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  • « De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête »

     « De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête »
    Le titre en allemand : « Vom maulwurf, der wissen wollte, wer ihm auf dem kopf gemacht hat » A obtenu le prix Sorcières de l'album en 1994.

    L’éditeur : Milan (en France)

    L’année d’édition :
    -1989 en Allemagne
    -1993 en France, réédition en 1999 et sorti du livre en petit format en 2000

    L’auteur et l’illustrateur :
    Werner Holzwarth (auteur) & Wolf Erlbruch (illustrateur)
    Adapté de l’allemand par Royenn Destouches et Gérard Moncomble


    Le type de livre : Album de randonnée

    • Définition d’album : C’est pour aider les enfants à comprendre la vie, en écho aux préoccupations de la vie quotidienne. Les albums ne servent en rien le développement des apprentissages fondamentaux, l’enfant s’en servira comme moyen pour pouvoir pen-ser sa vie, ses souffrances et par la même grandir.
    • Définition du récit en randonnée : Nous appelons récit en randonnée, des récits qui représentent une situation initiale et une situation finale, et entre les deux, des rencontres cumulables, permutables, supprimables ou emboîtées.

    Résumé :

    C’est l’histoire d’une petite taupe qui reçoit un « caca » sur sa tête et qui part à la recherche du coupable. Elle va demander à tous les animaux qu’elle rencontre si c’est lui qui lui à fait sur la tête. Elle rencontre ainsi le pigeon qui lui dit que non et lui montre comment il fait ; puis c’est le tour du cheval, du lièvre, de la chèvre, de la vache et du cochon. Elle fini par rencontrer les mouches et leur demande de l’aider à savoir qui lui avait fait sur la tête. Elles vont renifler le « caca » et affirment rapidement que c’est un chien. Cette fois la petite taupe sait que le coupable est Jean-Henri le chien du boucher. Elle va donc se venger en lui faisant « caca » sur la tête, puis elle retourne sous terre là où personne ne peut lui faire sur la tête.

    Le thème :

    • Le « caca » : Il permet de démystifier cette notion chez le jeune enfant et offre une opportunité de parler de ce sujet angoissant pour lui. Je parle ici de l’enfant aux alentours de 2 ans ; car celui-ci considère que ces selles font parties de lui même (c’est le stade anal selon Freud), il lui est donc difficile au départ de se séparer, de voir partir une partie de lui. C’est aussi un moment de plaisir, et l’enfant s’exerce et acquiert la maîtrise et l’emprise. Cela recoupe aussi les 2 sous périodes de Karl Abraham : la phase anale expulsive (plaisir à expulser et surtout à faire mal, détruire et agresser, salir) et la phase masochiste anale rétentive (plaisir à garder, retenir et s’attaquer soi même). Ce thème touche l’affect de l’enfant, ce livre lui permet donc de verbaliser à sa façon, d’aborder sous un autre angle ce sujet et de le relier à sa personne à l’aide de son imagination et grâce à sa capacité d’identification. Cela nous ramène au rôle de l’album précédemment défini.

    Les sous-thèmes :

    • Les animaux : L’enfant découvre leur représentation imagée et scatologique, et il peut leur donner un nom. En dehors de la lecture les ani-maux permettent d’ouvrir un dialogue, d’instaurer un autre échange que la base même du livre et son histoire, tout comme le « caca » dans le thème principale.
    • La propreté : L’ enfant est amené de manière indirect à faire le rapprochement avec lui même. Il peut alors faire le lien avec les toilettes, car il se rend compte que « ce n’est pas bien de faire caca n’importe où », que les animaux doivent le faire par terre et non sur la tête d’un autre et pour lui ce sont les toilettes.

    La structure du texte :    

    Le texte comprend deux parties narratives et des dialogues. Les deux parties narratives sont :

    • la narration qui donne le contexte du récit qui est écrit avec les mêmes caractères que ceux du dialogue ;
    • la narration qui se trouve entre parenthèse et en plus petits caractères fait le lien image et texte en commentant ce qui se passe (descriptions, sentiments, sous-entendus).

    De plus le texte est constitué d’une partie initiale (qui a fait sur la tête de la petite taupe), de rencontre, de la découverte de la vérité, de la chute (vengeance) et de la situation finale (retour sous terre).

    Le langage utilisé :

    C’est un langage courant, familier ; un bon français simple et concis. Les mots sont simples et donnent le ton du récit.

    Le style :

    Il s’agit d’un récit entrecoupé de narration et de dialogues. Les mots sont simples, le tout donne le ton du récit. Le temps du récit : -le passé simple pour la narration ; -le présent pour les dialogues.

    Les phrases :

    Elles sont construites de manières à donner le rythme du récit. Elles sont longues et ponctuées légèrement pour susciter l’attente, suivi d’une phrase courte pour entrer dans l’action à la première page et pour la partie entre parenthèse, malgré tout les phra-ses de narration restent plus longue que celles du dialogues. Les phrases du dialogues sont brèves, ponctuées en fonction du sentiment à faire passer (interrogation, exclamation).

    Le rythme :

    Celui-ci est donné par quatre axes :

    1. la syntaxe des phrases (confère ci-dessus) ;
    2. la structure du texte ;
    3. la structure répétitive des rencontres ; 
    4. le catalyseur des rencontres qui est toujours la même question : « Est-ce toi qui m’a fait sur la tête ? ».

    Les répétitions :

    Il y a la répétions des rencontres et surtout de la question qui revient jusqu’au cochon inclus (confère le catalyseur). Mais on peut parler aussi de répétition car dans chaque échange il est question de « caca », mais là en plus de celui qui est sur la tête de la taupe, il s’agit d’aborder la relation à celui-ci de chaque animal.

    La typographie :

    Les caractères sont de tailles uniformes avec malgré tout majuscule et minuscule différenciées. Les deux seuls différences de caractères sont une question de taille. La police du dialogue et de la narration du récit sont la même, mais sont différentes de la police de la narration entre parenthèse qui est environ deux fois plus petite. Ceci est un indicateur pour l’adulte car il lui permet de mettre en place l’intonation appropriée qui produit des effets sur l’enfant. La deuxième différence concerne le mot chien dit par les mouches quand elles identifient le « caca », la police est doublé. Cela donne un effet rien qu’avec le regard (sans lire) le texte est parlant.

    Le rapport texte/image :

    Sobriété et exactitude des dessins qui correspondent exactement au texte, sans fioritures accrocheuses. Le lien texte image est encore plus marqué par la disposition sur la double page : sur la première quand la petite taupe pause la question nous voyons la tête de l’animal, et sur la deuxième quand l’animal répond nous voyons son postérieur.
    Les couleurs rappellent toujours la « crotte », collent à la réalité même si elles sont toujours un peu plus foncées (ce qui nous ramène à la première observation). De plus les proportions, les dimensions et les formes sont respectées entre les différents personnages et leurs excréments. Par exemple, la petite taupe est bien plus petite que la vache, elle doit lever haut la tête pour lui parler ; ou bien lorsque la petite taupe fait caca sur la tête du chien, la crotte fait toute petite sur le haut du crâne du chien.
    Il n’y a rien de spécifique au niveau du touché, car ce n’est pas le but du livre. Même si a mon avis le toucher du papier apporte une sensation particulière.
    L’image est donc lisible et parle d’elle même. Cet album aurait pu être un imagier. Le texte apporte donc une dimension plus complexe, mais néanmoins remarquable. Il me semble qu’il y a un rapport de qualité enter le texte et l’image.

     


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  • article issu de : http://www.grandiravecnathan.com

    S'identifier à un personnage(e) !

    Le jeune enfant s'identifie spontanément à un petit héros avec lequel il partage des traits de ressemblance et des préoccupations. On appelle ce petit héros un « personnage miroir ».

    punitions enfants

    Lorsque l'enfant trouve dans un récit de ce qu'il vit dans son quotidien, cela lui permet de mettre un peu plus à distance craintes et excitations joyeuses, de se représenter ce qu'il éprouve, ou encore d'initier chez lui une réflexion. L'intensité émotionnelle est considérable chez le petit enfant d'autant qu'il n'a pas encore tout le dispositif langagier pour l'exprimer en finesse. Par ailleurs, certains dialogues font tellement écho à ses propres paroles ou expressions que lorsque le héros parle, l'enfant « s'entend » parler.

    L'exemple de T'choupi

    Personnage principal de chaque livre de la collection, Tchoupi est vite repéré comme un petit héros au centre de l'action, tout comme l'enfant s'imagine être au monde. Il a une identité constituée par un petit nom, le genre masculin, et son statut d'enfant. Il est situé dans une famille.

    Aussi, le personnage Tchoupi figure le petit enfant, il est une représentation fictive de lui-même. Cette dimension fictive est essentielle. Si l'enfant et Tchoupi partagent les mêmes préoccupations et événements de la réalité, Tchoupi n'est pas un petit d'homme. On lui a attribué des caractéristiques humaines par les habits, les comportements, les sentiments. L'enfant comprend qu'à travers le petit personnage-animal Tchoupi, c'est à la fois un peu lui, et il s'y reconnaît facilement, et un peu un autre, distinct de lui ! Quand on est tout-petit, il est bien plus confortable de jouer avec des situations fortes sur le plan émotionnel avec un personnage suffisamment différent de soi, qui n'est pas son double.

    Cet écart que propose la fiction permet au jeune lecteur de projeter ses propres sentiments sur le personnage et les situations. Ne pas être directement confronté aux événements, mais les vivre par l'intermédiaire de Tchoupi laisse à l'enfant un espace de jeu nécessaire pour se dégager d'émotions trop fortes. De plus, les traits du petit héros sont particulièrement stables et cette constance est garante d'une permanence nécessaire à l'enfant. Celle-ci prend la forme de retrouvailles à chaque nouveau récit et consolide l'identification au personnage.

     

    Pourquoi ces histoires, proches de sa vie quotidienne, intéressent-elles autant l'enfant ?

    Avec Tchoupi, l'enfant traverse des expériences de vie très diverses. Ces premiers petits récits relatent des situations de la vie quotidienne renvoyant à une image proche de sa réalité de vie. L'enfant se sent très vite concerné car il les connaît bien. Il les a vécues pour la plupart, les craint ou les désire : ce sont des temps de la journée (repas, sommeil, pot), des temps de la vie de famille (la naissance d'un bébé, anniversaire, fêtes), des étapes importantes (rentrée à l'école, faire du vélo) ou encore des événements suscitant des éprouvés importants (colère, dispute, joie). Ce partage d'expérience commune entre l'enfant et Tchoupi suscite un lien de complicité et de compagnonnage.

    Il s'agit de l'expérience dans sa réalité concrète… mais également avec son versant affectif. On raconte à l'enfant ce qu'il vit sur un plan interne. L'expérience affective laisse des traces majeures chez l'enfant qui a besoin de les revisiter à plusieurs reprises pour les supporter, les intégrer et les dépasser.

    Pourquoi l'enfant aime-t-il autant les histoires « miroirs » que les histoires très imaginaires ?

    En effet, des histoires plus détachées de la réalité, avec des scénarios fantasmatiques, du côté des rêves ou des cauchemars, appartenant au monde imaginaire fertile de l'enfance, sollicitent également l'intérêt et la curiosité de l'enfant ! Les héros incarnés par des figures de sorcière, monstre, loup ont leurs attraits et une fonction pour l'enfant. Ces histoires proposent d'autres plaisirs de la lecture aux enfants et offrent une vision poétique et interprétative du monde qui l'entoure.

    La variété des registres littéraires permet à l'enfant d'enrichir son regard sur le monde et son expérience d'être au monde.

    Quel que soit le livre, il est important de laisser l'enfant en position active face à la lecture de la petite histoire, c'est-à-dire de lui laisser la possibilité de l'arrêter en cours de route, de la reprendre, de la lire plusieurs fois de suite ou d'aller directement à telle ou telle page. Suivre son rythme de lecture, permet à l'enfant une véritable appropriation de ce dont il se saisit à partir du langage.

    (photo © Sean_Warren / istockphoto)

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    Article issue du blog : http://repere-eje.fr/907-2/

    A la découverte du livre et des histoires… Mise en œuvre

     Projet d’activité d’une section bébé en multi-accueil : comment lire à ces bébés?

     Comment lire à ces bébés ? (mise en œuvre de l’activité)

    ► Quand ? (le temps)

    L’objectif étant de familiariser le bébé avec le livre afin qu’il puisse s’en saisir librement, un accompagnement de l’adulte de manière progressive est primordial.

    Cette découverte peut se faire lors d’un temps dans la journée jugé opportun par l’adulte (en fonction du nombre d’enfants, de leur rythme, des siestes et repas etc.). Les enfants installés, l’adulte peut démarrer par la lecture « collective » d’un album, ritualisé par une formulette : sensibilisé au contenu de cet objet, l’enfant peut déjà repérer le début et la fin de l’histoire. Il peut s’en suivre un temps de manipulation libre des livres par les enfants.

    On peut se donner un temps de 15 à 30 minutes de durée moyenne de l’activité mais généralement, l’intérêt des enfants est le guide.

    Enfin, une lecture peut être réalisée de manière individuelle, lors de moments qui ré-activent la séparation et où l’attente est de mise : celle du parent le soir, goûter des autres enfants, etc.

    ► Où ? (l’espace)

    Aménager un endroit douillet (tapis, coussins, transats, U en mousse etc.), toujours le même, afin de constituer un repère pour les enfants. Les jouets sont enlevés de ce lieu même s’il n’est installé que temporairement afin de permettre aux enfants de différencier le livre de l’objet jouet.

    Pour un temps de lecture collective, l’adulte lecteur se place dos au mur : ceci invite l’enfant à porter son attention sur lui et évite que des mouvements derrière son dos ne viennent perturber l’activité. Les enfants sont invités à s’installer confortablement en petit demi-cercle afin d’être à la fois proche et à distance de la personne qui lit.

    Un temps de lecture individuelle répond plus particulièrement à une demande de l’enfant. Moment privilégié, la lecture peut se faire par exemple sur les genoux de l’adulte.

    ► Pour combien d’enfants ?

    Quel que soit le nombre d’enfants, l’adulte a une présence attentive. On peut néanmoins envisager le rapport « nombre d’enfants / nombre d’adultes » suivant :

    • pour une lecture collective, un petit nombre d’enfants est nécessaire afin que les adultes puissent les accompagner réellement dans leur découverte. 2 adultes pour 4 à 5 enfants maximum, sachant qu’un de ces adultes a pour tâche de lire l’histoire et que l’autre se charge de contenir le groupe d’enfants (il s’assoit d’ailleurs avec eux et peut en porter un sur ses genoux si un enfant en ressent le besoin…). Il en va de même pour un temps de manipulation libre.
    • pour un temps de découverte individuelle, répondant à un besoin exprimé par 1 enfant, la présence d’1 adulte auprès de lui est aussi nécessaire.

    ► Comment ? (le rôle de l’adulte)

    La présence de l’adulte est indispensable, grâce à des repères clairs, posés au préalable, il a une fonction essentielle d’initiation au rêve :

    • sélectionner des livres qui plaisent à l’adulte permet une transmission plus évidente du plaisir de lire.
    • proposer peu de livres à la fois mais divers dans leur contenu, leur forme, leurs illustrations, etc.
    • en temps de manipulation libre, observer l’enfant dans ses préférences. Ré-introduire à chaque fois des succès (continuité) et proposer en même temps quelques nouveautés (évolution de l’enfant et de ses intérêts).
    • se retenir de vouloir expliquer les mots compliqués : cela ne nous viendrait pas à l’esprit de s’arrêter de chanter une chanson pour leur en expliquer le sens… L’enfant saisi ce dont il a besoin à ce moment là, peu importe qu’il comprenne tout ou pas…
    • ne pas hésiter à re-lire une histoire surtout si c’est une demande des enfants : se répétant inlassablement, elle peut répondre à un besoin de continuité.
    • laisser l’enfant libre de ses mouvements : on peut au départ l’inviter à se mettre en demi-cercle avec les autres. Cependant s’il ne souhaite pas rester dans le groupe et qu’il ne dérange pas, laissons-le s’éloigner : ce n’est pas parce que le bébé fait autre chose qu’il ne se saisit pas de l’histoire racontée. L’observer dans ces moments peut même être intéressant.
    • accompagner l’enfant dans sa manipulation :
      • tant que l’enfant ne le dégrade pas, le laisser manipuler le livre comme il le souhaite même si ce n’est pas très conventionnel (tourner les pages en arrière, tenir le livre à l’envers etc.)
      • expliquer lorsque c’est nécessaire pourquoi on ne peut pas le détériorer : le livre doit pouvoir resservir une autre fois pour d’autres enfants ou pour eux-même (transmission culturelle).
      • si la mise en bouche (premier mode de découverte du bébé) a tendance à se prolonger, proposer à l’enfant un jouet à mâcher et pourquoi pas lui faire découvrir pendant ce temps le contenu de cet objet si savoureux…
      • si un accident de déchirure se produit malgré tout, réparer le livre en présence de l’enfant et pourquoi pas, le faire participer s’il est plus grand, toujours dans l’idée que le livre resservira une autre fois.

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  •  Projet d’éveil culturel

     

    « Eveil à la littérature du tout-petit »

     

     Les livres et les bébés 

    D’après

    Marie Bonafé « Les livres, c’est bon pour les bébés » Hachette littérature

    et Dominique Rateau « Lire des livres à des bébés » édition Hérès

       

    I – Pourquoi lire des livres à des enfants de moins de 2 ans ?

    Il est maintenant acquit que les petits se mettent à parler parce qu’on leur parle…Quant le livre fait partie de son univers familier, l’enfant peut, petit à petit ou très vite, regarder, observer, être attentif à la parole, comprendre les mots de l’histoire et l’histoire, penser. En retour l’adulte peut lire sur son visage l’intérêt, l’interrogation, la joie, la peur, l’émotion…c’est dans cet échange que le petit enfant entre dans le monde des mots du livre et grâce à eux, entre autres, dans le monde relationnel des humains et du plaisir de la vie.       

      A/ Le livre, un support de l’échange 

    Le livre est un support de l’échange entre les enfants et les adultes, et il relie aussi l’individu à la communauté à laquelle il appartient.

     1- la relation

    En ouvrant un livre, nous ouvrons un champs possible de questionnements. Nous sommes alors avec l’enfant dans une autre relation au monde que celle de la nécessité de combler ses besoins vitaux et chez le tout petit, les besoins d’échanges et de communication sont aussi impérieux que les besoins de nourriture.

    La « relation » est vitale pour la construction du psychisme de l’enfant.

    Quand son bébé réagit, la mère joue avec ses propres émotions, et il s’engage alors entre eux un véritable dialogue, qui contient toutes sortes d’expériences ou le langage n’est qu’un des éléments. Accompagnant les mots, il y a le plaisir des gestes, des regards, des sons, des modes de rencontre ou d’éloignement qui dessinent comme un paysage d’échange. Ces expériences n’ont aucun but concret et pourtant, sans elles, il n’y aurait pas de développement. C ‘est sur ce plaisir partagé, sur ce jeu au sens plein que s’appuie l’enfant depuis sa complète dépendance jusqu’à son autonomie.

     Quand on raconte une histoire à un bébé, le plaisir qu’il en tire rejaillit sur sa mère. Il possède un pouvoir extraordinaire : tout ce qu’il fait, ses mimiques, ses cris, les mouvements de son corps font réagir son entourage.

    L’adulte partage ces premières sensations qui accompagnent les premières conquêtes du monde.

     2- l’imagination

    Autour des livres, adultes et enfants partagent leurs capacités à rêver, à penser, à imaginer. Ceci est important, car pour pouvoir traiter la réalité ambiante, il faut pouvoir passer par l’imaginaire.

     c- la mémorisation

    Avec les livres, l’enfant va également découvrir, de façon naturelle, la fonction de mémorisation et de communication à distance de l’écriture

     d- les émotions

    Les albums sont des œuvres d’art c’est à dire des biens qui nous déchargent de nos peurs, de nos questions, qui nous renvoient à l’intime, à notre isolement, nous questionnent, nous rendent le monde plus clair ou plus obscur et qui seront des référents communs, d’incontournables objets de médiation, de transition entre l’enfant et l’adulte qui les lisent ensemble.

     

    B/ Le livre introduit le petit d’homme en tant que sujet parlant

    Le langage est une capacité exclusivement humaine et qui le différencie fondamentalement de tout autre mode de communication chez d’autres espèces animales.

     1- Exister parmi des Hommes

    Les petits d’hommes ont besoin de mots, de récits, d’histoires…pour construire leur propre histoire.

     En parlant à son bébé, la mère l’introduit dans le monde en tant que sujet parlant.

     Dans une perspective psychanalytique, parler, c’est se constituer comme sujet. C’est accéder au « je ». Albert Jacquard dit : ‘Mon « je » n’est pas dans mon patrimoine génétique. Le « je » vient des autres. Il est né, il a éclos, car on m’a dit « tu ». Tout est dans la rencontre. C’est l’humanité qui me fait « je ».’

     Françoise Dolto a vulgarisé l’idée que le tout petit enfant est un sujet en devenir et qu’il est important de s’adresser à lui comme un petit d’homme, porteur de langage, même s’il ne parle pas encore.

     L’être humain reste longtemps dans un été d’immaturité pendant lequel il accumule un nombre considérable d’acquisitions, sans aucune utilité immédiate . Plus tard, le langage deviendra pour l’enfant un véritable instrument. C’est grâce aux jeux du langage que la vie mentale pourra s’organiser en créant des liens rattachant entre elles toutes ces expériences. Dès le début, l’enfant est aussi sensible au son et au rythme de la voix de sa mère qu’aux mots qu’elle prononce.

    Le livre accompagné, présenté par un adulte qui y trouve lui-même de l’intérêt, peut sans doute jouer un rôle essentiel dans l’histoire d’un enfant et dans l’histoire de son langage.

    2 du langage à la pensée

    C’est à partir d’une communication polysensorielle que va naître le langage. L’enfant s’approprie le langage dans un bain de paroles ;celles qui lui sont directement adressées, mais aussi celles qui ne sont pas dites à son intention.

    La plupart des nourrissons sont confrontés à deux modes d’échange durant la première années de la vie :

    -  un langage qui s’adresse directement à lui, que l’on peut rapprocher de la langue des faits : langue utilisée lorsque les interlocuteurs sont en présence l’un de l’autre. L’échange est rapide, souvent injonctif. Tout n’est pas formulé car les mimiques, les gestes, l’environnement donnent autant d’informations que les mots dits.

    Ex : on aide un enfant à s’habiller : « attends ! là…tiens toi.

    Donne !Ton pied ! l’autre. Non pas comme ça…tourne…

    dans l’autre sens… »

    -  un langage parlé autour de lui, assimilable à la langue du récit, celle de la narration, celles qui situe un évènement dans le temps et dans l’espace. Le sens est entièrement compris dans l’énonciation. C’est la langue qui sert à raconter, c’est celle aussi que l’on peut écrire. Elle a des fonctions particulières. Elle  permet notamment l’accès à l’imaginaire, au symbolisme et à la pensée.

     Parler n’est pas seulement reproduire des mots entendus. C’est accéder au symbolique. (ex : « une table » c’est le meuble au milieu de la cuisine mais aussi le meuble qui est dans la cuisine de mamie, dans le salon…)

    Le livre tout seul ne jouera aucun rôle particulier. Le livre est un objet, un porteur d’images. Les images sont une représentation. Le petit découvre alors une nouvelle forme de représentation (ex : table)

    La naissance du langage est une histoire particulière à chacun. Ce n’est pas l’adulte qui décide de la progression d’un enfant ;c’est l’enfant qui s’approprie ce qui le touche, ce qui le concerne.

    Pour la mère et son enfant, un travail fondamental des premières années va consister à se séparer, à exister l’un sans l’autre. Elaboration du langage et élaboration du processus de séparation sont liées. Pourquoi parlerions nous si nous éprouvions tous les mêmes choses au même moment, provoquées par les mêmes évènements ? C’est la conscience d’être différent qui nécessite de dire.

    C/ Le livre et les notions de temps, de rythme et de permanence

    1- La permanence de l’écrit 

    Dans un monde en perpétuel mouvement, l’enfant va  découvrir les histoires, les lire et les relire. Il va les retrouver, toujours les mêmes, rassurantes. La permanence de l’histoire l’apaise.

    Il est important pour l’enfant que l’histoire garde sa forme stable, que l’enchaînement et la fin restent les mêmes pour que l’inquiétude liée à l’appréhension de la séparation puisse être calmée.

     2- Le temps 

    Avec les livres et les histoires lues à haute voix, on propose une rencontre avec une double temporalité : le temps pendant lequel on raconte croise le temps du récit (Ex : lire en cinq minutes une histoire de toute une vie !). L’enfant accède de cette façon à une conscience du temps. La narration lui permet de l’organiser.

    Le livre fermé signifie que nous avons quitté l’histoire ; nous sommes revenus dans la vie de tous les jours. L’aventure est terminée.

     3- Le rythme 

    Lorsqu’on raconte ou qu’on lit une histoire, le début fait attendre la fin. Le récit se déroule en séquences, brèves ou prolongées, et la façon dont elles s’enchaînent entre elles donne un rythme au texte.

     

    II – Comment lire des livres à des enfants de moins de 2 ans ? Quelques pistes.

    A / Particularités de l’âge des enfants

    -          il n’y a pas d’âge minimum pour lire une histoire à un enfant.

    -          Il faut accepter la fugacité de l’attention de l’enfant, accepter sa mobilité, ne pas faire de commentaires sur la lecture, ne pas se poser de question pour savoir si l’enfant à compris, ce qu’il a retenu…

    -          Le livre ne doit pas servir à vérifier les connaissances d’un tout-petit.

    -          En lisant un livre à des jeunes enfants, nous proposons un champ de mots, d’émotions, de rythmes ou chacun puise ce qui le concerne, ce qui l’intéresse, ce qui fait écho en lui. Nous sommes alors, sans a priori sur le niveau de compréhension des personnes qui nous entourent. Nous ne savons pas ce que l’enfant y puise et nous acceptons ce « non-savoir ».

    -          Les enfants qui ne savent pas encore bien parler ne sont pas aptes à passer par un raisonnement, et exiger d’eux une « compréhension » à notre manière produit un échange en complet décalage.

    -          Il n’est pas nécessaire que les petits « comprennent » une histoire pour qu’elle leur plaise : ils peuvent s’arrêter sur une image, une mélodie, un mot inconnu ou s’attacher à l’objet livre lui même

    -          L’activité de manipulation des livres par les bébés peut être valorisée par l’adulte au détriment de la lecture à haute voix et c’est bien un tord, car chez les petits la manipulation du livre est un élément que l’on ne peut dissocier de l’écoute : la manipulation ne précède pas l’activité intérieure de la pensée, elle l’accompagne dès le début de la vie.

    -          L’enfant qui utilise un livre peut décider d’introduire le désordre (livre à l’envers, commencer l’histoire par le milieu …) ; Cependant, la fidélité au texte, avec le déroulement des images et des mots tels qu’ils sont dans le livre doit être respecté par l’adulte. Il est très important pour l’enfant que le texte et le déroulement du récit soient permanents ; Cette permanence est garante de la permanence de la présence de tout son univers proche.

     B / L’adulte-conteur

    Lire un livre à un tout petit, c’est à la fois banal et exceptionnel. Le tout-petit fait un travail psychique et intellectuel tout à fait extraordinaire, mais ce travail n‘est possible que si la rencontre est ludique .

    Un adulte qui raconte une histoire doit se faire plaisir. Il ne faut pas raconter si on en a pas envie. Il ne faut pas se forcer.

     La personne qui raconte les livres a certes un talent personnel, mais avant tout elle respecte les réactions des enfants, se laisse piloter par leur intérêt, leur appétit, sans jamais les mettre en difficulté. Ainsi les enfants seront son guide autant comme spectateurs que comme acteurs.

    Le plus important est de s’adresser vraiment à l’enfant. A sa personne. Françoise Dolto disait : « si on s’adresse à un bébé sans s’adresser à sa personne, peu à peu , il n’écoute plus ».

    L’adulte qui connaît bien l’enfant peut choisir le livre en fonction du moment et des évènements se déroulant dans l’univers de l’enfant ; dès la naissance, les récits accompagnent l’évolution de l’enfant dans ses échanges avec l’adulte, et, à chaque étape du développement, on peut retrouver des éléments forts d’un genre de récit qui correspond au vécu intérieur et à la relation de l’enfant avec son entourage.

     C / Les livres

    Dans un album tout raconte : le titre, le format, la couleur, les techniques utilisées, la mise en page, les caractères, l’image, l’éclairage, …

     Quelques styles : Histoires de coucou, de cache-cache, histoires qui font peur, imagier, album accordéon, livres « animés », couverture cartonnées, livres en tissus rigides, livres plastifiés, livres de petits formats, les très grands albums…

     

    Conclusion :

    Il faut lire pour le plaisir de lire et donc de faire plaisir, lire pour aider l’enfant à nourrir son imaginaire, lire pour partager avec lui d’une autre façon

     Si le livre proposé au tout petit l’intéresse, il va l’attraper et selon son age…le mettre à la bouche ! parce que c’est sa façon à lui, à un certain âge d’entrer en relation avec le monde. Mais une fois qu’il a découvert le livre dans sa réalité physique, à nous de lui transmettre l’autre dimension du livre, en lui lisant. Et là, on met en route nos imaginaires.

     L’imaginaire captive bien mieux l’enfant que la simple réalité, et ce va et vient entre un monde fantasmatique et le quotidien de la vie en famille est beaucoup plus amusant et intéressant que le récit plat de la vie de tous les jours, prôné par une variante actuelle de littérature édifiante pour les petits

    Le fait de rester à l’écart de la culture écrite contribue à couper le sujet de la peinture, de la musique, du théâtre, car le livre donne aussi accès autres pratiques culturelles. Diffuser des livres contribue à diminuer les inégalités culturelles dont on connaît bien les effets.

     


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  • Article issu de : http://naitreetgrandir.com/fr/etape/1_3_ans/jeux/fiche.aspx?doc=bg-naitre-grandir-lire-que-faire-1-a-3-ans

    Lire à un enfant: 1 à 3 ans

    Entre 12 mois et 18 mois environ, votre enfant apprend à tourner de mieux en mieux les pages d’un livre. Il s’intéresse aussi de plus en plus longtemps aux images.

    Puis, entre 18 mois et 3 ans, votre tout-petit découvre peu à peu le plaisir de se faire lire des histoires. Il est d’ailleurs capable de prédire les mots à venir et le fil de l’histoire. Il adore la répétition et vous demande sans doute le même livre encore et encore. Gare à vous si vous essayez de sauter un passage!


    • Lire un livre à un tout-petit
    • Quel type de livre choisir?
    • Comment développer son intérêt pour la lecture?

    Lire un livre à un tout-petit

    Entre 12 et 18 mois

    • Nommez ce qui l’intéresse, les actions des personnages autant que les objets.
    • Rendez l’expérience dynamique en étant expressif, en faisant des bruits (ex. : cris d’animaux) et en faisant des liens entre les images et des objets que votre enfant connaît (ex. : figurines d’animaux).
    • Posez-lui des questions simples commençant par « où? » et « qui? », par exemple « Où est le tracteur? » et « Qui a mangé la pomme? ».

    Entre 18 mois et 3 ans

    • Encouragez votre enfant à choisir lui-même le livre que vous regarderez ensemble. Il y sera ainsi plus intéressé.
    • Adaptez-vous à son rythme et à ses envies. Puisque l’attention d’un tout-petit est courte, limitez l’histoire à 10 minutes. S’il veut lire plus, n’hésitez toutefois pas à continuer.
    • Lisez le vrai texte, car cela permet de lui faire découvrir un vocabulaire varié. Si son intérêt diminue ou si le livre est trop compliqué, faites des gestes pour l’aider à comprendre ou racontez l’histoire dans vos propres mots en vous adaptant à ce que comprend votre enfant.
    • Faites-le participer activement à la lecture. Posez-lui des questions sur l’histoire, les personnages, faites-le réagir avec des remarques saugrenues, reliez l’histoire à son quotidien (ex. : histoire d’un enfant qui ne veut pas dormir ou qui fête son anniversaire).
    • Quand il commence à aligner 2 mots (vers 18 mois), aidez-le à compléter ses phrases.
    • Personnalisez l’histoire. Faites de votre enfant le personnage principal de l’histoire et substituez aux autres personnages le nom de ses amis ou de sa famille.
    • Suivez du doigt les phrases. Vous lui apprenez ainsi que l’on écrit de gauche à droite, que chaque lettre a un son et un sens et, surtout, que vous n’inventez pas l’histoire.
    • Inscrivez-le à la bibliothèque pour qu’il découvre le plaisir de choisir lui-même ses livres. Profitez-en pour assister à « l’heure du conte » présentée par votre bibliothèque. Votre tout-petit adorera écouter des histoires avec un groupe d’amis.
    • Découpez des images dans les circulaires ou dans des revues et invitez votre enfant à inventer des histoires à partir de 2 ou 3 images.

     

    L’importance du premier contact avec les livres
    • Présenté tôt, le livre devient source d’amusement et de plaisir. Il est perçu comme un moment de bien-être et de partage avec vous. Si le premier contact se fait à l’école, le contexte est alors bien différent puisque votre enfant doit apprendre à lire. La lecture devient alors une tâche, car il ne considère pas que livre et plaisir vont naturellement ensemble.
    • L’écrit est source d’apprentissages importants. À vos côtés, sans même s’en rendre compte, votre enfant apprend comment agir avec un livre, découvre de nouveaux mots, mais aussi les bases de l’écrit : on lit de gauche à droite, on tourne les pages, et tous ces petits signes signifient quelque chose. Avant son entrée à l’école, les livres lui feront aussi découvrir les lettres, les couleurs et les formes.
    • Le livre l’aide à construire son imagination. Très vite, votre enfant comprend que ce qui est sur la page lui ouvre les portes d’un monde plus vaste. Cela lui permet ensuite d’accéder à l’imaginaire, de se détendre et d’apprivoiser ses peurs.

    Quel type de livre choisir?

    Privilégiez les livres colorés présentant des illustrations concrètes et faciles à comprendre. Les illustrations plus abstraites conviennent mieux aux enfants plus vieux. Choisissez des livres aux histoires simples, qui se rapprochent du quotidien de l’enfant (ex. : la garderie, le dodo, le petit pot, l’arrivée du petit frère). Cela l’aidera à traverser certaines périodes difficiles.

    Les livres traitant d’un thème particulier (ex. : chats, camions) sont aussi intéressants. Ils permettent à votre enfant d’en apprendre davantage sur les sujets qui l’intéressent.

    Comment développer son intérêt pour la lecture?

    • Regardez souvent des livres avec votre enfant, même quand ce n’est pas la routine du soir. Vous pouvez aussi lire avant la sieste, à l’heure du goûter, ou même au moment du bain, avec un livre en plastique.
    • Laissez votre enfant choisir le livre que vous regardez ensemble lorsqu’il est capable de le faire. Votre tout-petit pourrait souvent vouloir le même livre, et c’est normal. Cela le sécurise et lui permet de mieux comprendre l’histoire à chaque nouvelle lecture.
    • Empruntez régulièrement des livres à la bibliothèque. Ainsi, votre enfant aura toujours accès à de nouveaux livres et il pourra développer son intérêt pour différents thèmes ou types de livres. Continuez tout de même à regarder ses livres préférés avec lui autant qu’il le désire.
    • Quand vous regardez un livre avec votre enfant, placez-vous face à lui. Ainsi, il peut vous voir sourire et parler. C’est aussi l’occasion pour lui de bien voir comment vous prononcez les mots.
    • Aménagez un petit coin lecture dans le salon ou la chambre de votre enfant pour lui donner le goût de regarder des livres souvent. Faites en sorte qu’il puisse prendre ses livres seul. Le coin peut inclure des coussins et des couvertures pour créer un environnement de lecture amusant et apaisant.
    • Lisez vous-même des livres pour votre plaisir. Vous envoyez ainsi le message que lire est agréable et permet d’apprendre mille choses. Vous êtes d’ailleurs la personne idéale pour transmettre à votre enfant le goût de lire, car vous êtes son modèle.

     

    Naitre et grandir.com

    Révision scientifique : Marie-Ève Bergeron-Gaudin, orthophoniste
    Recherche et rédaction : Équipe Naître et grandir
    Mise à jour : Avril 2014

     


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  • article issu de : http://naitreetgrandir.com/

    Éveil à la lecture: 0 à 12 mois

    Créer le contact entre un livre et votre enfant qui ne sait pas encore lire est l’une des choses les plus importantes que vous puissiez faire. Les livres sont d’ailleurs intéressants pour votre bébé parce qu’ils peuvent être manipulés, ils présentent des images et ils peuvent être regardés plusieurs fois. Ils lui permettent en plus de passer un beau moment avec vous, quel que soit son âge.

    Le livre peut faire son apparition très tôt dans la vie de votre enfant. Durant ses premiers mois, votre bébé veut surtout le mordiller, le lancer et taper dessus. Sa capacité à être attentif aux images est aussi limitée. Tout cela est normal. En fait, regarder un livre avec vous constitue, pour votre bébé, un instant de partage pendant lequel il est collé à vous et entend votre voix. Il associe ainsi le livre aux câlins. De plus, c’est aussi l’occasion pour lui de s’initier à sa langue maternelle, dont il a déjà entendu les sonorités tout au long de la grossesse.

    Vers 1 an, bébé souhaite ouvrir et fermer le livre et il s’intéresse aux images pendant des périodes un peu plus longues. Il commence aussi à tourner les pages de ses livres.


    • Les bénéfices du premier contact avec un livre
    • Lire un livre à bébé
    • Quel type de livre choisir?
    • Comment développer son intérêt pour la lecture?

    Les bénéfices du premier contact avec un livre

    • Regarder des livres avec votre bébé, même s’il n’a que 4 ou 5 mois, aide au développement de son langage, entre autres, lorsque vous nommez et pointez des images du livre.
    • Présenté tôt, le livre devient source d’amusement et de plaisir. Il est perçu comme un moment de bien-être et de partage avec vous. Si le premier contact se fait à l’école, le contexte est alors bien différent puisque votre enfant doit apprendre à lire. La lecture devient alors une tâche, car il ne considère pas que livre et plaisir vont naturellement ensemble.
    C’est en famille que la lecture produit ses meilleurs résultats. Sans votre implication, les bénéfices de la lecture sont bien moins grands.
    • Le livre l’aide à construire son imagination. Très vite, votre enfant comprend que ce qui est sur la page lui ouvre les portes d’un monde plus vaste. Cela lui permet ensuite d’accéder à l’imaginaire, de se détendre et d’apprivoiser ses peurs.
    • L’écrit est source d’apprentissages importants. À vos côtés, sans même s’en rendre compte, votre enfant apprend comment agir avec un livre, découvre de nouveaux mots, mais aussi les bases de l’écrit : on lit de gauche à droite, on tourne les pages, et tous ces petits signes signifient quelque chose. Avant son entrée à l’école, les livres lui feront aussi découvrir les lettres, les couleurs et les formes.

    Lire un livre à bébé

     
    • Laissez-le explorer le livre à sa manière.
    • Soyez attentif aux images qui l’intéressent davantage et concentrez-vous sur celles-ci. Nommez-les en les pointant ou demandez à votre bébé de vous montrer des images d’objets qu’il connaît bien.
    • Employez toujours les mêmes mots pour les mêmes images afin que votre enfant apprenne plus facilement ces mots. Le livre offre d’ailleurs la possibilité de souvent répéter les mêmes mots.
    • Imitez les sons qu’il fait en regardant le livre : il trouvera cela amusant.
    • Soyez expressif et parlez beaucoup pendant vos « lectures ».
    • Montrez-lui des images, en particulier celles d’autres bébés, en lui décrivant ce que c’est.
    • Lorsque le contexte s’y prête, faites des bruits, comme ceux des animaux ou des moyens de transport.
    • Dans la rue, montrez du doigt ce que vous avez vu dans le livre, et inversement. Cela aidera votre enfant à associer, par exemple, le mot « chien » avec l’image contenue dans son livre, ou avec la créature qu’il a devant lui.
    • N’oubliez pas que vous n’êtes pas obligé de regarder le livre du début à la fin!

    Quel type de livre choisir?

    Puisque votre bébé découvre le livre par ses sens, vous aurez avantage à lui lire le livre, le lui chanter, lui permettre de le toucher, de le sentir et même de le mâchouiller. Les livres en plastique, en tissu, en carton épais ou avec des textures sont particulièrement intéressants pour les bébés.

    Choisissez des livres très colorés avec peu d’illustrations par page, par exemple un chat sur une page et un chien sur l’autre page. Vous pouvez aussi découper des images dans les magazines (un bébé, un chat, une voiture, etc.), les coller sur un petit carton, puis lui montrer ces images en les décrivant.

    Privilégiez aussi les livres qui permettent de nommer des objets plutôt que de raconter des histoires. Plusieurs bibliothèques offrent une belle sélection de ce type de livres.

    Comment développer son intérêt pour la lecture?

    • Regardez souvent des livres avec votre enfant.
    • Laissez votre enfant choisir le livre que vous allez regarder ensemble lorsqu’il est capable de le faire. Votre tout-petit pourrait souvent vouloir le même livre, et c’est normal. Cela le sécurise et lui permet, à chaque nouvelle lecture, de mieux comprendre ce que représentent les mots du livre.
    • Empruntez régulièrement des livres à la bibliothèque. Ainsi, votre enfant aura toujours accès à de nouveaux livres et il pourra développer son intérêt pour différents thèmes ou types de livres. Continuez tout de même à regarder ses livres préférés avec lui autant qu’il le désire.
    • Quand vous regardez un livre avec votre enfant, placez-vous face à lui. Ainsi, il peut vous voir sourire et parler. C’est aussi l’occasion pour lui de bien voir comment vous prononcez les mots.
    • Aménagez un petit coin lecture dans le salon ou dans la chambre de votre enfant pour lui donner le goût de regarder des livres souvent. Faites en sorte qu’il puisse prendre ses livres seul dès qu’il commence à se déplacer.
    • Lisez vous-même des livres pour votre plaisir. Vous envoyez ainsi le message que lire est agréable et permet d’apprendre mille choses. Vous êtes d’ailleurs la personne idéale pour transmettre à votre enfant le goût de lire, car vous êtes son modèle.

     

    Naitre et grandir.com

    Révision scientifique : Marie-Ève Bergeron-Gaudin, orthophoniste
    Recherche et rédaction : Équipe Naître et grandir
    Mise à jour : Avril 2014

     


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    https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=SPI_047_0203&DocId=233538&hits=3841+3839+

    Parfois les éducateurs, les psychologues, les pédagogues semblent oublier que l’enfant a un corps, et ne pensent qu’à ses émotions, ses relations interpersonnelles, ses capacités et ses acquisitions motrices et cognitives (à ce qu’il sait ou à ce qu’il ne sait pas encore).

    Quant aux pédiatres qui se sont intéressés aux étapes du développement de l’enfant, ils étudiaient essentiellement le développement somatique et négligeaient le psychisme. Ce n’est plus aussi vrai. De nombreux pédiatres cherchent à prendre en compte corps et psychisme quand ils traitent par exemple de certains troubles alimentaires, de l’asthme, etc., réfléchissant notamment en termes de maladie psychosomatique.

    Par ailleurs, de plus en plus de psychologues, pédagogues, éducateurs considèrent que le bien-être physique, qui dépend d’innombrables petits détails, est une condition fondamentale à l’exercice de fonctions proprement psychiques.

    Cependant, il arrive encore que l’on envisage les besoins corporels du bébé comme purement physiologiques et les soins corporels comme purement sanitaires. Pourtant, à cet âge, le physiologique et le psychologique ne sont pas encore distincts ou commencent à peine à le devenir. En fait, ces besoins et leur satisfaction se situent dans un champ psychique complexe. Le potentiel inné de l’enfant comporte une tendance à la croissance et au développement mais la croissance ne peut exister que sous certaines conditions essentielles, notamment des soins de bonne qualité, tout au long du développement.

    Par soins de bonne qualité, on entend non seulement les soins corporels exécutés par l’adulte mais aussi l’attention que ce dernier porte aux apports du milieu, au besoin de sécurité affective et d’activité du bébé et aux modifications de l’environnement qui doit évoluer en fonction du développement de l’enfant. Ces soins de bonne qualité favorisent la tendance innée de l’enfant à connaître et habiter son corps, à prendre plaisir, à tirer enseignement de ses fonctions corporelles et à accepter les limites imposées par sa peau, selon les termes de Winnicott, « cette membrane qui sépare le “moi” et le “non-moi” ».

    La notion de corps propre se constitue progressivement dès le début de la vie dans un processus de développement complexe. D’après Wallon, elle devance les autres processus de la psychogenèse, car il n’y en a pas qui soit, comme elle, plus immédiatement au confluent des besoins intéroceptifs et des rapports avec le monde extérieur, ni plus indispensables aux progrès ultérieurs de la conscience.

    Le jeune enfant, dès sa naissance, arrive à connaître son corps essentiellement de deux manières : par tout ce qu’il fait avec son corps, c’est-à-dire par l’activité de son propre corps, et par tout ce qu’on fait avec son corps et à son corps en le tenant, en le portant, en le nourrissant et en lui donnant d’autres soins corporels.

    La vue et l’expérience du corps des autres ainsi que d’autres facteurs interviennent également dans cette découverte de son corps mais les expériences acquises grâce à son propre corps nous paraissent primordiales.

    Ces deux aspects, ce qu’il fait et ce qu’on fait avec (et à) son corps sont interdépendants, à peine dissociables. Mais cet article ne s’occupera que du deuxième aspect, c’est-à-dire ce qui arrive au corps du jeune enfant puisque nous accordons une importance primordiale aux soins corporels et à tout ce qui se passe entre l’enfant et l’adulte pendant les soins.

    Tous ceux qui connaissent un peu le travail de notre Institut savent que nous considérons les moments de soins corporels comme les plus importants et les plus intimes de l’interaction adulte-enfant.

    Nous pensons que le bébé, dans la mesure où il a eu un moment d’intense sécurisation pendant les soins, peut ensuite profiter des possibilités d’activité dans lesquelles l’adulte n’intervient pas directement, et se tourner avec intérêt et avec joie vers le monde extérieur.

    Qualité et effets des « bons soins »

    Le nourrisson arrive à se connaître et à connaître l’adulte avant tout au cours des soins, lors de la satisfaction de ses besoins corporels. Au début, il ne ressent ceux-ci que sous une forme désagréable de tensions indéfinies et de souffrance. Il ne « sait » pas encore qu’il a faim, qu’il a soif, qu’il a chaud ou froid, ou que quelque chose lui fait mal. À la suite de la satisfaction de ses besoins, ou plus exactement à la suite de la manière dont l’adulte met fin à ses tensions, l’enfant apprend à signaler, puis à reconnaître en tant que tels, et finalement à exprimer d’une manière de plus en plus nuancée, les besoins eux-mêmes, ses propres exigences par rapport à leur satisfaction, puis, après la satisfaction, le sentiment de son contentement.

    Pour faire une description simple de ce processus d’apprentissage, on peut dire que l’enfant apprend à exprimer ses besoins parce qu’il a fait l’expérience répétée qu’il est plus facilement soulagé de ses sensations désagréables par l’adulte quand celui-ci se rend compte de ses signaux et y répond adéquatement.

    Ces expériences l’amènent à associer la cessation de ses tensions, de la faim, de la soif, du froid, etc., les signes émis par lui-même et l’adulte qui répond à ses besoins. Son sentiment de sécurité physique est lié à l’adulte et, par conséquent aussi, son sentiment de sécurité affective.

    C’est par l’expression de ses besoins et par la réponse qu’il reçoit que le bébé apprend à percevoir le besoin en tant que tel, c’est-à-dire qu’il a faim, qu’il a soif, etc., et qu’il apprend aussi que c’est lui-même, sa propre personne qui a faim, qui a soif. En même temps, il comprend que bien que ce soit l’adulte qui met fin à ses tensions, lui aussi peut y contribuer s’il donne les signaux adéquats.

    Si, aux cours des soins, l’adulte porte sans cesse une attention particulière aux signaux du bébé et s’il les prend en considération pour lui donner le repas, le déplacer, le baigner, l’habiller ou le déshabiller, il crée, dès le début, la possibilité que le bébé, à son tour, « intervienne » dans le processus des soins et dans la manière dont ses besoins seront satisfaits, notamment par rapport à la durée et au rythme du repas, à la quantité et à la température de la nourriture, au rythme des mouvements de l’habillage, du déshabillage, à la quantité et à la température de l’eau du bain, etc.

    Si l’enfant a confiance dans sa possibilité à influer sur les événements qui lui arrivent, s’il peut se sentir sujet participant et non objet dirigé et manipulé, cela va renforcer son sentiment d’efficacité et de compétence.

    Un certain accordage de l’activité des deux partenaires, un vrai dialogue se met en place au cours des soins du bébé dès le plus jeune âge par la voie cutanée et kinesthésique, s’il n’est jamais traité comme un objet, précieux ou non, mais bien comme un être humain qui sent, observe, enregistre et comprend (ou qui comprendra, si on lui en donne l’opportunité), si la parole et les gestes ne sont pas simplement « gentils », mais s’ils témoignent de la conscience permanente que l’enfant est sensible à tout ce qui lui arrive et ne peut pas être manipulé en fonction de ce qui est commode pour l’adulte

    Grâce à ce dialogue, le bébé construit de plus en plus de moyens pour émettre des signes capables d’influencer les événements qui le concernent. En retour, l’adulte découvre toujours de plus en plus de moyens, soit pour communiquer son intention d’une manière compréhensible à l’enfant, soit pour adapter son activité aux besoins exprimés par l’enfant, soit pour obtenir que l’enfant participe volontiers à ce qu’il lui propose.

    Le développement de la fonction de communication, assuré par l’activité commune partagée au cours des soins, est facilité par le fait que les soins représentent une série d’actions se répétant quotidiennement. Il s’agit d’une répétition de gestes semblables dans une succession identique, accompagnés par une parole ajustée presque similaire qui apprend à l’enfant la suite prévisible des gestes de l’adulte et lui permet ultérieurement d’anticiper le geste et l’événement. Cela l’aide à ne pas accepter les soins de façon passive et le prépare au contraire à y prendre activement part.

    Au cours des soins corporels de bonne qualité, on trouve tout à la fois une compréhension, une joie mutuelle et un dialogue corporel qui correspondent au besoin de sécurité physique de l’enfant. La qualité gestuelle de l’adulte a un impact profond sur le tonus, et on peut dire sur la « confiance corporelle » de l’enfant. La manière dont l’adulte lui propose ses gestes et accueille les siens lui suggère qu’il est écouté et que sa personne est appréciée.

    D’après Winnicott, une des angoisses les plus primitives, et très destructrice, est l’insécurité que provoque une certaine façon de tenir ou de porter le nourrisson. Le terme de holding utilisé par Winnicott recouvre la façon de porter physiquement l’enfant mais aussi tout ce que l’environnement lui fournit et a fourni antérieurement. Cette notion fait référence à une relation spatiale en trois dimensions à laquelle le temps s’ajoute progressivement.

    Bien porter un enfant, c’est le protéger contre les dangers physiques, tenir compte de la sensibilité de sa peau, de sa sensibilité auditive, visuelle, et de sa sensation de chute par l’action de la pesanteur. « Bien porter » comprend toutes les étapes successives des soins qui s’adaptent jour après jour aux changements de l’enfant dus à sa croissance. Quand le bébé est soulevé, porté dans les bras, pris sur les genoux de l’adulte, mis dans la baignoire, posé sur la table de change ou dans son lit ou son aire de jeu, etc., il doit être absolument préservé du sentiment de chute ou de morcellement et de perte d’équilibre.

    Importance de la technique de soin

    Une bonne technique de soins procure à l’enfant le sentiment sécurisant d’être pris et porté par des mains sûres et tendres qui lui permettent d’être dans un état de détente. Cela ne signifie pas un état d’hypotonie mais un état « détendu-tonique », au sens d’Agnès Szanto. Pour qu’il soit détendu-tonique, le bébé doit être soulevé, tenu, porté, ou placé toujours dans une position qui lui est familière et dans laquelle il n’a pas à se maintenir verticalement.

    En effet, pour préserver le bébé de l’expérience verticale qui menace son équilibre, il faut le soulever, le tenir, le porter, le placer, le tourner, en position allongée, tant qu’il ne passe pas, par lui-même, à la position verticale. Et même, il ne doit pas être tenu ou porté dans la posture la plus développée qu’il a déjà acquise si elle ne lui donne pas encore un sentiment de complète sécurité. Quand il est tenu ou porté, il faut le soutenir de telle manière que le plus de surface possible de son corps ait un appui ferme. Quand le petit bébé est soulevé ou porté dans les bras, toute sa colonne vertébrale a besoin d’un appui solide et sa tête doit être protégée contre le moindre ballottement. Il doit garder la sensation d’unité des différentes parties de son corps.

    À la naissance, l’état naturel est celui de non-intégration, même dans un climat de bons soins, mais ces derniers vont permettre à l’intégration de s’établir. Le sujet passe d’un état non intégré à une intégration structurée, et à ce stade l’enfant devient capable de ressentir l’angoisse liée à la désintégration. Le manque de soins, au lieu d’amener un retour à la non-intégration, conduit à la désintégration. Sans une qualité suffisante de soins, le jeune être humain n’a aucune chance de développement normal. Une bonne technique de soins prévient les sensations de désintégration et de perte de contact entre la psyché et le soma.

    Le manque de relation psyché-soma engendre une sensation de dépersonnalisation. Il y a nécessité de ne pas bouger l’enfant avec des gestes hâtifs mais aussi de chercher un contact visuel et un dialogue tonique avec lui, de le prévenir verbalement de tout ce qui va arriver dans le soin afin qu’il puisse se préparer aux événements et surtout aux moindres changements de position des différentes parties de son corps ou de son corps entier.

    L’adulte sollicite une participation active de l’enfant à tout ce qui lui arrive, à son niveau actuel de compétences. L’adulte attend quelques instants les gestes de l’enfant, d’abord spontanés, plus tard volontaires, avant d’exécuter son acte avec des mains sensibles et délicates.

    Soins et attitudes profondes de l’adulte

    La bonne qualité des soins dépend aussi de l’attitude authentique de l’adulte : son profond intérêt pour le bien-être de l’enfant, pour tous les détails de ce bien-être, pour toutes les réactions corporelles, mimiques, toniques et vocales du bébé, et sa prise de conscience de l’importance des soins et de leurs conséquences immédiates et lointaines.

    Pour que les soins répondent aux besoins de l’enfant, il est essentiel qu’il puisse sentir que c’est de lui, de sa personne entière, qu’on s’occupe et pas seulement de ses organes, sa peau, ses fesses, sa verge ou son estomac. Quand on nettoie ses oreilles ou quand on met de la crème sur ses fesses, le regard dirigé sur son visage et la parole qui lui est adressée expriment que, bien que l’état et la propreté de sa peau, de ses cheveux ou de ses ongles soient importants, ce ne sont pas seulement eux qui intéressent l’adulte mais tout son bien-être. Toute sa personne lui est importante. Pendant le repas, l’essentiel n’est pas que la quantité de nourriture offerte diminue ou soit consommée, ce qui est important, c’est que lui, l’enfant qui mange, puisse ressentir de la joie à manger selon son appétit, découvre le plaisir des bonnes saveurs et la satisfaction de la satiété.

    S’arrêter avant d’exécuter un geste pour laisser à l’enfant le temps d’exprimer ce qu’il veut, sentir si l’enfant accepte ou non ce qui lui est proposé, partir des mouvements de l’enfant pour les utiliser à la tâche que l’on souhaite réaliser (enfiler la manche, lever la jambe, etc.), attendre le mouvement de l’enfant permet d’agir en accordage avec ses mouvements. Rien n’est imposé : des possibilités sont offertes, proposées ; l’enfant peut sentir que l’adulte est content quand il réussit à faire quelque chose, mais il peut se sentir accepté et apprécié également sans aucune performance spectaculaire.

    Parce que nous savons combien, dans la petite enfance, les besoins corporels et les réponses à ces besoins jouent un rôle primordial dans la relation de l’enfant avec lui-même et avec son environnement, les futures nurses de l’institut Pikler sont initiées à l’observation détaillée et apprennent une technique homogène et cohérente pour pouvoir donner ces soins fondamentaux pour le développement du bébé.

    Notre protocole des gestes de base des soins s’ajuste aux besoins de l’enfant et vise à préserver son bien-être. Il assure à l’adulte la sécurité d’un savoir-faire, en le soulageant des hésitations, des improvisations et de la peur d’oublier quelque chose d’important. Il donne aussi une sécurité à l’enfant par sa prévisibilité : il le protège contre les gestes et les événements imprévus, même si, dans une collectivité, ce sont plusieurs personnes qui, chacune à leur tour, lui donnent les soins.

    Lorsque les mains de la nurse s’imprègnent de ce protocole bien appris et bien expérimenté, cela génère chez elle une participation corporelle à la compréhension de cette approche du bébé, qui permet d’être plus attentive et plus disponible aux signaux individuels de chaque enfant.

    Mais un tel protocole de gestes n’est pas suffisant pour accéder à un bon soin. Il comporte aussi des risques. Si l’application des gestes appris n’est pas soutenue par une attitude attentive, observatrice, personnelle et chaleureuse, on tombe facilement dans le piège des comportements vides, de routines caricaturales et d’un entraînement ou d’un conditionnement de l’enfant à une fausse participation. Dans ce cas, le bébé n’acquiert pas l’expérience de sa compétence, l’expérience d’un savoir agir sur l’autre, même s’il donne l’impression de coopérer.

    Par contre, le bébé vraiment participant aux soins coopère avec la joie du « je le fais moi-même ». Il se donne le droit de réagir de façon adéquate aux demandes de l’adulte, mais aussi d’en dévier de temps en temps, en jouant, en sortant des soins pour s’occuper de quelque chose d’autre, bouger, attirer l’attention de l’adulte sur autre chose. Et l’adulte qui coopère permet ce genre de manifestations dans la limite du possible.

    La santé mentale d’un individu s’édifie sur les soins infantiles dont on remarque à peine l’importance lorsque tout va bien. Ils sont la continuation des apports physiologiques caractéristiques de la période prénatale. Si tout va bien, l’enfant ne repère pas ce qui lui est offert convenablement et ce dont il est préservé. Lorsqu’il y a carence dans les soins qui lui sont donnés, il se rend compte non pas de la carence de soins mais du mal-être qui en résulte.

    Il faut évoquer un autre aspect des soins corporels dont l’importance est indiscutable, celui des stimuli tactiles et des contacts physiques entre l’enfant et l’adulte suscités par les soins. On croit souvent que ces contacts se limitent à prendre l’enfant dans les bras, sur les genoux, à le caresser, le cajoler. On pense moins aux autres contacts corporels tout aussi importants, si ce n’est davantage, que sont les contacts de l’adulte avec le bébé pour accomplir le soin.

    Conclusion

    La propagation de méthodes plus douces en ce qui concerne l’accouchement, les tentatives pour aider la communication primaire entre la mère et son nouveau-né sont d’heureuses initiatives. Mais, si ce qui arrive à l’enfant pendant et immédiatement après la naissance est important, ce qu’il vit par la suite ne l’est pas moins.

    Si pendant les soins du bébé, les gestes de l’adulte ne sont pas délicats et pleins de tendresse, s’ils sont indifférents, rapides et fonctionnels, si les mains de l’adulte qui lèvent, tiennent, tournent, portent l’enfant, ne lui assurent pas un sentiment de sécurité mais deviennent plutôt une source d’angoisse insécurisante, toutes les connaissances techniques et toute la dextérité professionnelle n’empêcheront pas l’enfant de vivre ce contact avec déplaisir. Les soins et le contact corporel constitueront pour lui non pas une source de joie mais plutôt d’angoisse et d’insécurité. Cela n’est pas sans conséquences pour un nourrisson dans sa famille, mais cela prend une importance particulière dans les collectivités, crèches, pouponnières, hôpitaux, garderies, où il y a moins de possibilités de compensations que dans une famille.

    Si un adulte veut hâter le repas, le change, l’habillage ou le bain, l’enfant sentira non seulement le caractère physiquement désagréable des gestes hâtifs et mécaniques mais aussi que le temps qu’il passe avec l’adulte ne cause aucun plaisir, ni à l’un, ni à l’autre partenaire.

    Par ses expériences au cours des soins des premiers mois et des premières années de la vie, le jeune enfant se construit une image de son corps qui peut influencer profondément son avenir. Sa personnalité, l’image qu’il a de lui-même, le développement de son estime de soi, l’intégration de son rôle sexuel, et plus tard son comportement d’adulte et de parent seront influencés par les soins infantiles qu’il a reçus. Chaque carence, même épisodique, dans des soins aboutit à une interruption de son sentiment de continuité d’être, et par conséquent à un affaiblissement du moi. C’est de la qualité des soins, de leur caractère agréable ou désagréable, du plaisir et du déplaisir ressentis par l’enfant et par l’adulte qui s’occupe de son corps, que dépendra la perception de son propre corps, de ses fonctions et des expériences qui s’y rattachent.

    Si l’objectif de l’adulte reste la coopération avec l’enfant, il permet à celui-ci d’avoir des expériences de mutualité, de les élaborer, ce qui contribue à la construction et à la force de son moi. Ces soins de bonne qualité conduisent l’enfant à ce qu’on pourrait appeler un « état d’unité », l’enfant devient une personne, un individu. D’après Winnicott, cet « état d’unité » favorise l’émergence de son sentiment d’existence psychosomatique et l’engage vers un développement personnel unique.

    Notes

    [*]

    L’association Pikler Lóczy de France pour une réflexion sur l’enfant qui s’appuie sur les travaux d’Emmi Pikler, pédiatre, et sur l’expérience de Lóczy, pouponnière qu’elle a fondée en 1946, à Budapest en Hongrie, nous propose des textes fondateurs et contemporains, pour approfondir le regard actuel sur le bébé et le jeune enfant, et promouvoir les idées piklériennes.

    pikler-loczy@ wanadoo. fr

    C’est Judith Falk, pédiatre, ex-directrice de l’insitut Pikler, qui ouvre cette nouvelle rubrique de Spirale.


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    https://www.cairn.info

     

    Il est bien connu que, dans la vie du nourrisson, les stimuli tactiles jouent un rôle extrêmement important dans les contacts corporels entre l’enfant et l’adulte. Or, la littérature spécialisée étudie peu ou pas du tout la question de savoir quels sont les gestes de l’adulte qui sont agréables pour les tout-petits, et quels sont ceux qui, sans intentionnalité de l’adulte, suscitent néanmoins en eux des sensations désagréables.

    Par l’analyse de quelques exemples observés dans la pratique, je voudrais démontrer que, dans le processus des soins, le contact corporel est souvent, pour l’enfant, source de gêne dans son corps, d’offense pour sa personne et qu’il peut provoquer des sentiments de frustration ; et je parlerai de ce que nous pouvons faire, afin que ce contact remplisse son rôle véritable.

    Le nourrisson, dès son plus jeune âge, exprime par tout son comportement ce qu’il ressent, lorsque l’adulte s’occupant de lui touche certaines parties ou l’ensemble de son corps, lorsqu’il le déplace et le prend dans ses bras.

    Lorsque ce contact corporel lui est agréable, déjà le nouveau-né se détend entre des mains douces qui le prennent ou le tiennent. Si ces gestes se répètent au cours des soins qui lui sont donnés, si l’enfant est à son aise pendant la toilette, le bain, l’habillage et le déshabillage, il se détend de plus en plus. On pourrait dire que le nourrisson se prépare à ce que l’adulte le prenne et, au cours de l’habillage ou du bain, il relaxe son corps, bien avant que l’adulte ne le touche. Il continue presque automatiquement les mouvements commencés par l’adulte.

    Les expériences agréables acquises pendant le temps passé ensemble enrichissent et diversifient les relations de l’enfant et de l’adulte. De plus, elles rendent ces rapports plus étroits, alors que les expériences désagréables troublent le nourrisson, créent de l’anxiété et le rendent méfiant à l’égard de l’adulte.

    Par exemple, un geste brusque ou inattendu peut être désagréable pour le bébé. Ainsi, le nouveau-né tressaille si la main de l’adulte le touche sans qu’il s’y attende. Tenter d’accéder aux différentes parties de son corps par des gestes brusques et trop forts est également, pour le nourrisson, source de sensations désagréables. Si, pour tourner sa tête, lever ses bras et ses jambes, à partir de sa position spontanée, on n’attend pas avec patience la détente de ses muscles, les mouvements de l’adulte devront vaincre sa résistance. Et cela exige souvent des efforts considérables, de la part de l’adulte. C’est ainsi que les gestes soignants peuvent devenir, pour l’enfant, brusques et désagréables.

    Souvent, le malaise du bébé provient d’un changement d’équilibre. Pendant les premiers mois de sa vie, par exemple, si la tête du nourrisson n’est pas suffisamment soutenue, il fait des efforts crispés pour empêcher sa tête de remuer, de tomber en arrière. Mais ses efforts ne sont pas toujours efficaces. Si ces sensations de désagrément – liées aux gestes de la main de l’adulte – se répètent, l’enfant attendra soit avec un énervement passif, soit avec une résistance crispée, la fin du déshabillage, de la toilette ou de l’habillage.

    Les moments passés avec l’adulte – qui se répètent plusieurs fois par jour – ne sont alors pas vécus ni anticipés comme une source de plaisir, mais plutôt comme une expérience désagréable que l’enfant supporte mal.

    Le bien-être du nourrisson dépend avant tout et dans une large mesure de l’adulte, c’est-à-dire de la façon dont il le touche. Sur cette question de « la main de la nurse », les expériences des enfants élevés en pouponnières ne sont pas toujours rassurantes. Une des sources de leurs expériences désagréables peut être les mouvements routiniers, mal appris des nurses [1]  Par cet anglicisme, on entend la soignante directe... [1] .

    En institution, en effet, une nurse prend chaque jour dans ses bras plusieurs nourrissons, les change, les baigne, elle leur donne à manger, puis les remet dans leur lit ou dans l’espace de jeu. La répétition des diverses situations et opérations de soin exerce inévitablement une influence sur les gestes de la nurse.

    Les mouvements qui, au cours de son travail, se répètent souvent, deviennent généralement, justement par leur caractère répétitif, plus brefs, plus rapides, plus efficaces aussi et, dans une certaine mesure, automatiques. La dactylo, la laborantine ou l’ouvrière fileuse expérimentées exécutent une grande partie de leur travail très rapidement, presque automatiquement, ne faisant plus attention aux détails.

    Le travail de la nurse est facilité, il est vrai, si une partie de ses mouvements deviennent rapides et mécaniques : si elle est capable, par exemple, de préparer très vite les divers linges et objets nécessaires pour changer le nourrisson ou pour l’habiller ; si elle attache habilement la couche, si elle prépare rapidement la nourriture à portée de sa main, en un mot, si elle ne consacre pas toute son attention aux « procédés techniques » des différentes opérations.

    Mais le fait même que les mouvements directement attachés à l’enfant deviennent plus brefs, plus rapides et mécaniques présente un grand danger.

    Cette sorte de mouvements ne permet pas, voire exclut, que l’enfant puisse se préparer convenablement au geste en question, ou qu’il prenne part, d’une manière active, à l’opération se rattachant à sa personne elle-même. Certains gestes routiniers sont justement destinés, afin que le travail soit plus rapide, à empêcher l’enfant de déployer son activité. Ces gestes contiennent généralement certains éléments brusques, et c’est en cela qu’ils deviennent durs et, par conséquent, désagréables. Ils ne permettent pas au nourrisson ou à l’enfant en bas âge de se sentir à son aise pendant les soins.

    Au cours de ces mouvements exécutés à la hâte, d’autres formes de relation entre l’enfant et l’adulte, comme l’échange de regards, sont alors très appauvries.

    La façon dont l’auxiliaire soigne l’enfant contient, pour le nourrisson, de nombreuses informations. Les mouvements tendres et délicats expriment l’attention et l’intérêt, tandis que les gestes brusques et rapides sont signes d’inattention, d’indifférence ou d’impatience.

    Si, par exemple, l’auxiliaire appelle par son nom le nourrisson couché sur le dos, dans le parc, si elle cherche son regard et attend que celui-ci l’aperçoive, si l’enfant est ainsi préparé à ce que l’adulte le prenne dans ses bras avec des gestes calmes et lents, tenant bien sa tête et son tronc, elle peut de la sorte non seulement éviter que l’enfant tressaille par suite d’un mouvement rapide et inattendu, mais aussi lui faire comprendre qu’elle attend, qu’elle guette sa participation et sa coopération dans tout ce qui va suivre. Mais si, par contre, la nurse prend le nourrisson dans ses bras de façon brusque et imprévisible, en le soulevant par le tronc ou le tirant par les bras, ce n’est pas pour l’enfant simplement un sentiment ou une expérience désagréable, cela signifie pour lui que la nurse ne compte pas sur sa coopération, et qu’elle ne lui laisse pas le temps nécessaire à la préparation de tel ou tel geste : dans ce cas-là, l’enfant est traité comme un objet peu apprécié et sans valeur, qui n’a besoin d’être traité ni avec précaution ni avec douceur.

    Les tout-petits élevés dans nos instituts doivent souvent en faire l’expérience, même de nos jours ; de nombreux mouvements routiniers, rapidement exécutés n’assurent pas même un sentiment de confort minimum et, finalement, gênent la construction d’une relation affective entre l’enfant et l’adulte.

    Lorsque, comme on peut encore le voir dans des hôpitaux ou des maternités, la nurse tient le nourrisson sous le robinet d’eau comme s’il était un manteau jeté sur son bras, l’enfant ne peut plus bouger. Ce soin peut être exécuté très rapidement, mais l’enfant ne sait pas d’avance ce qui va lui arriver, il ne sait pas quand la main de la nurse ou le jet d’eau touchera ses jambes, quand elle commencera à le savonner ou à le rincer. L’enfant n’a aucune possibilité de participer à l’opération, ni d’exprimer ses sentiments de satisfaction ou de mécontentement, par exemple, si la température de l’eau lui est agréable ou non. La nurse ne voit même pas son visage… Il ressort que ce qui arrive à l’enfant devient, à ses yeux, dénué d’intérêt et d’importance. En tout cas, c’est probablement ce que le bébé ressent.

    Lors des repas, lorsque l’un des bras de l’enfant, assis sur les genoux de la nurse, est coincé entre l’adulte et son propre corps et que l’autre bras est immobilisé par celui de l’auxiliaire qui tient l’assiette, le bébé est non seulement incapable de toute sorte de participation, mais aussi de toute forme de protestation. Cela signifie encore, pour l’enfant, qu’il ne pourra exercer aucune influence sur le déroulement du repas, qu’il apprécie ou non sa nourriture, que le rythme de la cuillère lui convienne ou non, ou encore que la quantité de nourriture le satisfasse ou pas. Ainsi, l’expérience du repas qui devrait être source de plaisir et de satisfaction se transforme vite en quelque chose de pénible et d’extrêmement désagréable pour l’enfant.

    Il arrive que l’enfant, assis sur la table de change, soit allongé par l’auxiliaire par un mouvement de traction sur ses jambes ou que, pendant l’habillage, elle le tire par les bras pour le remettre assis ou debout, alors que l’enfant, informé de l’attente de l’adulte, pourrait s’asseoir, se lever ou s’allonger tout seul. Dans ces conditions, il n’est pas non plus possible à l’enfant de profiter de la présence de la nurse pour partager une activité commune, ni même éventuellement des cajoleries ou des jeux.

    Lorsque l’auxiliaire change, aussi avec des mouvements rapides, un enfant un peu plus grand, qu’elle met debout face à elle, la tête de l’enfant contre ses jambes, tout échange de regards ou de paroles est également impossible. L’auxiliaire ne voit que le derrière de l’enfant, elle ne s’occupe que de la toilette, sans consacrer son attention à l’enfant lui-même qui se sent « négligé » au cours de ces soins.

    De même, lorsque la nurse fait avancer l’enfant en prenant son poignet ou son avant-bras, quand elle le tire derrière elle, ou qu’elle le pousse en touchant soit sa tête soit son dos, ces mouvements aussi contiennent des éléments de brusquerie. Ces manières de diriger l’enfant montrent que l’adulte n’a pas confiance en lui, qu’il ne croit pas qu’il puisse comprendre ce que veut l’adulte, ou bien ces manières peuvent montrer que l’adulte n’est pas content du rythme selon lequel l’enfant avance.

    Les manifestations de ces pratiques, de ces habitudes si rapides à surgir dans le quotidien et la répétition des soins sont-elles inévitables dans le travail des nurses ?

    Nos expériences, datant déjà de plusieurs dizaines d’années, montrent qu’il est possible d’empêcher le développement de ces habitudes de travail, et même que la nurse est capable de se débarrasser de gestes trop rapides, mécaniques et mal appris… Mais nous savons également que ce n’est pas si facile de mener à bien ce processus de changement.

    Pour se débarrasser de certaines habitudes, la nurse doit changer tout d’abord d’état d’esprit. Un intérêt sincère, sa détermination pour obtenir une vraie coopération de la part de l’enfant lui rendront, en général, les mains sensibles, délicates et tendres.

    Mais cela ne s’accomplit pas spontanément : il s’agit d’acquérir une véritable « culture » de la main pour en offrir la tendresse, des gestes plus rassurants et plus agréables pour les tout-petits, ceux qui leur permettent de coopérer avec l’adulte.

    Nous apprenons [2]  La description détaillée et minutieuse de ces mouvements... [2] à nos nurses comment elles peuvent soulever, porter ou prendre dans leurs bras le nourrisson, de telle sorte qu’il ne perde pas, pendant tout ce temps, son sentiment de sécurité physique ; nos nurses prennent dans leurs bras des nourrissons encore incapables de tenir leur tête ou leur tronc, de telle sorte que leur corps et leur tête soient bien calés. L’enfant qu’on tient dans les bras doit être continuellement à son aise. Elles apprennent à tenir les nourrissons sur les genoux sans empêcher leurs mouvements : l’enfant peut alors toucher la main et le visage de l’adulte, il peut se montrer actif dans tout ce qui lui arrive.

    Nos nurses apprennent non seulement à mener à bonne fin les différentes opérations qui font partie de leur travail, mais aussi, pour ainsi dire, à « percevoir » avec les mains. En guettant et en prenant en compte les réactions de l’enfant, elles arrivent à trouver des gestes agréables, délicats, qui ne gênent pas l’enfant. Elles apprennent à s’occuper des nourrissons et des tout-petits dans un rythme qui leur convient, un rythme leur offrant le temps et la possibilité de se préparer à l’approche de l’adulte ou aux différents gestes du soin.

    Ainsi, la nurse appelle toujours l’enfant vers lequel elle se tourne. Elle attend que le nourrisson, d’un signe, manifeste qu’il a perçu son appel. En général, à ce moment, leurs regards se rencontrent, la nurse ne prend l’enfant que lorsqu’elle « sent », par son contact tactile avec le nourrisson, que celui-ci attend son geste.

    Apporter sa coopération, participer aux différentes opérations des soins veut dire, au fond, que l’enfant répond par ses propres mouvements à la demande ou aux gestes déjà commencés par la nurse. Mais, pour cela, il a besoin de temps. Les petits enfants ne peuvent pas se préparer aux mouvements qui se succèdent à un rythme rapide, et ils sont encore moins capables d’y répondre.

    Nos nurses apprennent à ralentir un peu les mouvements pour lesquels elles attendent une réponse et comptent sur la participation de l’enfant. Car, si au cours de l’habillage elles saisissaient le bras du nourrisson en lui enfilant immédiatement la manche de sa chemise, ou si, au cours du repas, elles présentaient la nourriture de sorte que le verre touche déjà la bouche de l’enfant, elles ne donneraient pas au nourrisson la possibilité de tendre sa main vers la chemise ou le verre. Si elles exécutent toute l’opération avec rapidité, le geste de l’enfant devient tout à fait superflu.

    Mais si la nurse exécute ces gestes en prenant en considération les mouvements-réponses de l’enfant, si elle modifie ses gestes conformément à ceux du nourrisson, celui-ci peut alors de plus en plus participer aux diverses opérations des soins.

    Au fond, nos nurses apprennent des mouvements interrompus : quand on appelle un enfant, quand on lui tend un objet, ou encore lorsqu’on lui demande de donner quelque chose, la nurse commence à faire un geste, mais ne le termine pas immédiatement et demeure quelques instants immobile en attendant sa réponse. Ces gestes expriment l’attente et offrent à l’enfant une possibilité de choix : celui d’agir de façon indépendante.

    Le geste de la demande joue un rôle particulièrement important dans la relation nurse-enfant. Comme les gestes d’appel et d’offre, celui de la demande est le symbole d’un rapprochement pacifique, d’une vraie demande dans laquelle l’autre existe, sans que sa réalisation passe par la force. Ce geste exprime que l’adulte, au lieu d’agir tout seul, par lui-même, attend l’action du nourrisson : il attend, par exemple, que l’enfant mette dans sa main ce morceau de pomme qu’il ne veut plus manger ou ses chaussons qu’il vient d’enlever.

    L’attitude de l’adulte qui lui demande et attend offre la possibilité au nourrisson de décider lui-même face à l’attente, au désir de l’adulte. Cette attitude constitue, en même temps, un « modèle », un exemple pour l’enfant dans ses relations avec les autres : on ne peut pas attendre d’un enfant qu’au lieu de prendre par la force un objet convoité, il le demande à un autre enfant, si l’adulte a le même comportement envers lui, c’est-à-dire s’il prend l’objet au lieu de le lui demander. La main de l’adulte est donc pour l’enfant une importante source d’expériences…

    Dans une pouponnière, il est plus facile d’obtenir que les nurses aient un visage souriant ou parlent aux enfants que d’avoir des mouvements tendres et délicats. Citons à ce sujet Vercors : « J’appris ce jour-là qu’une main peut, pour qui sait l’observer, refléter les émotions aussi bien qu’un visage, aussi bien et mieux qu’un visage, car elle échappe davantage au contrôle de la volonté. »

    De nos jours, on sait bien qu’une nurse ne peut s’occuper correctement des enfants qu’en faisant preuve d’un réel intérêt, en étant attentive à toutes les réactions du nourrisson et en étant prête à lui répondre. Et cette attention n’est complète que si elle emploie non seulement ses yeux et ses oreilles, si elle répond non seulement avec des mots et des sourires, mais aussi si elle touche l’enfant avec des mains tendres, des mains qui attendent la réponse et qui sont toujours prêtes à la réponse.

    Nos expériences, outre l’intérêt manifesté envers l’enfant et la création de conditions de soins véritablement attentifs, montrent que la « culture » de la main et les gestes réfléchis permettent de s’occuper des nourrissons ou des tout-petits de telle sorte qu’ils soient réellement à leur aise ; ainsi, leur détente, leur gaieté et leur participation active influencent à leur tour, de manière favorable, le comportement de la nurse.

    Notes

    Ce texte fait partie d’une liste de plus de 80 articles écrits par des membres de l’équipe de l’Institut Pikler à Budapest (Lóczy) et présentant différents aspects de leur approche clinique et institutionnelle de l’accueil du bébé en institution. Cette liste est consultable sur le site de l’Association Pikler de France : www. pikler. fr

    [1] Par cet anglicisme, on entend la soignante directe de l’enfant, celle qui a « le bébé dans les bras » (ndr).

    [2] La description détaillée et minutieuse de ces mouvements figure dans le manuel de formation des nurses, rédigé par le docteur Emmi Pikler.

     

    Tardos Anna, « La main de la nurse. », Spirale 4/2008 (n° 48) , p. 177-182

     


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