le personnel éducateur doit tenir compte des limites du multiâge présentées précédemment. Il est toutefois possible par une observation attentive du groupe et des interventions appropriées de prévenir l’apparition de ces difficultés. Par exemple, l’éducatrice peut prévoir des moments de jeux plus complexes pour les enfants plus vieux et proposer d’autres types d’activités aux plus petits durant ces périodes.

    Par ailleurs, il faut retenir que les activités ouvertes (ou activités-projets) sont particulièrement appropriées pour des moments partagés par tous les enfants. Ce type d’activité peut être réalisé de diverses manières, selon les habiletés de chacun. Par contre, les activités qui ont un but précis (ex. : un modèle à reproduire) conviennent moins aux groupes multiâge, car elles sont souvent soit trop faciles ou trop difficiles pour les enfants.

    Finalement, pour le personnel éducateur, une bonne connaissance du développement des enfants s’avère essentielle. Les besoins d’un enfant de 18 mois étant bien différents de ceux d’un enfant de 4 ans, l’éducatrice doit veiller à adapter ses interventions en fonction des capacités des enfants.

     

    Naitre et grandir.com

    Adaptation web : Équipe Naître et grandir
    Recherche et rédaction : Gilles Cantin, professeur spécialisé en éducation à la petite enfance
    Septembre 2014


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    Crèche : les experts partagés sur les bienfaits pour Bébé
    Crèche : les experts partagés sur les bienfaits pour Bébé

     

    Crèche : la vie en collectivité adaptée aux bébés ?

     

    La collectivité est-elle réellement appropriée aux besoins des tout-petits ? Les spécialistes de la petite enfance, Laurence Rameau, Miriam Rasse et Sylviane Giampino nous livrent leur point de vue…

     

    Le nourrisson : prêt pour la vie en collectivité ?

    Les enfants sont acceptés en crèches dès l’âge de deux mois. Pourtant, certains spécialistes estiment qu’à ce stade, le bébé est plongé dans un milieu inapproprié à son développement. Miriam Rasse, psychologue en crèches et directrice de l’Association Pikler-Loczy France explique : « la collectivité n’est pas un besoin pour un petit mais un choix ou une nécessité pour les parents. Un nourrisson n’a pas la maturité psychique suffisante pour vivre hors de son milieu familial. Sa principale tâche est de construire son individualité et non pas de faire attention à l’autre. Il est important de rappeler, qu’à la naissance, l’enfant n’a pas conscience qu’il est une autre personne. Il se confond avec sa mère, son entourage ou son environnement. Vers 8 mois, il commence à comprendre que sa mère et lui ne forment pas un tout, d’où la peur de la séparation ». Laurence Rameau, formatrice de professionnels de la petite enfance et ancienne directrice de crèche, a un avis différent. « Rien ne sert d’attendre la fin de l’angoisse du huitième mois pour commencer la vie en collectivité, celle-ci s’exprimant différemment chez chaque enfant. Il n’y a pas d’âge propice pour commencer la crèche. Pour Laurence Rameau, l’’idéal serait d’attendre que les parents soient prêts. En effet, il est souvent difficile pour une jeune maman de laisser son bébé de 2-3 mois avec d’autres personnes.

    Un congé maternité ou paternité d’un an : l’idéal ?

    La psychanalyste Sylviane Giampino, spécialiste de la petite enfance estime également que la collectivité n’est pas réellement adaptée aux bébés. Selon elle, les tout-petits devraient rester au sein de l’environnement parental au moins durant leurs six premiers mois. « Après le congé maternité, le papa devrait prendre la relève. Il faudrait mettre en place un tuilage entre les parents afin de préparer l’enfant, entre ses 4 et 6 mois, à l’entrée dans un mode de garde. » En fait, pour Sylviane Giampino, l’entrée en collectivité devrait s’effectuer seulement lorsque  l’enfant a acquis suffisamment de capacités pour pouvoir évoquer ses parents en leur absence. « Il faudrait lui laisser le temps de construire une relation significative avec sa mère et son père.  Car plus l’enfant est jeune, plus le lien qu’il a construit avec ces derniers est fragile », précise la psychanalyste. « J’attends beaucoup de la ministre Dominique Bertinotti concernant l’amélioration de la qualité des modes d’accueil des tout-petits. Cela est essentiel pour leur équilibre présent et futur. Si les congés maternités et paternités pouvaient s’allonger, si les parents pouvaient garder leur enfant jusqu’à 1 an, on vivrait dans une meilleure société. A condition bien sûr, que les familles ne soient pas isolées. Il faudrait développer les lieux d’échanges entre parents, même si, rappelons-le, certains ont vite besoin de retourner au travail ». De son côté, Miriam Rasse persiste : « jusqu’à l’âge de 3 ans, la collectivité n’est pas préférable. Avant cet âge, l’enfant n’est pas disposé à passer une journée entière avec d’autres enfants. En fait, ce n’est que lorsque il dit « je », c’est-à-dire vers 2 1/2  ans, qu’il aura vraiment conscience de lui-même ».


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  • article issu de : http://www.infobebes.com

    La socialisation et l’éveil : les deux points forts de la collectivité ?

    La socialisation et l’éveil des enfants sont les principales vertus attribuées aux lieux d’accueils collectifs. Mais la crèche est-elle plus apte à booster leur développement que leurs parents ou une assistante maternelle ? Réponses de nos experts…

    Les enfants issus de la crèche, plus sociables : le match

    On entend souvent dire que les bambins allant à la crèche sont plus sociables que les autres. Mais pour Sylviane Giampino, il s’agit « d’une idée reçue ». « Tout repose sur la qualité du mode d’accueil. Si l’enfant a appris à faire confiance, a tissé des relations en dehors de sa famille, même en étant chez une assistante maternelle, il ira vers ses camarades. Et ceux qui n’ont pas eu, jusqu’à 3 ans, l’occasion de se frotter aux codes communs, les apprendront à l’école sur le tas ».
    Laurence Rameau, ancienne directrice de crèches, tient le discours inverse. « Les instituteurs de maternelle constatent une réelle différence chez les petits ayant été en collectivité. Ils ont une véritable aptitude à rencontrer les enfants et à se construire avec l’autre. Certains experts prétendent qu’un bébé est centré sur lui-même, qu’il est préférable d’éviter la collectivité avant 18 mois, mais c’est une fausse croyance des années 1980-90. Sans oublier la grande capacité d’imitation des enfants. Pour preuve, les pleurs se propagent telle une contagion. Les bébés font aussi preuve d’empathie. On voit souvent un petit prêter son doudou à l’un de ses camarades malheureux ». En clair, pour la spécialiste, « même avant de marcher, le tout-petit noue des liens d’attachement profonds et constants avec d’autres enfants, nécessaires pour explorer le monde. Les référents ont aussi une place importante. S’ils ne sont pas trop nombreux et s’il y a une cohérence dans le projet pédagogique, cela permet au petit de choisir avec quelle personne il préfère avoir une relation forte, en plus de celle qu’il a avec sa mère, qui est exclusive. Ce lien est bénéfique si celui qu’il a avec sa mère est défaillant ».

    La première socialisation passe par les adultes

    La psychologue Myriam Rasse met elle aussi l’accent sur la relation que tisse le petit avec les professionnels : « la première socialisation, aidant l’enfant à se construire, s’effectue avec les adultes. Si le bébé se sent reconnu, pris en compte, il va apprendre à faire attention à l’autre. Toutes ses expériences vont lui servir de modèles pour construire ses futures relations avec ses pairs. Car la socialisation, c’est avant tout prendre en compte l’autre. Et l’enfant ne peut pas reconnaître ses camarades, s’il ne se connaît pas lui-même ». La directrice l’Association de Pikler-Loczy France dénonce également une certaine tendance à conditionner les bambins. « Certains parents pensent qu’il faut apprendre aux enfants à partager. Or, plus on protège son activité, plus il partagera quand il sera prêt. On l’observe en collectivité : quand un petit prend le jouet d’un autre, il ne peut pas imaginer que l’autre ne veut pas lui donner, qu’il est différent de lui. A ce stade, il n’a pas encore cette maturité psychique pour comprendre la notion de partage. Néanmoins, les conflits, peuvent, dans la mesure où ils ne prennent pas d’ampleur, avoir des valeurs structurantes pour l’enfant. Il comprend ainsi que vivre avec les autres est compliqué ».

    La collectivité : bénéfique pour l’éveil de Bébé

    « En accueil individuel ou collectif, ce qui prime pour le nourrisson, c’est la qualité des soins qui lui sont apportés, pose Sylviane Giampino. Mais pour les plus grands, la crèche permet une liberté de mouvement indéniable. C’est vrai, beaucoup d’enfants s’ennuient en accueil collectif, parfois par manque de jeux personnalisés, mais la crèche offre une multitude d’activités ». Laurence Rameau partage également ce point de vue : « ce type de structure augmente les possibilités d’apprentissages. Les bébés sont plus intelligents ensemble. L’un commence un jeu, l’autre le continue, et ainsi de suite… Le développement cognitif d’un petit s’effectue grâce au groupe. De nombreuses recherches en neurosciences l’ont démontré ».


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  • article issu de : http://www.infobebes.com/Bebe/Quotidien/Modes-de-garde/La-creche/Creche-les-experts-partages-sur-les-bienfaits-pour-Bebe/Creche-travail-en-equipe-dans-des-locaux-adaptes

    Crèche : travail en équipe dans des locaux adaptés

    Sécurité du lieu, personnel encadrant formé… les modes de garde collectifs rassurent davantage les parents.

    Un travail d’équipe bénéfique

    Même si les assistantes maternelles bénéficient de plusieurs heures de formation, cette formation n'est pas équivalente à celle des personnels des crèches, tous titulaires d'un diplôme de la petite enfance. Et à la différence des assistantes maternelles, le personnel de crèche travaille en équipe. « Le fait qu’il y ait plusieurs personnes pour s’occuper des enfants est très rassurant pour les parents, précise Laurence Rameau. On sait comment un bébé, notamment lorsqu’il pleure, peut mettre un adulte en difficulté. Lorsqu’on est 3 ou 4, c’est beaucoup plus facile à supporter, on a de l’aide. Au contraire, une nounou peut parfois perdre ses moyens ». La psychologue Miriam Rasse confirme ces propos. « Malgré les RAM*, la professionnelle n’est pas autant soutenue dans son travail quotidien. N’oublions pas que les personnels de la petite enfance font appellent à des ressources professionnelles et personnelles. Il faut donner de soi, on a besoin d’être accompagné ». Bien que partisane de l’accueil individuel, elle souligne que lorsqu’une crèche se réfère à un projet pédagogique précis, l’équipe sert de tiers entre les parents et les référents. « Cela permet d’éviter une appropriation de l’enfant ou une relation trop distante d’un professionnel avec un bébé. », ajoute Miriam Rasse. Au contraire, une assistante maternelle travaille sans intermédiaire, les parents étant également ses employeurs. Dans ce cas, il faut éviter tout conflit entre les adultes, ce qui « pourrait insécuriser le tout-petit », ajoute la psychanalyste Sylviane Giampino.

    Des locaux sécurisés

    D’un point de vue logistique, les crèches sont également adaptées aux besoins de l’enfant, indique Miriam Rasse. Ce cadre sécurisé, où l’enfant ne sera pas entravé par des interdits à répétition, est un avantage de taille, poursuit Sylviane Giampino. « Rares sont les assistantes maternelles qui ont une pièce de jeux en plus. C’est donc beaucoup mieux conçu qu’une maison. » De son côté, Laurence Rameau estime que même s’il est essentiel de protéger les enfants, les installer dans un cocon, avec de multiples barrières n’est pas bénéfique : « ce n’est pas ça la vie. Il faut offrir un cadre riche en expérience et non plat et lisse. D’ailleurs, les escaliers au sein des crèches ça peut être très intéressant pour l’éveil des petits ».
    *Relais d’assistantes maternelles


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  •  article issu de : http://lesptitsmomes.valdemarne.fr/article/parents-et-professionnels-une-relation-de-confiance

    Parents et professionnels : une relation de confiance

    La confiance se construit par étapes. C’est dans une écoute réciproque, un respect mutuel et un dialogue ouvert que parents et professionnels peuvent développer une relation harmonieuse. Parmi ces étapes, trois temps forts : l’accueil, l’adaptation et les transmissions.

     

    © Célia Pernot 

    L’accueil et les premières rencontres : créer un climat de confiance

    Pour les parents confiant leur enfant à une assistante maternelle, tout commence par le choix de la professionnelle. « Je recommande aux parents et aux assistantes maternelles de prendre le temps de se rencontrer et d’aborder tous les points essentiels avant de signer le contrat : éviter surtout toute précipitation », explique Muriel Michaud, puéricultrice de secteur, en charge de l’agrément et du suivi des assistantes maternelles à l’Espace Départemental des Solidarités de Maisons-Alfort. « Lors du premier rendez-vous avec les parents, les assistantes maternelles présentent ce qu’elles vont proposer : leur habitat, le lieu de jeu, de repos, de repas, une journée type, leur famille…  Il faut qu’elles soient au clair avec ce qu’elles souhaitent, tout en étant à l’écoute de la famille.

    L’adaptation : faire connaissance

    Pour faciliter l’adaptation de l’enfant à son nouvel environnement, les professionnels aménagent une période de transition d’une semaine en moyenne, au cours de laquelle l’enfant découvre le nouveau lieu de manière progressive en présence de l’un de ses parents. Un moment précieux qui permet notamment aux parents et professionnels de faire connaissance. « C’est un temps d’échange mutuel qui va nous servir durant 3 ans, explique Manuela Lemire, auxiliaire de puériculture à la crèche Armangot de Vitry-sur-Seine. Je me renseigne sur toutes les habitudes de l’enfant pour pouvoir les respecter au maximum et assurer ainsi une continuité entre la crèche et la maison. J’essaie surtout de mettre à l’aise les parents, avec un peu d’humour, de dédramatiser et de les rassurer. En tant que professionnelle, je me mets à leur place, je suis maman aussi, je comprends leurs questions. »

    Les transmissions : communiquer

    Le matin et le soir, le professionnel et les parents échangent sur le vécu de l’enfant. « Nous avons besoin d’avoir des informations car cela permet d’aménager la journée de l’enfant en fonction de ce qu’il a vécu. Par exemple, s’il a passé une mauvaise nuit, on pourra prévoir un petit moment calme dans la journée », explique Manuela Lemire. Au-delà des informations sur les activités, le sommeil, les repas, c’est aussi l’occasion pour l’auxiliaire ou l’assistante maternelle de parler de ce qu’elle a pu observer de l’enfant, ses interactions avec ses petits camarades, son comportement, de raconter des anecdotes. « C’est le plus qui rassure les parents, c’est important pour la confiance, car ils sentent qu’elle est attentive à leur enfant. Cela les rassure sur la qualité du lien », explique Muriel Michaud.

     

    L’avis de Colette Masson, psychologue clinicienne, intervenant en crèches et PMI dans le Val-de-Marne.

    Les relations entre les professionnels de la petite enfance et les parents sont parfois complexes. Qu’est-ce qu’il se joue entre eux ?

    Effectivement, ce n’est pas simple car il y a des enjeux émotionnels très forts. Depuis que les crèches existent, les parents sont dans l’ambivalence de confier leur enfant et de se séparer de lui. Confier un enfant n’est ni naturel, ni spontané. D’autant plus lorsqu’il n’a que quelques mois. La société impose aux mères de reprendre le travail très tôt. Même si elles arrivent à jongler entre les congés et les prolongations liées à l’allaitement, les bébés nous sont confiés vers l’âge de 4 ou 5 mois. C’est un déchirement pour les parents de se séparer de leur enfant à cet âge-là. Les mères sont encore complètement absorbées par les besoins de leur enfant et pas prêtes à se « défusionner ». Pour les professionnelles, ce n’est pas simple non plus car cela peut être très culpabilisant d’avoir le sentiment de déposséder les parents de leur enfant. La plupart d’entre elles, sont ou seront mères et peuvent s’identifier à la fragilité dans laquelle se trouve la maman.

    Comment parvenir à créer un climat harmonieux ?

    L’admission de chaque famille doit se préparer en amont afin, pour les professionnelles, de pouvoir développer une empathie avec les parents. Cela leur demande de travailler sur la place et le rôle qu’elles vont occuper auprès des parents. Nous devons arriver à ce que ces derniers puissent se sentir guidés mais jamais dépossédés. La clé est l’écoute des parents, le respect, le dialogue, l’ouverture d’esprit et l’observation de l’enfant. « Nous devons accueillir les parents comme des hôtes de marque » disait Françoise Dolto. Depuis la fin des années 1990, un gros travail est fait au sein des crèches pour aller dans ce sens : considérer les parents comme les « experts » de leur enfant ; adapter l’institution aux parents et non plus l’inverse pour être au plus près des besoins de chaque enfant. Ce sont des notions nouvelles vers lesquelles nous tendons.


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  • article issu de : http://www.educatout.com/

    La juste place de l'éducatrice entre l'enfant et ses parents

     

    Pendant la petite enfance, les relations d'attachement sont prédominantes, ce sont les relations les plus influentes dans la vie d'un enfant. Elles préparent le terrain aux aspects les plus importants de son développement, ceux qui vont constituer sa personnalité.

     

     Les études démontrent que les jeunes enfants qui ont des parents sensibles, conciliants et soutenants débutent une trajectoire de développement psychosocial positive.

     

     Mais qu'en est-il de l'éducatrice avec qui ils passent plus de huit heures par jour? Quelle est la juste place de celle-ci à travers le noyau familial de l'enfant qu'elle côtoie quotidiennement et auquel elle s'attache profondément?

     

     Être éducatrice, c'est un travail avant tout. C'est un travail technique et professionnel dans lequel on doit accompagner autant les parents que les enfants.

     

     Il est évident qu'éducatrices et parents possèdent des comportements semblables envers l'enfant, mais il faut clairement distinguer les rôles de chacun.

     

     La Campagne nationale de perfectionnement sur le Programme éducatif, Brio, aborde ce thème de distinction des rôles. Il s'agit en fait de la différence entre le maternage et l'éducation.

     

     Échelle de distinction des rôles proposée par Lilian G. Katz[1]

     

     

      Maternage
    (fonction parentale)
    Éducation
    (fonction d'accueil)
    Portéedes fonctions

    « La responsabilité des parents à l'égard de leur enfant est entière, imprécise, continue et illimitée. »

     

    « Il n'y a rien se rapportant au jeune enfant qui ne soit l'affaire des parents. »

    «La responsabilité des professionnelles à l'endroit des enfants est une responsabilité spécifique.Le lien est limité dans le temps, déterminé par une mission et un mandat, médiatisé par une compétence et légitimé par une institution et par un salaire. »

     

    « Plus l'enfant est jeune, plus il y aura des fonctions à assumer pour l'éducatrice ou la RSG et de risques de confusion avec le rôle parental. »

    Portée des
    responsabilités
    « La responsabilité des parents à l'égard de l'enfant et de son bienêtre est individuelle. » « La responsabilité des professionnelles à l'endroit des enfants est collective et concerne le groupe dans son ensemble en même temps que chacun des individus qui le composent. »
    Partialité

    « Les parents ont un parti pris fondamentalement positif et le lien qui les unit à l'enfant est caractérisé par l'attention inconditionnelle et l'optimisme. »

     

    « Les parents penchent en faveur de leurs enfants, se font défenseurs de leurs besoins et exagèrent leurs qualités et leurs dons. »

    « Les professionnelles doivent considérer tous les enfants avec impartialité et agir avec universalisme. Toute habileté, connaissance ou technique qu'elles possèdent doivent être mises à la disposition de chaque enfant, selon ses besoins, que cet enfant leur plaise beaucoup ou moins. »

     

     
     

     

    Cette distinction des rôles est simple à constater sur ce tableau, mais n'est pas nécessairement évidente à appliquer pour les éducatrices et les RSG, surtout lorsqu'il y a divergence quant aux valeurs familiales.

     

     Une vraie professionnelle a le devoir de mettre en place un partenariat avec les parents dans le cadre de l'éducation de l'enfant. Elle doit pouvoir expliquer clairement ses valeurs éducatives et ses méthodes d'intervention.

     

     Elle peut également jouer un rôle actif dans le soutien à l'exercice des habiletés parentales. C'est en étant confiante envers son travail qu'elle se fera respecter des parents.

     

     Il ne faut pas hésiter à demander l'aide de la conseillère pédagogique afin d'être guidée pour établir une relation avec certains parents plus difficiles d'approche.

     

     L'important est d'instaurer une relation. Si les parents acceptent l'éducatrice en tant que professionnelle, le travail effectué avec l'enfant sera positif. C'est ce qu'on peut appeler une relation complémentaire; le service de garde et la famille se complètent l'un et l'autre pour une meilleure qualité d'accueil de l'enfant, de là le fameux « triangle de la relation éducative ».

     

     En conclusion, pour une bonne relation éducative, il faut être, avec les parents, cohérents vis-à-vis de l'enfant, c'est-à-dire qu'il faut que la dyade éducatrice-parents décide ensemble d'une conduite à tenir afin que chacun puisse répondre aux besoins et aux demandes de l'enfant.

     

     Il s'agit de prouver aux parents que nous ne sommes pas là pour les juger ni pour les remplacer, mais bien pour leur démontrer la nécessité d'une collaboration dans l'intérêt de l'enfant. 

     

    Questions à se poser en tant que professionnelle :

     

    • Suis-je à l'aise avec cette partie de mon rôle?
    • Comment puis-je qualifier ma relation avec les parents?
    • Cette relation est-elle empreinte de respect et d'ouverture de part et d'autre?
    • Mes attentes envers les parents sont-elles réalistes?
    • Est-ce que je respecte le parent dans ma relation  avec son enfant?
    • Qui peut m'aider lorsque cette collaboration n'est pas présente, qu'elle laisse à désirer?

     

    Plusieurs donnés contenu dans ce texte sont diffusés dans le cadre d'une formation offerte par un regroupement membre de l'AQCPE. Pour en savoir plus long sur la formation BRIO, les personnes intéressées peuvent s'adresser au regroupement de leur région.

     

     1. Pour lire l'article complet « Distinction entre maternage et éducation » de Lilian G. Katz : http://id.erudit.org/iderudit/900415ar

     


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  • article issu de : https://gguernalecblog.wordpress.com

    Accompagner les parents quand on est un professionnel de la petite enfance : pas facile tous les jours

    Il est tour à tour pointilleux, absent, fragile, désemparé ou au contraire sûr de lui mais en tous cas il n’est jamais mauvais. Qui ? Le parent face à un professionnel de la petite enfance. C’était un peu le credo du colloque organisé hier à Paris par ZO&KI, spécialisé dans la formation en petite enfance, autour de la question suivante : « quelle place pour les professionnels de la petite enfance dans l’accompagnement à la parentalité ? »

    Le matin, Héloïse Junier, psychologue en crèche et formatrice, a dressé une petite typologie des familles auxquelles sont confrontés les professionnels (employés de crèches comme assistants maternels). Les parents « élèves » sont ces jeunes pères et mères qui posent beaucoup de questions, demandent conseil et permettent à leurs interlocuteurs de se sentir investis d’une mission.

     

    Les parents « exigeants » font peur aux équipes car ils ont des attentes fortes, les parents « autonomes », « tels des lions dans la savane, savent où ils vont ». « Avec eux les transmissions sont brèves, on les voit peu ». Se pose aussi, de plus en plus, la question de l’accueil des foyers en difficulté sur un plan socio-économique. Héloïse Junier évoque le cas de cette famille malgache dont le petit garçon de 17 mois regarde la télévision sept à huit heures par jour en buvant des biberons de coca-cola. Installée devant l’écran également, sa petite sœur de six mois. « Or, cette famille avait des pratiques très riches à transmettre, une langue, des gestes de maternage, constate la psychologue. Mais rien à faire. Ils n’étaient pas réceptifs à ce que je disais, considérant que les conseils prodigués n’étaient pas valables pour eux. On a envie d’aider, d’épauler, de guider. A quel moment va-ton être trop intrusif ? ».

    Les relations parents/pros très imprégnées des problématiques socio-économiques

    Petite incise : dans le n°118 de la revue Politiques sociales et familiales de la CNAF, paru en décembre dernier et consacré aux représentations autour des normes de « bonne parentalité »  (compte-rendu de lecture sur ce blog), un chercheur en sciences sociales, Bertrand Geay, a réalisé une étude analysant le rapport des familles au mode d’accueil selon leur milieu social. Les fractions les plus précaires des classes populaires font peu garder leurs enfants, mais pas seulement pour des raisons économiques. L’auteur évoque « une certaine méfiance à l’égard des institutions et la volonté d’assumer la vie de la petite famille de façon autonome ». « L’entre-soi familial est à la fois le moyen de valoriser les seules ressources immédiatement disponibles, de faire la preuve d’une forme de maîtrise du statut acquis par la parentalité et de se soustraire aux jugements toujours potentiellement négatifs des catégories occupant des positions élevées dans l’espace social ». Les familles des fractions supérieures des classes populaires ont davantage recours aux modes d’accueil, notamment aux assistantes maternelles avec lesquelles existe une affinité sociale. L’assistante maternelle « joue alors le rôle d’une sorte d’expert indigène, issu du même milieu social et concurrent des prescripteurs médicaux et médico-sociaux qui appartiennent aux classes moyennes et supérieures cultivées. »

    Quant aux parents des milieux plus favorisés, ils privilégient l’accueil en crèche qui apporte des garanties d’éveil et de socialisation. Pour ces familles la crèche constitue un lieu d’apprentissage. Lorsqu’ils optent pour une assistante maternelle, ces parents passent souvent par la crèche familiale. Et la participation aux activités d’une crèche ou à un RAM constitue un critère de choix décisif. «Ces parents vont souvent négocier l’instauration de pratiques conformes à ce qu’ils souhaitent en matière de pratiques alimentaires, de siestes et de sorties, note le chercheur. L’utilisation d’aliments frais, et parfois de produits biologiques, peut en particulier venir en discussion, de même que le non-usage de la télévision

    Les principes éducatifs des parents peuvent parfois heurter les normes édictées par les structures, remarque d’ailleurs Héloïse Junier en citant l’exemple de cette maman qui refusait que son enfant porte une couche au moment de la sieste alors qu’il mouillait systématiquement son lit, ce qui le réveillait. La situation suscitait un malaise au sein de l’équipe. Cet espace de co-éducation que sont les crèches est donc propice aux frictions voire aux conflits.

    Les pros à l’épreuve du repérage précoce

    La psychologue évoque également la problématique de l’enfant en difficulté. « Beaucoup de troubles émergent dans la petite enfance. Comment fait-on quand on perçoit les premiers signes ? Comment aider une famille face au dépistage précoce ? Oui, il faut respecter le rythme de l’enfant. A quel moment est-on certain qu’il y a un problème et comment en parler? »

    Le sujet est infiniment sensible et pas franchement consensuel. D’ailleurs, lors de la table-ronde suivante, Sophie Marinopoulos, psychologue et psychanalyste, ne manquera pas d’y fera allusion : « attention, vous n’êtes pas là pour poser un diagnostic. Vous n’avez pas à provoquer un traumatisme. Quand enfant vous paraît en décalage, écoutez ce que le parent ressent.  ». Il existe parmi les spécialistes un schisme quasi idéologique (toujours compliqué à résumé en une phrase) : les psychanalystes manifestent en général une forte réticence vis à vis du dépistage précoce alors que les tenants d’une psychologie plus médicale militent au contraire pour un repérage le plus en amont possible. Une jeune femme dans la salle racontera de son côté l’histoire suivante : un enfant dans sa crèche avait vraisemblablement un strabisme. Elle a fait part de ses inquiétudes à sa direction qui n’a pas réagi et a fini par en parler d’elle-même aux parents. L’enfant a aujourd’hui six ans et porte des lunettes. Mais son initiative lui a été reprochée. Parce que ce n’était pas son rôle ? Ou parce qu’elle n’a pas consulté le reste de l’équipe ? Difficile à dire.

    Des outils pour tisser une relation de confiance

    Après Héloïse Junier, une assistante maternelle, deux directrices de crèche et une maman ont elles aussi pris la parole pour raconter comment pouvait s’instaurer au quotidien une relation de confiance entre les professionnels et les parents, notamment lorsque l’enfant accueilli est porteur d’un handicap ou souffre d’une grave maladie. Murielle Bonneton, directrice de la crèche Les Tilleuls à Boulogne Billancourt, explique comment sa structure a accompagné la maman de Thomas, petit garçon né avec une atrésie de l’oesophage et soumis à de longues hospitalisations. Tout est fait pour faciliter le retour de l’enfant au sein de la crèche. Pendant son absence, l’équipe a communiqué aux parents les grandes étapes du développement et indiqué les jouets adaptés à ces différents stades. « A l’hôpital on est dans le physiologique, le technique, le concret, pose la maman de Thomas. Le projet de vie qu’on avait pour notre enfant est mis de côté. Mais avec la crèche, on a pu se raccrocher à ce projet, le faire vivre. On a réussi à se projeter. »

    Natalia Baleato, directrice de la très emblématique crèche Baby-Loup désormais située à Conflans Sainte Honorine, rappelle de son côté à quel point sa structure est incroyablement innovante (ce que l’actualité des dernières années a eu tendance à faire oublier). Accueillir souvent en urgence des enfants de 0-6 ans (et même jusqu’à huit ans) 24h/24 et sept jours sur sept induit l’accueil de plus de 200 enfants au total sur l’ensemble de l’année, et donc un turn over très important des parents. « On essaie de réfléchir à la façon de répondre à chaque instant aux besoins spécifiques de l’enfant. Nous accueillons les parents avec un café. C’est une manière de rentrer en dialogue, de les retenir un peu, d’avoir plus d’informations. Nous essayons d’entrer en contact sans donner des cours magistraux car ce serait très réducteur. Nous organisons des réunions de mamans tous les deux mois. Ce ne sont pas des réunions à thème car fixer un sujet a tendance à limiter la parole. Nous invitons parfois un « professionnel de la parole ». A la fin de l’année un séjour est organisé pour les mamans, une sorte de séminaire de femmes des quartiers, en général le week-end de Pâques. Les mamans y participent seules sans père et sans enfant. On travaille sur les notions être « femme, sœur, mère, compagne ». Nous organisons aussi des séjours avec les mères et les enfants. Chez nous il y a beaucoup de proximité mais pas de promiscuité.» (Sur ce blog, un autre exemple de crèche soucieuse d’instaurer une relation privilégiée avec les parents).

    Pères, mères, rôles symboliques et stéréotypes

    Le récit de Natalia Baleato a donné lieu à un joli échange, presque drôle si sur le fond le sujet n’était pas aussi sensible. Dans la salle une jeune étudiante, future éducatrice de jeunes enfants, prend la parole pour s’étonner : « Dans nos cours on nous parle tout le temps de l’égalité entre les femmes et les hommes, des stéréotypes sur les pères et les mères et là vous ne nous parlez que des mères ». Sourires dans l’assistance, y compris sur le visage de l’interpellée. « Les pères, comme les grands parents d’ailleurs, ont toute leur place chez nous. Mais Baby-Loup répond beaucoup aux besoins au pied levé des mères seules. 40% de nos effectifs sont des mères seules. Et parfois les pères n’osent pas franchir la porte. Il y a néanmoins des réunions des parents où il y a beaucoup de pères. Nous avons fait des ateliers multimédias. Les pères sont tombés du ciel comme par miracle. A un moment ils voulaient eux aussi avoir des temps à eux. On leur a dit chiche, organisez vos réunions. C’est ce qu’ils ont fait. Très vite ils se sont mis à parler bricolage et plus du tout des enfants. Les stéréotypes sont encore là. » Notamment dans les milieux populaires, comme le soulignent les études sociologiques sur le sujet, serait-on tenté d’ajouter. Sophie Marinopoulos, connue pour ses travaux sur l’accouchement sous X, le déni de grossesse et le psychisme des femmes enceintes en général, auteure notamment du livre « Dans l’intime des mères », y voit pour sa part davantage une réalité psychique que des stéréotypes. Avec un sourire elle note que décidément « un père et une mère ce n’est pas pareil ».

    L’après-midi, elle enfoncera le clou, séduisant et interpellant son auditoire par son discours à la fois enlevé, empathique, riche de symbolique et de références à Freud. Ce sont notamment ses assertions sur la « mère qui toujours introduit le père », « la mère qui porte le père » ou la « mère avec un grand M » qui font réagir les étudiants dans la salle. Est-ce la mère qui cache le père ou le père qui se cache ? Pourquoi ne pas parler de père avec un grand P ? Sophie Marinopoulos rappelle qu’il s’agit de méta langage et non du père et de la mère au sens propre, en tant qu’individus. On sent bien que cette présentation néanmoins très sexuée des rôles parentaux (théorisée depuis longtemps comme elle le précise elle-même) heurte les plus jeunes, nourris de concepts plus récents sur le genre. Elle le redit lors de son intervention : « un père et une mère ne seront jamais identiques ». Vaste sujet et terrain plus que miné qui a donné lieu à des débats sans fin au moment du vote de la loi sur le Mariage pour tous et des discussion homériques sur l’homoparentalité (à ce sujet, voir ce récent article sur le blog).

    Une société de communication…mais sans parole véritable

    Sophie Marinopoulos profite également de cette journée pour rappeler que travailler avec l’humain c’est travailler avec la matière psychique, ce qui revient à marcher sur des oeufs, comme le savent les professionnels de la petite enfance (et peut difficilement susciter la controverse). Elle livre son analyse des récentes évolutions sociétales : « Je travaille depuis 1982 et je ne fais plus le même métier. Nous sommes dans une société de communication avec un grand déficit de la parole. Dans mon lieu d’accueil nous sommes surchargés de travail. On est dans la maîtrise de tout, on ne supporte plus que les choses nous échappent. Dire qu’on a peur devient difficile. Notre société de consommation est saturée, on ne laisse plus un enfant ne rien faire et la société est aveugle aux besoins symboliques des enfants qui ne font plus l’expérience de l’enfance.» Discours qu’on entend en effet de plus en plus chez les professionnels de l’enfance qui constatent que les petits, débordés d’activité, n’ont plus le loisir de s’ennuyer. Sophie Marinopoulos livre une anecdote très éclairante d’une forte tendance actuelle : assise en terrasse au bord de la mer, elle observe une famille en train de déjeuner à quelques mètres. Deux enfants de deux et quatre ans sont présents et jouent avec des téléphones portables. Alors que le sable est à portée de main. Dans la salle une jeune femme directrice de crèche familiale rebondit sur cette observation : « l’enfant est aujourd’hui la septième merveille du monde et pourtant je vois souvent des enfants pleurer pendant que leur parent est au téléphone. Les assistantes maternelles accueillent des parents qui n’ôtent même pas leur oreillette.» A ce sujet, vous pouvez lire sur ce blog l’article « Maman ne peut pas décrocher d’instagram, ton biberon attendra« .

    La CNAF veut lier petite enfance et soutien à la parentalité

    La CNAF a elle aussi été conviée à s’exprimer lors de cette journée. Edith Voisin, chef de projet au sein de la CNAF a rappelé que l’institution qu’elle représente est un acteur politique ancien mais dont l’engagement sur la parentalité est plus récent. L’objectif de l’institution est de convaincre les acteurs locaux d’ouvrir des centres d’accueil parents enfants. « Jusqu’à présent la politique de la petite enfance et de la parentalité étaient menées en silos, de façon décloisonnée. Il est nécessaire de mieux les articuler en mettant notamment en place des schémas départementaux, avec une instance unique pour regrouper les différents acteurs et réfléchir à une politique plus concertée. » Cette expérience est actuellement menée dans 18 départements pilotes. Le site mon-enfant.fr va également venir en appui de cette volonté de diversifier l’action des CAF et de l’ouvrir sur le soutien à la parentalité. Aujourd’hui le site est très centré sur la petite enfance. Il aide les familles à trouver un mode d’accueil. « Nous sommes en train d’élargir l’offre au secteur de la parentalité pour que les familles puissent trouver toutes les actions pour les accompagner dans le cadre des REAPP »,  précise Edith Voisin. Une rubrique « Près de chez vous » va recenser toutes les initiatives qui s’adressent aux parents (conférences, débats). Un espace documentaire sera mis à disposition des professionnels.

    Accompagner les parents sans jamais les juger

    Pour clore la journée, Isabelle Gambet-Drago, kinésithérapeute, spécialiste du massage des bébés, membre de l’association Edelweiss et auteure de plusieurs ouvrages (« 100 astuces bébé« , « ma leçon de massage avec bébé« ), donne elle aussi sa vision de la relation parents-professionnels dans les structures d’accueil, individuelles ou collectives. En préambule, l’intervenante explique qu’il existe un réel décalage entre ce que le professionnel considère comme un bon parent et la personne à laquelle il est confronté tous les jours. Cet enfant qui arrive systématiquement avec la morve au nez, ou qui, le lundi, a les fesses rouges alors que le vendredi son séant était impeccable peut susciter des sentiments peu amènes à l’encontre du parent. « Si on veut accompagner, on ne peut pas juger, pose Isabelle Gambet-Drago. C’est très compliqué. On doit revisiter nos conceptions. Les parents qui viennent aimeraient être reconnus comme de bons parents avec leurs croyances et leurs cultures, leurs façons de faire. Nous, en face, nous avons appris des choses à l’école. Malgré soi on se dit « cet enfant est mal éduqué ». Quand on a la sensation qu’un parent ne fait pas tout ce qu’il pourrait faire on a tendance à juger. Si vous portez un jugement, ça va se voir dans votre communication non verbale, dans le langage du corps. Or il faut ouvrir tous les possibles pour pouvoir accueillir toutes les différences, y compris ce qui nous dérange parce que ça ne rentre pas dans notre conception du « bon parent ». Il n’y a pas de bon ou de mauvais parent. »

    Cette conception de l’accompagnement à la parentalité est assez représentative de « l’école française » toujours soucieuse de ne pas imposer de normes sociales de classe  et de ne pas faire jouer aux professionnels le rôle de « police des familles » selon l’expression de Jacques Donzelot.

    Cette approche est donc très différente de l’approche anglo-saxonne, plus tournée vers l’éducation voire la formation des parents eux-mêmes à travers des programmes dédiés. Ces différences théoriques et pratiques sont exposées en détail dans cet article du blog : soutien à la parentalité, des modalités encore très controversées. « Si on prend en compte les défaillances parentales, on est dans le conseil pas dans l’accompagnement, estimera plus tard Isabelle Gambet-Drago, interviewée en aparté. Plutôt que de prodiguer des conseils, mieux vaut discuter, rebondir sur ce que disent les mères, sur ce qu’elles projettent pour leur enfant, comprendre comment elles se sont structurées dans leurs connaissances. Pour bouger les choses en profondeur les leçons de morale et l’infantilisation ne marchent pas.»

    Ne pas avoir peur des liens d’attachement

    Dans son intervention, cette spécialiste a également fait référence aux liens d’attachement, fondamentaux pour le bon développement de l’enfant. Quand un petit va en crèche ou est accueilli par une assistante maternelle, il trouve une autre figure d’attachement qui ne se substitue en aucun cas aux figures parentales mais constitue simplement un lien supplémentaire qui ne peut que lui être bénéfique. Pour Isabelle Gambet-Drago, les professionnels de la petite enfance ne s’autorisent pas assez à vivre et à verbaliser cet attachement. « On vous dit trop « gardez vos distances » remarque-t-elle. Mais il n’y a jamais trop de lien pour enfant à partir du moment où il est suffisamment travaillé à l’intérieur de soi. Dire qu’on n’a pas le droit de faire un câlin à un enfant de peur qu’il ne s’attache trop c’est délirant. Ce qui se passe entre 0 et 2 ans est fondamental et vous avez entre vos mains les adultes de demain. » Elle propose des outils favorisant cet attachement au sein des structures d’accueil : le bercement, le portage, le massage, le contact physique en général. « On peut tout à fait utiliser du matériel de portage en crèche. Il faut juste que toute l’équipe soit d’accord sur le principe.» Et bat en brèche l’idée que « l’enfant va prendre l’habitude et ne plus pouvoir s’en passer ». Des propositions qui ont suscité des réactions dans l’assistance, entre enthousiasme et doutes. Comment s’occuper de plusieurs enfants si l’un d’entre eux ne s’endort que dans les bras ? Comment mettre en place ces pratiques si le reste de l’équipe y est hostile ? Quid des possibles réticences parentales ? Comme souvent dans ce type de rencontres, le public repart avec presque autant de questions que de réponses. Ce qui traduit plutôt la richesse des sujets que l’inanité des débats.

     


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  • article issu de : http://www.lien-social.com/le-referent-professionnel

    Le référent : professionnel ressource ou substitut parental ?

    Jacques Trémintin & Guy Benloulou

     

    En désignant une seule personne qui fera office de référence à tous les intervenants qui gravitent autour de lui, aide-t-on l’usager à s’y retrouver ? Avantages et inconvénients d’une pratique en vogue

    La référence éducative est une pratique qui s’est imposée avec le temps au sein des institutions prenant en charge des mineurs ou des adultes pour qui une intervention spécialisée s’avère nécessaire. Pourtant, ce type de fonctionnement devrait pouvoir être interrogé quant à ses tenants et ses aboutissants, ses avantages et ses inconvénients, ses richesses et ses dérives. Aussi n’est-il pas inutile de nous poser aujourd’hui sur ce concept, en essayant de questionner ce qui est devenu une « évidence ».
    Psychiatre, psychologue, psychothérapeute, psychomotricien, orthophoniste, kinésithérapeute, ergonome, médecin, instituteur, professeur, formateur, correspondant de la mission locale, tuteur de stage, maître d’apprentissage, animateur, entraîneur sportif…, avec la multiplication des professionnels qui gravitent autour de l’enfant, il y a parfois de quoi s’y perdre. Nombre de parents ont expérimenté la difficulté de cheminer dans ce labyrinthe. Mais tout se complique encore quand l’usager est admis dans une structure qui est chargée de faire face à la gestion de sa globalité et s’intercale entre lui et sa famille. Que ce soit l’enfant ou l’adulte, ils sont confiés à un service sur une décision de la CDES, de la COTOREP, du Juge des enfants ou sous la forme d’un contrat administratif. Au moment de l’admission, directeur, chef de service ou assistante sociale jouent souvent un rôle essentiel dans l’accueil et la présentation du projet pédagogique de l’établissement. C’est ensuite toute une équipe pluridisciplinaire qui va prendre en charge l’usager. Il est fréquent néanmoins qu’un professionnel soit désigné pour suivre personnellement ce dernier. Il servira de pivot et d’interlocuteur privilégié tant pour celui-ci que pour sa famille et les partenaires internes ou externes : c’est le référent.

    Quelle place pour le référent ?

    L’enfant est un être en voie de maturation tant physique que psychologique. Le majeur protégé quant à lui, conserve une fragilité certaine. L’un et l’autre restent largement dépendants de leur entourage. Cela subsiste quand bien même toute la raison d’être du travail éducatif consiste à favoriser l’autonomisation et la prise en charge de sa vie par le sujet lui-même. Dans ce contexte, l’instauration d’une relation personnalisée fait entrer peu ou prou le professionnel dans une logique de suppléance parentale : il exerce en effet un rôle d’écoute, d’observation et de guidance, et assure la continuité et la cohérence de la vie de l’usager. Il prend très vite une place centrale dans son univers, étant facilement sollicité pour répondre aux demandes, angoisses et problèmes de ce dernier.
    Cette réalité est d’autant plus renforcée que l’outil de travail essentiel qui constitue la base du relationnel entre le référent et l’usager, se situe bien dans le domaine de la confiance réciproque et de l’affectif. Du côté du professionnel, on ne peut s’atteler à apprendre ou à aider un être humain à gérer sa vie, sans tisser des liens empreints d’empathie, de compréhension et de grande proximité. Du côté de l’usager, s’en remettre à un adulte-ressource, c’est pouvoir compter sur lui, se placer sous sa protection et essayer d’obtenir satisfaction à partir de la relation privilégiée qu’il a établie avec lui.
    « Mon éduc », dira le jeune, marquant par là le processus d’appropriation dans lequel il est engagé… « Mon jeune », affirmera l’éducateur au détour d’une phrase. Le risque est ici très clair : celui de l’enfermement de l’un et de l’autre dans une relation fusionnelle marquée par la confusion des rôles et une illusion de toute-puissance. Le professionnel peut avoir le sentiment que le jeune lui appartient et le jeune qu’avec l’aide de son référent, il n’a vraiment rien à craindre… Il existe néanmoins des balises pour éviter de telles dérives.

    La triangulation

    La psychanalyse explique l’importance de la relation objectale qui permet à l’enfant de distinguer l’existence d’un monde extérieur au fonctionnement fusionnel qui l’unit à sa mère dans la première année de sa vie. Cette prise de conscience est permise grâce à l’intervention d’une tierce personne qui est le plus souvent le père. Le rôle de l’éducateur (qu’il soit parent ou professionnel) consiste à se placer à l’interface entre la réalité et le désir de l’enfant, entre la loi sociale et sa singularité. C’est cette action qui permet à ce dernier de distinguer le Moi du non-Moi. Cette triangulation joue un rôle tout aussi important dans le cas du référent. On peut repérer au moins trois éléments qui jouent ce rôle.
    Il y a d’abord le fait que celui-ci soit désigné par l’institution, qu’il soit en quelque sorte « institué ». C’est bien cette dimension symbolique qui permet d’éviter des pratiques telles que le choix du référent par l’enfant ou le contraire. Si le facteur affectif est incontournable dans l’établissement d’une relation de qualité, il ne doit pas constituer le point de départ du travail engagé. Il ne s’agit ni d’une amitié ni d’une filiation plus ou moins artificielle, mais un rapport professionnel pour lequel l’adulte reçoit un salaire et a des comptes à rendre.
    Et c’est là l’un des repères importants : celui de la médiation exercée par l’équipe à laquelle appartient le référent. Cela peut prendre bien des formes : examen collectif régulier de la situation de chaque usager, synthèse avec tous les intervenants, rencontre avec les parents, analyse de la pratique du professionnel, groupe de parole, supervision… À tout moment, le référent se doit de pouvoir expliquer à ses mandants son action, ses choix, ses orientations. S’il a exercé son rôle avec plus ou moins d’autonomie, c’est toujours par rapport au projet éducatif individuel initial qui a été décidé par l’équipe en collaboration, dans la mesure du possible, avec la famille et l’intéressé lui-même.
    Troisième balise non moins importante que les précédentes : le professionnel doit bien entendu être conscient de ce dont il est porteur. Il y a un vécu, une histoire personnelle et des valeurs tant du côté du référent que de l’usager. Le désir que le premier exprime pour le second ne doit pas supplanter le désir de ce dernier. Les notions de transfert et de contre-transfert spécifiques à la psychanalyse pourraient être utilisées ici pour désigner ce qui relève de l’inconscient dans ce qui se joue entre les uns et les autres. Qu’est-ce que le professionnel va projeter de sa propre enfance et de ses relations familiales sur celui qu’il cherche à aider ? Et à quoi l’usager va-t-il identifier celui qui lui propose soutien et écoute ?
    Chercher à définir le référent ne peut se limiter à parler de la personne qui « donne un sens à la multiplicité des interventions » ou encore d’un opérateur « autour de qui la dynamique des échanges s’ordonne ». On est obligé de s’interroger sur l’aspect suivant : « personne significative jouant un rôle actif dans l’équilibre affectif, émotif et psychique de l’usager ».

    De la théorie à la pratique

    S’il n’est pas forcément facile de trouver un terrain d’entente sur une définition commune, c’est encore plus compliqué d’en unifier l’exercice pratique. Justement peut-être parce que la référence s’appuie sur l’affectivité et la relation interindividuelle, elle se décline sur un mode très personnel. Chacun a sa propre façon de l’assumer non seulement en fonction de sa propre personnalité mais aussi en fonction de la personnalité de chacun des usagers qu’il prend en charge. En outre, entre en ligne de compte d’une manière importante, le cadre de travail. Que l’on exerce en internat ou en milieu ouvert, que l’on agisse sur les moments de vie plus collectifs ou plus intimes de l’usager, que l’on vive au quotidien avec lui ou qu’on le rencontre à un rythme moins fréquent, qu’on ait cinq jeunes en référence ou trente… sont des conditions qui jouent dans la façon dont le référent assure son travail. L’ensemble de ces facteurs ne rend-il pas illusoire toute volonté de faire de la référence une pratique codifiée et répertoriée ? Elle restera pendant longtemps encore sujet d’échanges, de désaccords, voire de polémiques entre professionnels de services différents, mais aussi au sein des mêmes services.

    Un ou plusieurs référents ?

    La multiplication des intervenants auprès des usagers fait que l’on peut en arriver à la situation où l’on ne sait plus, d’un côté, qui fait quoi et de l’autre, qui est l’interlocuteur. Il est apparu donc à la plupart des professionnels, la nécessité qu’un ou plusieurs personnages coordonne l’action commune. S’il n’y en a qu’un seul, n’y a-t-il pas un risque d’appropriation ou d’absence ? S’il y en a plusieurs, n’est-ce pas retomber dans l’éparpillement que l’on voulait éviter ?

    - Pour Yann Bocala, éducateur à l’Aide sociale à l’enfance, l’engagement est individuel et important : « A l’ASE, le cadre de notre travail est fixé soit par une décision de justice, soit par un contrat signé entre les parents et l’Inspecteur à l’enfance. C’est sur cette base que je suis désigné par mon service comme référent d’une situation. Dès cet instant, je rentre dans la vie d’un jeune et de sa famille. Je vais m’intéresser à tout ce qui le concerne : sa scolarité, ses relations familiales, sa santé, ses loisirs, son équilibre, ses difficultés, etc. Le degré et l’intensité de mon implication vont dépendre de l’évaluation que je fais d’où en sont à la fois le gamin et sa famille. Cela peut aller du simple soutien au rôle parental à un véritable relais face à des parents qui n’assurent pas. Dans certaines situations, on est vraiment les cales qui permettent à l’ensemble de ne pas aller de guingois : on est là pour un bout de temps. Dans d’autres, on donne juste un coup de main limité dans le temps. On recadre, on repositionne et au bout de quelques mois ça roule. C’est vrai qu’il y a des fois où on fait un peu partie de la famille. On pourrait presque nous installer un lit de camp !
    Du fait même de cette proximité, les relations peuvent devenir très fortes. Dès le début, je m’engage auprès du jeune, à garder ce qu’il m’a dit sans aller le répéter. Autant dire que j’en apprends des vertes et des pas mûres. Il n’y a pas complicité dans la mesure où je ne cautionne jamais. Je dis toujours ce que j’en pense. Je marque ma solidarité avec les parents, les collègues d’internat ou les profs. Mais je n’irai jamais leur raconter ce que le jeune m’a dit. Je perdrais la confiance du môme. Je préfère travailler avec lui sur ses transgressions, ses dérapages pour l’aider. Seule exception : quand le jeune est en danger. Mais même là, j’essaie toujours de négocier avec lui ce que je vais dire pour essayer de le convaincre. La confiance est la base de notre relation. Lors du premier entretien, je dis toujours au jeune que je ne lui demande pas de me faire confiance rien qu’à ma tête. C’est à moi de faire mes preuves et de lui prouver qu’il peut me considérer comme quelqu’un à qui l’on peut faire crédit. Avec certains, ça va très vite. Avec d’autres, c’est plus long. Tout dépend des expériences antérieures qu’ils ont eues avec les adultes… s’ils se sont fait blouser ou non par eux.
    C’est un jeu qui peut être dangereux si on ne prend pas de précautions. Pas tant pour nous que pour le gamin qui peut investir en nous autre chose que ce qu’on est. C’est à nous d’être vigilants. Agir en professionnel par rapport à la référence, c’est à mon avis faire avec tout cela : trouver un juste équilibre entre la trop grande proximité et une attitude trop distante. »

    - Pour Adrien Julian, directeur d’un institut de rééducation, dans son équipe, le référent ne fonctionne pas avec ce niveau d’implication personnelle : « Il y a un peu plus de vingt ans, nous pensions que désigner quelqu’un de précis auprès de l’enfant, ce serait courir le risque d’une appropriation abusive. Rapidement, nous nous sommes aperçus que plusieurs personnes avaient fait la même démarche qui avait été décidée en réunion. Ou plus grave, que personne ne l’avait faite pensant chacun qu’un autre s’en chargerait. D’autre part, nous nous rendions compte que nous nous occupions beaucoup de certains enfants et très peu d’autres. Naturellement, la Direction reste le référent officiel et l’on peut penser que cela est suffisant. Mais ce n’est pas le cas. Il faut, pour les usagers, qu’un interlocuteur privilégié soit désigné dans l’équipe. Ce doit être obligatoirement un éducateur, car c’est le personnage central dans le processus éducatif, tous les autres ne font que lui prêter leur concours. Doit-il être celui avec lequel l’enfant a la meilleure relation ? Ce n’est pas certain. En tout cas, nous avons tendance à considérer plutôt une trop forte relation comme rédhibitoire. Pour cela, nous préférons la notion de suivi à celle de référence. La personne désignée suit l’enfant beaucoup plus qu’elle ne l’accompagne. Tout le monde, dans l’institution, accompagne l’enfant à un moment ou à un autre. Mais qui coordonne ? Qui se préoccupe par exemple, des vacances qui arrivent, de l’orientation qui approche ? Qui surveille le dossier, qui y consigne les décisions, les stratégies, veille à leur accomplissement, les rappelle aux différents intervenants ? Eh bien, c’est cette personne chargée du suivi !
    « J’ai un exemple très précis qui illustrera peut-être cette notion de suivi. A la sortie des synthèses, des enfants papillonnaient d’un adulte à l’autre : « Alors qu’est-ce qu’on a dit sur moi ? » Les adultes ou bien donnaient chacun leur version à chaud, ou bien se renvoyaient l’enfant. Il y a aussi les enfants qui ne demandent rien et dont personne ne se souciait. Aujourd’hui, c’est le professionnel qui a le suivi, qui fait ou doit faire cette première information. Ceci n’empêche pas après l’enfant d’aller voir ou d’être appelé par d’autres personnes. Mais seulement après avoir vu son suivi.
    « Pour pallier l’absence éventuelle de ce dernier et pour éviter le risque d’un travail en solitaire, nous avons institué le double suivi. L’enfant connaît une deuxième personne qui est en capacité de prendre la relève de l’éducateur qui a son suivi, en cas de pépin. C’est à la fois le minimum de personnes que l’on peut désigner comme référents, et le maximum. Au-delà, on retombe dans le problème que l’on voulait éviter : que tout le monde s’occupe de tout et de rien. »

    - Pour Alain Braconnier, psychiatre et psychanalyste : « Plus un adolescent ou un enfant est en difficulté, moins le référent peut agir seul. Néanmoins, lorsque l’adolescent est dans un contexte social et familial de type classique et présente un simple tableau dépressif, il n’y a alors pas besoin de trois ou quatre référents ; par contre, lorsqu’il existe un polyhandicap (trouble du comportement, difficultés d’insertion scolaire ou professionnelle, souffrance affective profonde…), il est important alors que ce profil de jeunes puisse bénéficier de plusieurs référents. Tout le problème étant que ceux-ci travaillent du mieux possible ensemble, et surtout dans le même sens. Or, à quoi assiste-t-on souvent au niveau institutionnel ? Un éducateur peut juger opportun que le jeune dont il est référent ait besoin d’une aide psychologique, mais le thérapeute peut avoir le sentiment qu’il va renforcer les bénéfices que ce jeune tire de se présenter comme quelqu’un qui a des difficultés, en utilisant son trouble au niveau psychologique et médical, pour ne pas affronter les rendez-vous avec la PAIO, les stages, etc. et en affirmant : « Je suis suivi par un psy, et je ne peux faire aucune démarche concrète… ». C’est pour cela que l’interaction référentielle est indispensable. Il s’agit donc de sortir des « objectifs différents » qui sont souvent stigmatisés ou induits par le jeune lui-même.
    Il y a eu toute une époque institutionnelle où les intervenants éducatifs, thérapeutiques et sociaux étaient trop peu attentifs à ces bénéfices secondaires que le jeune tirait des situations. Il me paraît indispensable qu’aujourd’hui plus aucun référent ne travaille « sur le sujet et chacun dans son champ »… car l’écoute du champ de l’autre est importante pour le sujet lui-même. On se rend d’ailleurs bien compte, au sein des institutions, que parler à plusieurs d’un même sujet, amène une meilleure connaissance des multiples facettes de la réalité d’un jeune. Un seul référent renforce le clivage, et ces différents « côtés » peuvent d’autant se déstructurer par leur manque d’unité.
    Et cette pluralité des référents est d’autant plus valable lorsque l’enfant est « morcelé », car il ne va montrer qu’une facette à chacun des référents, mais si ceux-ci se rencontrent, se parlent, et travaillent sur le morcellement lui-même, ils obtiendront l’homogénéisation, et l’unité de ce « moi » du jeune, que lui-même a souvent du mal à trouver.
    En conséquence, plus un adolescent est morcelé, déstructuré, moins il faut tomber dans le mythe qu’un seul référent va être magique. N’oublions pas qui plus est, que cet éducateur « privilégié » par le jeune, part chez lui le soir ou le week-end, alors que le jeune, lui, reste, si bien que lorsqu’il n’existe pas un lien entre les différentes personnes qui s’occupent du jeune, celui-ci va d’abord en profiter pour poser problème à partir de 19 heures et, dès lors, on ne fait que reproduire l’effort que le jeune tente et échoue (car sinon il ne serait pas en institution…) de faire en lui-même. Personne, face à des jeunes en grandes difficultés, ne peut être le seul référent, même si à tel ou tel moment, l’un d’entre eux (les référents) peut occuper une place privilégiée auprès d’un jeune.
    En outre il s’établit une telle relation de dépendance que lorsque celle-ci cesse pour des raisons d’âge du jeune ou de changements professionnels de l’adulte, la rupture est telle qu’il y a souvent des décompensations de la part du jeune. Or, quelle est la situation humaine dans laquelle nous ne sommes que deux ? C’est la relation d’amour. Alors, faut-il dans les institutions, créer des situations amoureuses ? La multiplicité des référents évite ces dérives… »

    - Les avis divergent quelque peu sur le concept de référent comme l’illustrent ces trois positions. Une unanimité toutefois : donner à l’usager des points de repère dans la jungle d’intervenants qui l’entoure. La solution la plus adaptée ne serait-elle pas à rechercher à partir de la spécificité de chaque équipe, qui varie en fonction des individus qui la composent et des objectifs qu’elle poursuit ?


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    Éducateur de jeunes enfants, acteur de prévention précoce

    Katia Rouff

     

    Réunie à La Rochelle, la Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants a rappelé l’importance des premiers liens familiaux et le rôle que jouent les éducateurs de jeunes enfants dans le dépistage des situations à problèmes

    La Rochelle, son vieux port, ses voiliers, ses rues sinueuses… La Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants (FNEJE) [1] a choisi cette ville à dimension humaine pour ses seizièmes universités d’automne du 10 au 12 octobre 2005. Les participants se rendent à pied à l’espace de conférences, se croisent midi et soir au détour d’une ruelle ou d’une terrasse. Un grand sac bleu ciel offert à chacun permet de se repérer dans la ville, d’engager la conversation, d’échanger sur ces trois journées consacrées au travail de prévention précoce réalisé par les éducateurs de jeunes enfants.

    L’éducateur de jeunes enfants, un travailleur social
    Chargé de l’éducation des enfants de 0 à 7 ans, il travaille dans tous leurs lieux d’accueil : crèches, haltes-garderies, ludothèques mais aussi services pédiatriques des hôpitaux, structures d’accueil pour enfants handicapés, foyers de l’enfance, pouponnières… Ses fonctions se situent à trois niveaux : éducation, prévention, coordination. Dans ce moment déterminant de la vie de l’enfant, il s’attache à favoriser son développement global et harmonieux en stimulant ses potentialités intellectuelles, affectives et artistiques. En créant un environnement adapté à son éveil, il lui permet d’acquérir la socialisation nécessaire à l’entrée à l’école maternelle.
    On estime le nombre d’éducateurs de jeunes enfants entre 10 000 et 15 000. S’ils ne représentent que 3 % des effectifs, les hommes restent plus longtemps dans la profession et obtiennent davantage de postes à responsabilités. L’éducateur de jeunes enfants accorde une grande importance à la relation avec les parents et prend en compte le milieu familial, social et culturel de l’enfant. Il exerce ses fonctions au sein d’une équipe pluridisciplinaire et prend en charge l’enfant dans sa globalité. Il associe ses collègues à la conception et à la rédaction du projet pédagogique, anime et coordonne l’action pour que l’établissement accorde à l’éducatif la place qui lui revient, met en œuvre les moyens nécessaires à l’ouverture de la structure, établit des liens avec les établissements concernés par la petite enfance et envisage sa mission en partenariat. Il a également une action de formation en accompagnant l’équipe, les stagiaires et les autres partenaires autour de la petite enfance dans une réflexion pédagogique sur les pratiques d’accueil de l’enfant et de sa famille.

    Politique de la famille et promesses non tenues

    630 participants. Martine Maurice, la présidente, évoque les grands dossiers portés par la fédération et interpelle Dominique de Legge, délégué interministériel à la famille, venu ouvrir ces journées. En 2003, lors des précédentes universités d’automne, la fédération s’inquiétait déjà des conséquences des choix politiques « qui ne cessent de refermer les familles sur elles-mêmes et privilégient l’accueil à domicile ». La fédération apprécie modérément les propositions de la dernière Conférence de la famille « pour aider les familles à mieux concilier vie professionnelle et familiale, elle n’a proposé qu’une réforme du congé parental, une nouvelle répartition de l’interruption d’activité pour les parents d’un enfant handicapé et l’augmentation du crédit d’impôts pour les frais de garde », regrette la présidente. Puis d’interroger « Que deviennent par ailleurs les préconisations du rapport Petit [2] sur les métiers de la petite enfance dans les structures collectives ? Et de renouveler ses inquiétudes face aux exigences du service marchand venant questionner la mission de service public des lieux d’accueil de la petite enfance. « Aujourd’hui nous nous retrouvons face à la Prestation de service unique (PSU) dont les modalités d’application se traduisent le plus souvent en techniques purement gestionnaires » ou « de quel accueil parlons-nous lorsque, par injonction, nous devons vendre aux familles des plages d’horaires de garde ? ». Dominique de Legge, lui, se félicite de la politique familiale du gouvernement, parle « du miracle français » que les autres pays nous envient. Il considère notamment positive la préoccupation des entreprises de créer des crèches pour faciliter la vie personnelle et familiale de leurs employés. Il s’inquiète qu’on ne trouve « pas moins de dix-huit intervenants possibles autour de la famille et de la petite enfance » et lâche « le moment est venu de cesser de multiplier leur nombre et de proposer une approche différente. Plutôt que de parler de travail social, il faut prendre l’habitude de parler de travail familial ». Des propos qui inquiètent Martine Maurice (lire interview).

    Une prévention au quotidien

    L’éducateur de jeunes enfants travaille au quotidien à une prévention précoce. « En mettant tout en œuvre pour que l’enfant et sa famille soient bien accueillis et bien entourés, en apportant une attention toute particulière à ceux qui présentent une faille, nous évitons la survenue de pathologies », estime Christine Accolas-Bellec, déléguée nationale de la fédération. La prévention s’exerce donc au quotidien à travers ce que le sociologue Jacques Papay nomme « ces fausses simplicités ». « Le quotidien ne se réduit pas à ce qu’il donne à voir, il n’est pas ce que l’on en fait souvent (de la routine), au contraire, en son sein se nichent de l’extraordinaire et du complexe », affirme-t-il.
    La réflexion de Patrick Mauvais, psychologue clinicien et formateur à l’association Pikler Lóczy [3], porte sur la construction des premiers liens, leurs enjeux en termes de développement et sur le rôle des professionnels dans leur accompagnement. La stabilité et la qualité de ces premiers liens familiaux sont sources d’une socialisation satisfaisante qui facilitera la construction d’autres liens. Pourtant, même les familles dans lesquelles les choses se passent bien, peuvent avoir des conditions de vie fragilisantes et besoin d’une aide, autrefois apportée par le voisinage ou la parentèle. Aujourd’hui, transplantations géographiques liées au marché de l’emploi, anonymat urbain, isolement, conditions de travail précaires, temps de transports importants, multiplication des interlocuteurs auprès d’un enfant dans la journée… constituent autant d’éléments générateurs de discontinuités et de difficultés dans la vie quotidienne des familles. L’arrivée d’un bébé dans une famille est déjà à elle seule source de grands bouleversements et demande une réorganisation profonde, tant psychique que matérielle. À cela s’ajoutent les tensions que crée chez les parents une double exigence - souvent exacerbée aujourd’hui - de réussite éducative et d’épanouissement personnel. Le soutien à la famille doit pouvoir être envisagé très précocement, dès la grossesse, à la maternité, à la PMI et dans les lieux d’accueil de la petite enfance. Une attitude prévenante, une véritable écoute, des conditions d’accueil sous-tendues à la fois par le souci de la sécurité, du bien-être de chacun et par la mise en valeur des capacités de l’enfant et de celles de ses parents peuvent constituer autant d’éléments favorables dans l’accompagnement des premiers liens. Dans cette perspective, l’observation continue et précise réalisée en équipe pluridisciplinaire par les professionnels, peut constituer un outil de « soins », d’évaluation et de soutien des pratiques : soins directs s’appuyant sur une connaissance individualisée de l’enfant permettant de mieux répondre à ses besoins personnels ; évaluation de l’état de l’enfant, de son développement avec parfois orientation vers des structures de soins spécialisées ou des institutions de suppléance familiale ; enfin soutien des équipes dans leur recherche d’un meilleur ajustement des pratiques, particulièrement lorsqu’il s’agit d’enfants souffrant de troubles relationnels précoces.
    Maurice Titran, pédiatre et directeur du CAMSP de Roubaix a aussi observé l’importance du rôle joué par les EJE dans le repérage de certains troubles du développement de l’enfant que la sage-femme, le centre de PMI ou le médecin de famille n’avaient pas vus. Il conseille aux professionnels de « considérer l’enfant comme l’expert, de parler avec lui et de faire alliance avec sa famille ». Il précise qu’il est important qu’une équipe transmette « son capital confiance » à celle qui lui succédera dans l’accueil d’un enfant. Il parle de l’importance des lieux de parole et de prise de recul pour les équipes. Enfin, il insiste sur la connaissance que les professionnels doivent avoir du risque que représente la prise d’alcool durant la grossesse et de ses conséquences sur les troubles du développement psychomoteur de l’enfant.
    Si une grande majorité d’éducateurs de jeunes enfants travaillent en crèche, d’autres interviennent dans des lieux accueillant des enfants porteurs de handicap, en difficulté sociale ou malades. Des ateliers permettent de s’informer sur ces différents lieux d’accueil. La halte-garderie Petit Prince Lumière (Paris) par exemple, accueille depuis sa création (en 1993), 30 % d’enfants porteurs de handicaps (tous handicaps confondus), âgés de 1 à 6 ans. Dès le départ le projet a été conçu pour l’accueil de tous les enfants, handicapés ou non. Marie-Noëlle Rivière, la directrice, souligne que dans cette structure « ordinaire », la mission reste l’accueil et la socialisation du jeune enfant. Les enfants handicapés bénéficient des soins et thérapies dispensés par des structures adaptées comme un centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP) ou un service d’éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD). Pour sensibiliser les participants à l’accueil d’enfants handicapés, elle précise : « Nous avons un savoir-faire, mettons de côté les préjugés et les peurs à l’égard du handicap et fonçons. Nous accueillons ces enfants en lien avec les équipes spécialisées. Les choses deviennent simples quand elles sont pensées pour que chaque enfant trouve sa place. »


    EJE en crèche collective

    La crèche municipale Les Petits mousses du Plessis Robinson (92) accueille 70 enfants de 0 à 3 ans. Sophie Porte y occupe depuis trois ans un poste d’éducatrice de jeunes enfants à mi-temps et coordonne le travail de six auxiliaires de puériculture. Son équipe suit durant trois ans le même groupe de vingt enfants. Cette année, ils ont entre 1 et 2 ans. « Ce long suivi les sécurise et nous permet de bien suivre leur évolution. Chacun bénéficie d’une référente parmi les auxiliaires de puériculture ». Activités, repas et sommeil ponctuent la journée, dans le respect du rythme de chaque enfant.
    Le travail en crèche peut rapidement sembler routinier sans mise en place d’outils permettant la remise en question, comme l’élaboration du projet pédagogique en équipe avec le soutien de la directrice et de la psychologue. Le travail en équipe joue également un rôle important dans le dynamisme d’une structure. Sophie Porte encadre, stimule, soutient l’équipe et favorise les échanges « la communication est indispensable car nous portons chacune un regard différent sur l’enfant, pour autant, elle n’est pas toujours facile ». Depuis deux ans, des réunions régulières entre équipe, directrice et psychologue permettent de parler de chaque enfant, des fiches individuelles de noter les observations qui les concernent. Lorsque l’équipe observe une difficulté chez un enfant, elle en discute, en réfère à la directrice qui en parle aux parents. Si la difficulté est plus importante (enfant triste, replié sur lui-même…), elle demande conseil au médecin ou à la psychologue, présents dans la structure une journée par semaine. « Dernièrement par exemple, un enfant perturbé par les soucis de sa famille était très agité, illustre l’éducatrice ; la psychologue a reçu les parents et les a orientés vers un partenaire extérieur pour un accompagnement ». Si la situation l’exige, l’équipe travaille en partenariat avec les structures adaptées, comme pour l’accueil d’une fillette dont les parents ont un handicap mental. Elle travaille en lien avec la PMI et les éducateurs spécialisés qui accompagnent les parents. Avec la mise en place de la Prestation de service unique (PSU), l’accueil d’enfants en difficulté ou porteurs d’un handicap va devenir de plus en plus fréquent, Sophie Porte n’en éprouve pas de craintes majeures : « Il nous faudra être vigilants mais sans plus, il ne s’agit pas de chercher, voire de créer des problèmes ». Elle a été éducatrice de jeunes enfants en pouponnière et a donc déjà travaillé auprès d’enfants en difficulté, les professionnels de la crèche connaissent les familles en situation de précarité pour avoir longtemps accueilli les enfants d’un centre maternel voisin. Cependant, Sophie Porte aimerait bénéficier d’une formation complémentaire, mettre en place un travail de partenariat plus étendu et ne cache pas son appréhension de travailler avec des enfants handicapés moteurs : « N’ayant pas de connaissances en psychomotricité, je crains de leur proposer des activités non adaptées à leurs possibilités, mais je sais pouvoir bénéficier de l’aide du médecin, de la psychologue et de la PMI ».
    Après trois années passées dans la même structure, Sophie Porte « éprouve encore du plaisir à travailler », mais pense qu’un changement de poste régulier s’impose pour garder son dynamisme. Dès que ses enfants auront grandi, elle envisage la reprise d’un poste à temps complet, dans une petite structure d’accueil, comme une halte-garderie où elle pourra exercer des fonctions d’encadrement tout en restant en contact avec les enfants.


    EJE en centre d’action médico-sociale précoce

    Martin est venu en consultation au CAMSP Farandole de Fougères (35) avec sa mère, à l’âge de deux ans et demi. Des crises d’épilepsie ont lésé son cerveau et provoqué une petite paralysie latérale. Le bilan a montré des troubles moteurs peu importants nécessitant un simple suivi de kinésithérapie. En revanche, la psychologue, observant une relation trop fusionnelle entre la mère et l’enfant, a proposé une guidance mère/enfant. L’accompagnement vers la socialisation de Martin a été confié à Catherine Chesnais, éducatrice de jeunes enfants. Elle a travaillé sur la séparation par des séances ludiques. Quand Martin a été suffisamment à l’aise, elle l’a accompagné à la halte-garderie, restant avec lui durant plusieurs séances. La mère a pris le relais durant les vacances d’été et Martin s’est bien intégré. Catherine Chesnais a alors préparé son entrée en maternelle, rencontré la directrice avec la mère pour la rassurer sur l’autonomie de l’enfant. Mais un mois après la rentrée, l’institutrice a contacté le CAMSP : Martin présentait des troubles du comportement importants, n’intégrait pas les règles, devenait agressif avec les autres enfants… L’enfant vivait alors une situation familiale particulièrement difficile, responsable de ses angoisses. Catherine Chesnais l’a expliqué à l’institutrice, en respectant le secret professionnel, et a accompagné l’enfant une demi-journée par semaine à l’école, lui rappelant les règles sociales, discutant beaucoup avec lui, médiatisant ses relations avec les autres enfants. Tout cela a commencé à l’apaiser. Son temps scolaire a été allégé, Catherine Chesnais a participé aux réunions éducatives de l’école, servi de lien entre la mère, l’institutrice et le CAMSP pour dédramatiser la situation. Parallèlement, la mère continue la guidance avec la psychologue. Dès que Martin aura pris ses repères à l’école, une auxiliaire de vie scolaire prendra le relais de Catherine Chesnais. Cette médiation a permis d’éviter son exclusion scolaire : avec un groupe de trente enfants, l’institutrice et l’aide maternelle ne pouvaient plus gérer son comportement. Si l’éducatrice de jeunes enfants est intervenue seule à l’école, toutes les décisions concernant l’enfant ont été prises en équipe, notamment avec la psychologue.
    Le CAMSP Farandole prend en charge une quarantaine d’enfants de 0 à 6 ans avec un trouble du développement ou un handicap – dont la surdité - Ils bénéficient de la prise en charge d’une équipe pluridisciplinaire : directeur médical (pédiatre), chef de service, orthophoniste, psychomotricienne, psychologue, assistante sociale, EJE, professeur spécialisé dans la surdité, médecin ORL et audioprothésiste. Dans cette équipe, les deux éducatrices de jeunes enfants ont une vision globale du développement de l’enfant. « Mon rôle consiste à favoriser son éveil, la communication, l’autonomie et parfois l’aider à sa socialisation, en alternance et en complémentarité avec le travail des autres professionnelles », explique Catherine Chesnais. Elle valorise aussi les capacités de l’enfant auprès de ses parents, les aide à accepter le handicap, le rythme des apprentissages mais aussi l’idée qu’il ne pourra pas réaliser certaines choses. Elle intervient également en binôme avec ses collègues. Par exemple, parallèlement au travail de la psychomotricienne sur la posture de l’enfant, elle le stimule par le jeu afin de développer ses capacités de communication avec les autres et d’autonomie.


    EJE à l’hôpital

    « Durant toute ma carrière j’ai pris plaisir à travailler. Les quarante ans passés en milieu hospitalier – dont trente en pédiatrie – ont constitué une vraie richesse. Je ne me suis jamais ennuyée auprès d’enfants aux pathologies variées », raconte Geneviève Dias. En 1967, diplôme de jardinière d’enfants en poche, cette femme pétillante intègre le CHU de Grenoble. Elle travaille dans plusieurs services avant de rejoindre celui de pédiatrie en 1975. « Une surveillante en chef formidable et un jeune patron de pédiatrie très dynamique ont insisté pour que le service embauche une jardinière d’enfants. Ils ont compris l’importance du travail éducatif en complément du soin. Ils estimaient que notre action et nos observations apporteraient une aide dans la prévention des régressions de l’enfant lors du séjour hospitalier. À l’époque l’hospitalisme était fréquent », évoque-t-elle. De plus, dès 1976, le CHU de Grenoble innove en autorisant les parents à rester dans la chambre de l’enfant « une véritable révolution qui a obligé les équipes à évoluer, à créer des espaces adaptés aux parents mais aussi à les cadrer ».
    Chaque unité de soins de pédiatrie accueille des enfants âgés de 8 jours à quinze ans et demi, celle de Geneviève Dias compte 23 lits. Chaque matin, elle consulte le planning souvent très chargé de chaque enfant, se rend dans les chambres, les invite à la rejoindre dans leurs moments de disponibilité. Aux jeunes patients qui ne peuvent pas quitter leur chambre, elle prête livres et jouets. À 10h elle ouvre la salle de jeux, située au-dessus de l’unité et accueille les enfants, seuls ou avec un parent. Retrouver ce lieu et l’éducatrice chaque jour, mais aussi leur jouet préféré apporte aux enfants points de repères et sentiment de sécurité. Dans cette ambiance calme et ludique, Geneviève Dias est à l’écoute des désirs et besoins de l’enfant tout en restant en retrait si le parent est présent. Elle sert de lien s’il n’arrive pas à jouer avec son enfant par manque d’habitude ou par inquiétude et de relais s’il a besoin de souffler un peu. La salle de jeu constitue donc un complément aux soins, un lieu où se poser, parler d’autre chose que de la maladie et surtout prendre du plaisir. Elle diminue le stress de la famille et redonne confiance à l’enfant qui a parfois une image dévalorisée de son corps et de lui-même. Chaque semaine, l’enfant rencontre les clowns dans sa chambre s’il en a envie. Il assiste à des animations proposées par des intervenants extérieurs (percussions, théâtre…) et participe à des fêtes (carnaval, Noël…). Il peut aussi se balader ou jouer dans les espaces de verdure autour des unités de soins et – comble du bonheur - regarder les hélicoptères atterrir.
    Mais Geneviève Dias situe surtout son travail du côté de la prévention : « Les équipes médicales ne peuvent pas tout voir, nous observons très souvent des problèmes qui leur ont échappé : troubles de la marche, problèmes de comportement…. ». De plus, les parents vivent parfois des situations sociales ou familiales compliquées dont ils n’osent pas parler aux médecins et qu’ils lui confient volontiers. Selon l’importance du problème – et s’il n’est pas confidentiel — Geneviève Dias en réfère aux médecins ou au reste de l’équipe. Elle assiste également au passage de relais de l’équipe du matin à celle de l’après-midi et là encore, donne et reçoit les informations importantes.
    Dans un an, Geneviève Dias rend sa blouse. Quelles sont les qualités nécessaires pour exercer le métier d’éducatrice de jeunes enfants en milieu hospitalier ? « Avant tout un grand respect de l’enfant et de sa pudeur, puis un savoir être et un savoir-faire, estime celle dont le principal atout est de rester naturelle en toutes circonstances « je travaille au feeling et m’adapte aux situations inattendues ou difficiles en rassurant l’enfant, souvent inquiet ». La curiosité, l’ouverture à la vie de l’établissement, l’écoute de l’enfant, des parents et de l’équipe constituent aussi des qualités essentielles. Le dynamisme ne doit pas faire défaut ni le sens de l’accueil et du travail en équipe pluridisciplinaire. Travailler avec des groupes d’enfants d’âges et de pathologies diverses est difficile au quotidien. « Heureusement l’enfant malade vit dans le présent, possède une force de vie incroyable qu’il nous transmet. C’est lui qui ressource les équipes », souligne Geneviève Dias. À l’heure du bilan, éprouve-t-elle des regrets ? « Oui, la mise en place rapide de lieux de parole en cas de difficultés et notamment lors du décès d’un enfant m’aurait aidée. Heureusement ma vie de famille m’a toujours permis de me ressourcer. Je retrouvais le soir des enfants en pleine forme. Cependant côtoyer chaque jour des enfants malades m’a rendue inquiète pour la santé des miens jusqu’à leurs 15 ans et demi ! Là encore, un espace pour prendre du recul aurait été utile ». Mais plus que tout, Geneviève Dias retient surtout que son regard sur les enfants a été complémentaire de celui des soignants et leur a permis de mieux vivre leur hospitalisation. Et d’insister : « D’où l’importance de la continuité de ces postes… ».


    [1Fédération nationale des éducateurs de jeunes enfants - 2, rue du Maréchal de Lattre de Tassigny - 44000 Nantes. Tel. 02 40 47 53 64

    [2En mai 2003, les principales conclusions de ce rapport portent sur l’amélioration des perspectives de carrière et d’évolution professionnelle des éducateurs de jeunes enfants, en leur permettant d’accéder au cadre d’emploi des conseillers socio-éducatifs. Il insiste également sur la nécessité d’adapter leur formation pour mieux répondre aux nouveaux enjeux liés à la petite enfance et à la famille

    [3Elle rassemble des professionnels de la petite enfance qui s’inspirent des travaux d’Emmi Pikler sur le développement du bébé. Cette approche invite les adultes, parents et professionnels, à considérer le bébé et l’enfant comme un partenaire actif dans ses relations et comme un acteur de son propre développement (site de l’association Pikler)


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