• " Pan ! T’es mort ! "

    article issu de  : http://madamegazouille.fr/2015/11/pan-tes-mort/

    Pan ! T’es mort ! »

     

    Combien d’enfants jouent au méchant et au gentil ? au voleur et policier ? au super héros ? etc.
    Et (trop) souvent, ça dérange…

    Alors j’ai envie de partager avec vous les infos que j’ai pu apprendre lors de ma formation EJE. C’était il y a une bonne dizaine d’années mais les réactions restent sensiblement les mêmes aujourd’hui. Et c’est dommage.

    Je faisais mon premier stage en crèche et je me souviens d’un petit garçon âgé de deux ans et demi qui a construit un pistolet en légos. Il s’est fait disputer. ça m’a beaucoup surpris. Pourquoi ? Si petit, il n’a pas dans l’idée de faire du mal, encore moins de tuer ! « Oui mais si tu le laisses jouer à la guerre, tu cautionnes, tu encourages. Et après, il croira que les armes ne sont pas dangereuses, que c’est un jeu, etc. »

    Oui mais non.

    Suite à cette situation, j’ai lu « La mort pour de faux et la mort pour de vrai » de Dana Castro (un livre hyper intéressant). Et j’ai appris que l’idée de la mort se construit petit à petit chez l’enfant.

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    Avant 3 ans, il n’existe pas de concept confirmé de la mort chez l’enfant. Il ne sait pas ce que c’est, même s’il connaît le mot pour l’avoir entendu, ne serait-ce que dans des comptines.

    De 3 à 5 ans, sa pensée est immature et animiste (il attribue aux choses une vie, une âme et aux personnes des pouvoirs irréalistes sur autrui). A cet âge où son quotidien est une routine, la mort est perçue de la même manière : on vit, on meurt et on vit à nouveau. L’enfant ne l’imagine pas comme un phénomène définitif et universel. Il pose beaucoup de questions pour comprendre : « quand est-ce qu’il va se réveiller ? », « il nous entend ? », « comment il fait pour manger ? »
    A cet âge, il n’est pas capable de comprendre ce qu’est la mort et son côté permanent. Du coup, il peut avoir des réactions qui nous déconcertent, à l’annonce par exemple : « je peux aller jouer ? », ou bien même rire. Il peut aussi exprimer une vraie tristesse car il sait ce qu’est une séparation (comme le matin, quand on le laisse à la crèche par exemple). Par contre, il pensera que celle-ci n’est pas définitive et il attendra le retour de la personne ou de l’animal. Dana Castro déconseille d’utiliser des images pour expliquer la mort à l’enfant. « Il s’est endormi pour très longtemps » : il y a des risques que l’enfant éprouve de l’angoisse à aller se coucher ensuite,ou à voir ses parents à aller se coucher.

    De 5 à 10 ans, l’enfant commence à se dire que la mort est irréversible (vers 6 ans), universelle et inévitable. Mais sa pensée n’est pas encore mature : il est encore un peu animiste et la mort peut prendre la forme d’un fantôme, d’un monstre, etc. Entre 5 et 7 ans, il pense que la mort ne s’applique pas à lui. Lui ne mourra pas.
    Vers 8-9 ans, la compréhension de la notion de mort évolue.
    A cet âge, il est capable de faire preuve d’empathie et de comprendre la peine de quelqu’un qui a perdu un proche.

    Entre 10 et 12 ans, l’enfant comprend que lui aussi peut mourir.

    Ce sont des âges donnés à titre indicatif mais cela peut être avant ou après. Si cela vous intéresse d’en apprendre davantage, je vous recommande ce livre. Vraiment ! Je l’ai dévoré et quand j’en ai parlé à mes collègues, plusieurs ont voulu le lire.

    Tout ça pour dire que l’enfant n’a pas l’intention de faire du mal quand il a ces jeux-là, qu’il n’a pas dans l’idée de tuer. Il ne comprend donc pas que cela puisse être mal pour certains adultes. Et si on essaie de le lui expliquer, en rentrant dans le fait que les armes sont dangereuses, qu’on peut mourir, etc., pas sûre qu’il comprenne. J’ai peur au contraire qu’on l’effraie.

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    Pourquoi joue t’il avec un pistolet, une épée ou autre ?

    Chez l’enfant âgé de 2 à 6 ans environ, le jeu symbolique a une grande importance car il lui permet de revivre (rejouer) un événement réel qu’il n’a pas maîtrisé, pas compris ou mal vécu. En le jouant, c’est lui qui choisit le scénario. ça va se passer comme il le prévoit et cela lui donne un sentiment de toute-puissance, de contrôle. ça le rassure et lui redonne confiance en lui. Il en a BESOIN. Voyez comme le jeu est utilisé pour préparer un enfant à recevoir un soin : doudou se fait soigner, l’enfant maitrise le scénario ou le construit avec l’adulte. ça le rassure. Au quotidien, c’est pareil. C’est très important pour la construction de son identité ! Et cela ne veut pas dire qu’il a une agressivité en lui ! Oulah, c’est une conclusion trop hâtive ! Il est dans le jeu et exprime angoisse, questionnement, incompréhension, etc. C’est sain !

    Et puis, en étant un personnage qui tue, l’enfant devient un héros doté de qualités (force, courage) et pouvoirs. « Tuer », c’est faire le bien, comme le héros qui débarrasse le monde des méchants, comme le prince qui défend sa princesse. C’est le beau rôle :-) C’est pour cela que les enfants préfèrent en général être celui qui tue que celui qui est attrapé ou tué.

    Mais en même temps, être un voleur, un méchant ou un brigand, c’est s’autoriser à enfreindre les interdits. On a le droit dans le jeu. C’est agréable de savoir qu’on peut les enfreindre sans risquer de sanction. ça aussi, ça participe à la construction du loulou.

    Jouer avec un pistolet, une épée ou autre, ça ne montre pas une agressivité enfouie ou non. Un enfant est agressif s’il détruit les objets et/ou s’il fait du mal à ses pairs.
    Et ce n’est pas parce qu’un enfant joue avec ces jouets qu’il deviendra méchant, agressif, tueur… Au contraire, je pense que si on leur permet de les expérimenter, tout en leur expliquant ce qu’on ressent vis à vis d’eux s’ils nous embarrassent, on les aide à comprendre.
    De toute façon, enlevez pistolets et autres, ils en construiront ! Ou alors, ils utiliseront comme à la crèche actuellement une carotte de la dînette, ou la scie de la boîte à outils :-) ou encore leur doigt !
    Je préfère leur permettre d’y jouer tout en leur apprenant à faire attention aux autres. Avant 2-3 ans (voire 4-5 ans), ils ne sont pas capables d’empathie (ils sont encore centrés sur eux-mêmes. On observe des attitudes qui nous semblent être de l’empathie, comme un plus grand qui apporte son doudou à un petit qui pleure mais il imite certainement l’adulte qu’il a vu faire. On ne peut pas dire qu’il est empathique : son empathie se construit petit à petit et on peut, selon moi, y participer). Je les laisse jouer à la bataille, à la guerre ou autre mais leur demande de ne pas viser un copain sauf si celui-ci est dans le jeu aussi, s’il est d’accord. De même, si je ressens quelque chose de négatif à être visée par la carotte du loulou, je lui demande de la baisser. Je lui explique que ça me gêne, que je n’ai pas envie. Sans entrer dans des explications sur les armes, la mort, etc. Ils ne comprendraient pas ! Par contre, je me dis qu’en faisant ainsi, je les sensibilise au respect de l’autre et en grandissant, il sera possible d’en discuter avec lui, quand il sera en âge de comprendre ce qu’est une arme, dangereuse, ce qu’est la mort, irréversible. Je pense que ça ne sert à rien d’aller trop vite, plus vite que ce qu’il est capable d’entendre.

    Par contre, à nous d’entendre et respecter ce besoin de « jouer à la mort ». A nous de réfléchir sur nos idées reçues, sur nos inquiétudes infondées.

    Quant au fait que le petit enfant pourrait faire l’amalgame entre un pistolet en jouet et un vrai. Oui. Mais comment pourrait-il en avoir un vrai entre les mains ? On en parle de la responsabilité des adultes qui ont une arme chez eux ??

    Y’a pas de raison de les empêcher de jouer. Vraiment.


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