• Viens que je te croque ou un enfant qui mord

    article issu de : http://lesvendredisintellos.com/2014/09/20/viens-que-je-te-croque-ou-un-enfant-qui-mord/

    Je me suis intéressée au sujet de l’enfant qui mord suite aux morsures infligées par M.. Sur mon blog je raconte mon voyage dans le monde des morsures. Dans notre famille de trois, la non-violence éducative fait partie de nos valeurs. On ne veut pas le punir, on ne veut pas le frapper, on ne veut pas l’engueuler… mais on ne veut pas qui morde ! Il a mordu* et une moijesaistout a sifflé « il faut qu’ils le punissent !« ,

    Je m’interroge donc sur ce cas pratique : l’enfant et la morsure. Est-ce que nous sommes des mauvais parents puisqu’il mord ? Est-ce qu’on doit accepter qu’il soit une terreur ? Va-t-on être obligé de le punir pour qu’il comprenne ?

    Non, non et non ! Ce n’est mon humble avis de maman avec un premier enfant et les neurones en ébullition, mais non, nous ne sommes pas des mauvais parents. Mordre est un geste non tolérable mais naturel, ça arrive. Ne pas le diaboliser ni le banaliser ! A nous de lui montrer d’autres façons de gérer cet excès de frustration / colère. Non M. n’est pas une terreur. Parfois ce petit garçon par ailleurs adorable n’arrive pas encore à communiquer autrement mais ça viendra. A nous de l’accompagner. Et non on n’est jamais obligé d’utiliser la violence pour contrer la violence.

    Si mon chef et des copains m’ont dit « Mords-le, y’a que comme ça qu’il comprendra » et « S. aussi à mordu, dès que B. le papa l’a mordu, elle n’a plus jamais recommencé », est-ce que la littérature nous donne d’autres pistes, notamment non-violentes ?

    Sur Internet, les sites de parentalité type doctissimo, infobebes, magicmaman… ont tous un billet dans le genre « Que faire si notre enfant mord ? », « L’enfant qui mord », « Au secours, mon enfant mord », « Pourquoi un enfant mord ? »Trois catégories de conseils : trouver et comprendre les causes de la morsure, réagir face à son enfant qui mord et comment l’empêcher de mordre de nouveau.

    1. Comprendre les causes de la morsure

    L’âge a son importance : mordre à un an ou mordre à 8 ans n’a pas la même explication.

    Autour d’un an, un bébé teste sa mâchoire et les effets de ses morsures sur les objets… et les êtres vivants.

    Puis après 2 ans (ça dépend des enfants car M. a 14 mois est déjà dans cette phase) Doctissimo nous dit : « pour attirer l’attention, défendre son territoire, obtenir ce qu’on lui refuse, manifester sa colère ou, plus étonnant, une pulsion d’amour. » Idem chez Magic maman qui nous parle de la « phase d’opposition« .

    Une explication « à la Freud » se trouve sur le site d’une psychologue de Nice : « Avec sa bouche, l’enfant non seulement mange mais pense » ou encore de e-santé « l’enfant est encore au stade dit « oral », c’est-à-dire qu’il appréhende le monde par sa bouche. Certains décrivent l’envie de mordre comme le « stade oral sadique »« . Sauf qu‘Isabelle Filliozat nous dit bien que « « phase orale », implique une dimension psychanalytique très importante, qui selon Freud est relative à la jouissance et au pouvoir. Comme si l’enfant était un pervers polymorphe ! Il faut cesser d’utiliser cette expression de « phase orale », elle nous enferme dans une vision psychanalytique totalement erronée. Elle sous-entend que l’enfant a une jouissance à utiliser sa bouche, qu’il cherche à prendre le pouvoir. Tout cela est complètement faux.« 

    Dans la même dynamique « l’enfant est foncièrement méchant », seul un pédiatre est convaincu « Mord-t-il ses parents sans le faire exprès ? Evidemment NON !« . Je ne partage pas son point de vue et me conforte dans celui d’Isabelle Filliozat sur les enfants qui mordent ou tapent : « pas de méchanceté », « pas une décision consciente mais une prise en charge corporelle de son expression » (J’ai tout essayé, p88)

    Beaucoup d’auteurs convergent vers l’idée que l’enfant ne mord pas volontairement pour faire mal.

    Naître et grandir donne une liste exhaustive de ce qui peut pousser un enfant à mordre : « il est en colère, il veut reprendre un objet ou il convoite le jouet d’un autre, il est fatigué, il le fait pour s’amuser, sans mesure sa force, il vit un évènement stressant, il veut attirer l’attention des adultes, il se défend, il sait que c’est un moyen efficace d’obtenir ce qu’il veut, il est dans un environnement qui ne lui convient pas, il a été témoin ou victime de geste agressifs ».

    Comprendre est une chose. Mais quand ça arrive…

    2. Réagir face à son enfant qui mord

    Dans le cas pratique « l’enfant qui mord » (p146), Catherine Dumonteil Kremer dans « Une nouvelle autorité sans punition ni fessée » nous confie son expérience : « quand mon enfant en agresse un autre, cela blesse deux personnes : l’enfant et le parent présent. Il y a donc deux victimes à écouter. J’écoutais l’enfant blessé […] pour qu’il se sente reconnu : « Montre-moi, oh elle t’a fait mal ! » Je m’excusais auprès des parents de l’enfant concerné ; j’écoutais les sentiments qui les traversaient à ce moment-là. Cela me demandait beaucoup d’énergie, mais c’était très efficace. »

    Oui ne pas s’emporter contre son enfant alors que le parent du mordu est agacé demande de l’énergie et de la maîtrise de soi. On a envie d’hurler « non mais ça va pas non ?! faut pas mordre » et que l’enfant « obéisse ». Rester calme soi-même est la première étape et ce n’est pas la plus simple. Mais avec de l’entraînement, ça fonctionne.

    De nouveau j’apprécie les pistes de Naître et grandir. En voici quelques unes :
    « Prenez tout d’abord soin de l’enfant qui a été mordu et consolez-le. Si votre enfant a mordu pour attirer votre attention, il verra que ça ne fonctionne pas […]
    Veillez à ce que personne ne rie […]
    Evitez les longues explications. Essayez de lui expliquer les conséquences de son geste avec des mots simples « Regarde, tu lui as fait mal. Elle pleure. » […]
    Incitez l’enfant qui a mordu à réparer son geste […] Ne demandez pas à votre enfant de faire un câlin à sa petite « victime » pour le consoler. L’enfant mordu n’en a probablement pas envie.
    Ne dites pas […] « tu es méchant » ou « tu es un bébé » car elles peuvent nuire à son estime de soi
    Si votre petit mord de nouveau, éloignez-le immédiatement des autres enfants […] »

    Concernant la réparation, c’est un geste que l’on suggère à chaque expérience malheureuse. Dernièrement, M. m’a remordue pendant une tétée alors que ça faisait plusieurs mois qu’il n’y avait plus eu de souci. J’ai crié par réflexe. Il est parti en courant et est revenu avec un pansement en me disant « bobo »… Même si j’ai trouvé le geste super mignon, je me suis forcée à rester « neutre » en lui disant « merci » suivi des explications concernant les conséquences de son geste.

    Le pédiatre sus-cité insiste sur un « non convaincant » et propose le retrait ou la rupture : « Dire le mot NON ne suffit pas, il faut le dire avec CONVICTION. Avec la mimique qui va avec, les gros yeux, le visage mécontent, et sans montrer de faille, ni de désir de ne pas se fâcher. Dans le bain affectif chaleureux de votre famille, vous êtes en droit de vous fâcher (momentanément) avec votre enfant et de vous séparer de lui en le mettant dans sa chambre derrière une porte fermée.
    Se fâcher c’est se séparer de l’enfant momentanément. Se fâcher ainsi c’est montrer à votre enfant que vous êtes convaincu de votre idée ( je ne veux pas que tu tapes), que vous avez confiance dans le lien affectif qui vous relie à lui, et que vous savez qu’il y aura évidemment réconciliation par la suite.
    Cette attitude qu’on appelle « faire la rupture », est très bien comprise de lui si elle est motivée par une raison claire (ne pas taper ni mordre), et cohérente (refaite si l’enfant recommence). Elle est très bien reçue et se montre très efficace, contrairement à l’absence de réponse laissant l’enfant dans un vide angoissant et le conduisant vers la surenchère
    .
    Quelques minutes plus tard, votre enfant s’étant calmé derrière la porte, vous retournerez dans sa chambre et le trouverez tout gentil, affectueux et au fond de lui serein : il a aura eu la réponse qu’il attendait. »
    Coup de pouce va dans le même sens : « On peut aussi mettre l’enfant en retrait sur une chaise à raison d’une minute par année d’âge en lui disant simplement pourquoi il se retrouve là (ex.: « tu n’es pas habilité à jouer avec les amis parce que tu les frappes »)« 

    Je parle de ces solutions pour citer de nouveau Catherine Dumonteil-Kremer, même livre, p. 186 :
    « Avec les dernières découvertes sur les effets nocifs des fessées et des punitions, le time-out ou mise à l’écart est apparu comme une solution possible à toutes sortes de comportements indésirables des enfants. Comme il est bien difficile d’isoler un bambin qui ne veut pas l’être, l’immobilisation est aussi utilisée, de même que le retrait de l’attention du parent. […] C’est bel et bien une punition qui fait souffrir l’enfant. Rien n’est plus inquiétant pour lui que le retrait de l’attention et de l’amour de ses parents. L’isolement ne lui permet nullement de réfléchir et de prendre conscience. […] Un enfant qui est isolé rumine sa colère et son chagrin seul ; et va faire tout ce qui lui est demandé pour sortir de cet état où il se sent exclu de la famille.
    Quand votre enfant est en proie à des émotions difficiles, il ne peut les gérer seul. Il est très important de l’accompagner, d’être solidaire […] »

    Il y a donc une solution intermédiaire entre autoritarisme (« va dans ta chambre ») et laxisme (« il a mordu, ce n’est pas si grave »). On essaie d’aller dans cette direction de « bienveillance », « parentalité positive » ou encore « discipline positive » mais nos réactions ne sont pas toujours comprises. C’est comme si l’absence de cri et de réponse violente était vu comme le fait qu’on n’accorde pas d’importance à la morsure. C’est une réponse différente mais valable et qui me semble efficace.

    Après des morsures, je pouvais lire sur le visage de notre fils qu’il comprenait, même sans cri et sans punition que son geste n’était pas acceptable. Quelques jours après l’épisode de la « morsure tétée », il a pointé du doigt le sein qui avait eu « bobo » et m’a montré ses dents et m’a dit « non » en faisant « non » avec son index. Puis « bobo ». Le lien de cause à effet avait été compris.

    Enfin, tous les sites sont d’accord sur un point : ne pas mordre en retour. Ce n’est que dans la vraie vie et sur les forums de vrais gens que j’ai entendu « mords-le ». Séquelles d’une éducation passée à la dure, autoritaire et violente ?
    Deux raisons sont évoquées :
    – ça n’empêche pas les tout-petits de mordre de nouveau
    – l’enfant pourrait en déduire que ce comportement est acceptable puisque un adulte le fait. Nous sommes leurs exemples!

    Il paraît même que certains parents rinceraient la bouche de l’enfant au savon… mais ça ne va pas la tête ?

    3. Eviter que l’enfant recommence

    Catherine Dumonteil-Kremer, même livre, p. 145 propose l’observation et un objet sur lequel il ne risque pas d’abîmer ses gencives ou ses dents : « Je savais que cela risquait à tout moment de se reproduire, aussi me suis-je mise en mode surveillance rapprochée », de façon à intervenir avant la morsure. Empêchée de réaliser ses plans, ma fille pleurait ou trépignait, ce qui l’aidait à récupérer de la frustration éprouvée. Le problème a été résolu en quelques jours. Je lui ai proposé un objet à mordre, et lui ai même donné à titre préventif« .

    Naître et grandir nous propose en plus de la vigilance :
    – de se poser les bonnes questions : qui ? quand ? où ? dans quel contexte ? … pourquoi ?
    – de valoriser l’enfant lorsqu’il pose un geste positif
    – de l’aider à nommer ses sentiments pour qu’il puisse mettre des mots sur ses émotions.

    Héloïse Junier, psychologue et journaliste rajoute de favoriser un recentrage calme de l’enfant : « Si vous sentez l’enfant particulièrement à fleur de peau ces derniers temps, n’hésitez pas à cultiver avec lui des activités apaisantes telles que la lecture, le chant, le dessin, les massages.« 

    Notre réaction à la morsure de notre fils citée en introduction a été de nous interroger sur pourquoi il avait mordu. On s’est rendu compte que tous les deux étions mals à l’aise au milieu de nos amis « en famille » (choix éducatifs très différents) et que si on avait pu les mordre… on l’aurait fait… Du coup on a décidé de partir le soir même au lieu du lendemain.

    Et vous, si votre enfant s’est fait mordre, comment avez-vous réagi ?
    Et vous, si votre enfant a mordu, comment avez-vous réagi envers lui et les autres ?
    Vos témoignages m’intéressent grandement !

    Pour conclure, je vous souhaite de croquer la vie à pleines dents !

    En bonus, d’autres articles des VI qui abordent plus ou moins ce sujet (que je vais maintenant lire plus attentivement car je ne voulais pas être influencée !) :
    Retour sur les enfants mordeurs par deux psychologues cliniciennes Marie Léonard-Mallaval et Jaqueline Wendland
    Retour sur les enfants mordeurs par Isabelle Filliozat
    L’introduction de ce mini-debrief de Drenka
    Tape, tape petite main de Chrystelle (sur le thème des coups et non de la morsure mais c’est la même thématique !)

    * et mordra peut-être encore, qui sait…


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