• « La douce violence » dans les établissements d’accueil du jeune enfant.

    « La douce violence » dans les établissements d’accueil du jeune enfant. Comment y remédier et repenser nos pratiques professionnelles, aujourd’hui ?

    Synthèse des documents

     « Que tu es vilain quand tu pleures - hou la vilaine petite fille qui fait un caprice. » Ou encore, « Je ne t'aime pas quand tu fais cela - y a des baffes qui se perdent ». Des paroles semble-t-il sans conséquence, et pourtant… Des phrases que certains ont l’habitude de prononcer que d’autres réprouvent.

    Ces exemples pourraient très bien être cités par Schuhl C. éducatrice de jeunes enfants. Elle nous présente dans son livre intitulé Vivre en crèche : remédier aux douces violences, édité par Chroniques sociales en 2005, ce que sont les « douces violences » et comment y remédier. Tandis qu’en 2002 la revue informations sociales fait paraitre un article de Giampino, psychologue et psychanalyste sur « la qualité de garde comme outil de prévention psychologique ». Quant à Dalloz D., psychanalyste, elle dénonce les méfaits de la violence sur le jeune enfant dans son livre où commence la violence ? Pour une prévention chez le tout-petit. Cet ouvrage édité par Albin Michel, date de 2003. Ces trois auteurs sensibles à l’intérêt que l’on porte au jeune enfant, font apparaître un problème majeur de notre société. En effet, elles suscitent une réflexion sur la douce violence dans les établissements d’accueil des jeunes enfants. Comment y remédier et repenser nos pratiques professionnelles, aujourd’hui ?

    Cette réflexion est basée autour de trois axes. Pour commencer, il s’agit de définir et repérer ce qu’est la « douce violence ». Elle est suivie par une analyse des répercussions de cette violence sur le développement psychologique du jeune enfant. Pour finir, des pistes de travail sont proposés pour améliorer nos pratiques professionnelles en structure d’accueil du jeune enfant.

    On ne peut aller plus loin sans définir les termes de « violence » et « douce ». Le Petit Larousse (1999) décrit la violence comme « l’extrême véhémence, outrance dans les propos, le comportement ». Tandis que l’adjectif « douce » signifie «qui manifeste de la douceur, de la bonté, de la gentillesse » ou encore « qui procure une sensation agréable, un sentiment de bien-être ».

    Schuhl C. associe ces deux termes pour nommer les gestes et les maladresses verbales de l’adulte envers l’enfant. Elle précise que « ce n’est pas de la maltraitance » mais que « c’est une sorte de ressenti immédiat que l’adulte va faire vivre à l’enfant sans forcément prendre conscience de ses conséquences ». Dalloz D. souligne ce caractère non intentionnel de l’adulte dans son exemple intitulé la propreté.

    Devant ce constat, Schuhl propose d’établir un travail d’identification de ce phénomène. Ainsi les professionnels eux-mêmes ont listé toutes sortes de pratiques journalières caractéristiques de la « douce violence ». Ce sont des situations principalement repérées lors des moments forts de la journée de l’enfant en crèche. Et cela commence dès son arrivée. Schuhl cite les conversations échangées devant les enfants, « au-dessus de leur tête », les critiques négatives sur l’enfant et sa famille. Elle considère aussi l’accueil peu chaleureux de la part du professionnel envers les parents comme faisant parti de cette « douce violence ». Outre, le moment de l’accueil du matin et du soir, ces déviances professionnelles se produisent aussi lors des activités ou des jeux libres. Là encore, Schuhl dénonce les commentaires négatifs qui dévalorisent ou rabaissent l’enfant. Parfois, dit-elle, cela peut être le simple fait de discuter entre professionnels pendant que les enfants sont en « jeux libres ». Ces mêmes comportements existent aussi au moment des repas, du soin et de la sieste. Parmi Les situations présentées par Dalloz D., l’une d’elles met en scène un père et son enfant. La psychanalyste explique que le père par son comportement et ses paroles à « violenter » son enfant sans même le savoir. En effet, lorsqu’il lui dit « tu pues… maintenant il va falloir te changer le cul !... », il met son enfant en situation d’échec. Or, l’éclaircissement apporté par Dalloz D. nous indique qu’à son âge l’enfant ne peut maîtriser ses sphincters. De surcroit, Schuhl C. dénonce dans ses propos le jugement de valeur émis par les adultes sur les enfants.

    Ainsi, ces attitudes répétées génèrent chez l’enfant un sentiment « d’insécurité affective ». C’est la raison pour laquelle Schuhl parle de « dérives non négligeables ». De même Dalloz D. évoque les conséquences de ces déviances. Quant à Giampino, elle met en avant l’intérêt de « préserver la continuité psychique de l’enfant ».

    En conséquence, ces comportements déstabilisent et perturbent l’enfant dans son développement psychique. Giampino S. parle de « la dignité des tout-petits ». Elle explique que le jeune enfant est sensible aux faits et gestes de l’adulte. C’est par ce contact, cette proximité qu’il va élaborer une identité personnelle. Elle dit clairement qu’une atteinte à sa dignité est génératrice de séquelles et laisse une empreinte dans son inconscient. De plus, elle souligne que l’enfant peut avoir des retards au niveau du développement cognitif et moteur. Cela peut même provoquer des comportements agressifs. Schuhl reprend cette idée en parlant de « patrimoine affectif ». Elle note le rôle primordial de l’adulte dans la construction de l’enfant. C’est pourquoi dit-elle,  le manque de respect à l’enfant à des conséquences sur son développement psychique. Quant à Dalloz D. au travers de l’exemple qu’elle donne autour du thème de la propreté, met en exergue l’inconvenance des propos du père adressés à son enfant. Elle dénonce la violence faite à l’enfant par le « dressage à la propreté » ou encore par la présentation d’un monde « caca ou pas caca ». Elle précise que cette violence inscrit l’enfant dans une relation ambiguë, où il se sent impuissant parfois félicité, parfois rejeté. Enfin, elle ne manque pas de mettre en lumière des comportements incohérents de la part de parents soucieux du bien être de leur enfant. Ce sont des interdits à outrance, des non-dits qui mettent l’enfant en danger lorsque celui-ci se retrouve dans un contexte autre que celui de son quotidien. De surcroît, Dalloz D. met en avant le manque de communication entre les parents et l’enfant qui favorise ces non-sens. De ce fait, d’après l’auteur, des parents qui frappent leur enfant pour leur faire comprendre qu’il ne faut pas frapper est non-sens.

    Que ce soit Schuhl, Dalloz ou Giampino, chacune d’elles expriment les comportements et les actes néfastes au bon épanouissement général de l’enfant. Elles en décrivent les conséquences et suggèrent quelques pistes de réflexions pour remédier à ces attitudes inappropriées.

    Au regard de cette réalité, Schuhl invite chacun à s’interroger sur ses pratiques professionnelles et à évaluer l’importance de sa relation à l’enfant. D’après elle, le problème est complexe. Il est la résultante d’une conjoncture entre une institution et une pratique professionnelle. Elle touche du doigt les difficultés liées à la pédagogie mise en place et à la relation établie entre chaque protagoniste. D’après elle, il s’agit d’abord de redéfinir la notion d’équipe, puis du cadre hiérarchique. Ensuite, elle s’attarde davantage sur la personnalité du professionnel. Elle l’invite à s’interroger sur lui-même. Par rapport à ce qu’il est en tant qu’individu porteur d’une histoire personnelle. Mais aussi, par rapport à ce qu’il fait et/ou veut faire en qualité de professionnel. Elle met en évidence la limite à ne pas franchir entre la vie personnelle et la vie professionnelle et les efforts que cela suppose. D’autre part, elle mentionne l’importance d’avoir des moments d’échanges entre adultes pour confronter ses idées et échanger des suggestions de travail. De plus, elle propose une réflexion sur l’aménagement de l’espace, sur l’intérêt de l’enfant et le respect de son histoire.

    De même, Giampino aborde la question d’un cadre institutionnel de qualité. Mais pour elle c’est bien plus que les professionnels et l’établissement qui sont concernés. En effet, elle cite les élus, les financeurs et organisateurs de l’accueil de la petite enfance. Elle n’oublie pas d’inclure les parents, et même la société. Elle présente plusieurs critères de qualités spécifiques d’un bon accueil pour « préserver la continuité psychique de l’enfant ». Cela passe par une qualification et une stabilité du personnel. Mais aussi par une reconnaissance en tant que professionnel de la petite enfance. Giampino met l’accent sur la cohérence d’un règlement intérieur et du projet d’établissement. Pour garantir à chacun un accueil satisfaisant, elle évoque la nécessité d’une période d’adaptation. Mais, elle propose qu’il soit accepté des exceptions en cas de besoin pour ne pas tomber dans des situations aberrantes.

    Enfin, tout comme Giampino, Dalloz D. met à contribution chaque citoyen pour aider l’enfant à évoluer dans un environnement suffisamment bon. Elle conclue en disant qu’une enfance maltraitée ou malmenée n’est pas fatalement irréversible. Il peut toujours y avoir quelqu’un pour accompagner l’enfant en difficultés et lui montrer d’autres horizons.

    Au travers de ces textes, nous avons pu repérer un bon nombre de « douces violences » et en comprendre l’impact sur le développement du jeune enfant. Schuhl, Giampino et Dalloz, nous ont révélé plusieurs pistes de réflexions non négligeables et surtout ont mis l’accent sur le caractère non définitif des séquelles encourues.

    S’il est vrai que ses pratiques professionnelles sont repérables en établissement d’accueil de jeunes enfants, Dalloz a soulevé un problème bien plus inquiétant. En effet, ses mêmes pratiques sont utilisées par des parents, dans leurs foyers à l’abri des regards. Pire encore, ces comportements irrespectueux existent aussi en institutions qui accueillent des enfants ou des personnes en incapacité de se défendre elles-mêmes.

    Ceci devrait nous encourager à prendre soin de chaque enfant comme s’il était plus précieux que l’or périssable. Chaque être humain à le droit au respect de sa personne quelque soit son âge, son sexe, son origine. Nous ne devrions pas faire à l’autre (notre semblable) ce que nous ne voudrions pas qu’on nous fasse. Hélas, si le mal nous a déjà été fait, rappelons-nous alors combien on aurait aimé que quelqu’un nous tende la main.

    Introduction

     « Arrête de pleurer, on dirait un hystérique ! ». « Ah ! Ce que tu pues, tu as encore fait caca ! ». Des phrases semble-t-il anodines mais oh combien traumatisantes pour un jeune enfant. Et celui-ci qui monte debout sur une chaise pour attraper un verre d'eau, et se fait sermonner… A l'heure où l'on reconnaît la déclaration des droits de l'enfant et où la maltraitance est condamnée par la loi, quand est-il de nos pratiques éducatives ? En avons-nous mesuré les effets sur le développement psychologique du jeune enfant ? Autant de questions et d'attitudes qui supposent une réflexion sur notre façon d'éduquer les enfants dans notre société.

     Autrefois, les structures d'accueil du jeune enfant étaient créées sur le modèle de l'hygiénisme. Puis, des pédiatres et psychanalystes tels que Dolto1, Bowlby2, Brazelton3 ont mis en évidence l'importance de prendre en considération l'enfant dans sa globalité pour l'aider au mieux à s'épanouir dans tous les domaines.
                Aujourd'hui, ces discours sur le développement psychique du jeune enfant, prônant le respect de sa personne et de son histoire familiale ne sont pas toujours appliqués en structure d'accueil du jeune enfant. C'est ainsi que l'on peut observer dans ces lieux un phénomène insidieux qualifié de « douce violence » par l'éducatrice de jeunes enfants, Schuhl C. Bien sûr, ces attitudes ne sont pas prodiguées dans l'intention de lui nuire, mais plutôt pour l'éduquer ou par inconscience.

     Après un bref rappel historique de l'évolution de la place de l'enfant au sein de notre société, on ne peut poursuivre cette réflexion sans définir précisément ces « douces violences ». Après quoi, il est intéressant d'évaluer l'impact de ces pratiques sur le développement psychique de l'enfant. Devant un tel constat, il est proposé plusieurs pistes de travail pour améliorer nos pratiques professionnelles afin de repenser l'accueil du jeune enfant et de sa famille.

     Avant d'aller plus loin, je veux préciser que ce dossier s'adresse à toutes personnes, que ce soit les professionnels de la petite enfance, les parents ou tout simplement des personnes curieuses d'en savoir un peu plus sur le sujet. Il est consultable sur Internet à l'adresse suivante : douce violence.free.fr.

    Soyez assurés que cette démarche n'est pas réalisée dans le but de culpabiliser les professionnels ou toute autre personne. Bien au contraire, il s'agit de réfléchir ensemble sur le sens que l'on donne à nos pratiques éducatives. J'espère pouvoir nous encourager à nous questionner sur le bien fondé de nos méthodes. Que nous sachions nous remettre en question afin de nous ajuster en fonction des compétences du jeune enfant. C'est parce que celui-ci se construit au contact de l'adulte qu'il doit être au centre de nos préoccupations. N'oublions pas que les enfants d'aujourd'hui sont les adultes de demain.


    1 Dolto F. pédiatre et psychanalyste, auteur de la cause des enfants.
    2 Bowlby pédiatre et psychanalyste, auteur de attachement et perte, PUF, 1978.
    3 Brazelton, pédiatre, auteur de votre bébé est unique au monde. Il a fait des recherches sur les « compétences » du nouveau-né.

    Présentation des documents

    Les quatre textes qui suivent, traitent des pratiques éducatives prodiguées à l’enfant dès son plus jeune âge.

     Le premier texte, issu d’un extrait du livre Vivre en crèche : remédier aux douces violences, de Schuhl C. présente une définition des « douces violences ». Il expose également une liste non exhaustive de ces « douces violences ».

     Le deuxième texte est un extrait du livre de Dalloz D. qui a pour titre où commence la violence ? Pour une prévention chez le tout-petit. Il met en évidence les comportements violents des adultes envers les enfants et leurs conséquences sur le développement psychologique.

     Quant au troisième texte, c’est un article paru dans la revue informations sociales, écrit par Giampino intitulé la crèche comme symptôme. Il traite des qualités nécessaires pour qu’un accueil soit reconnu satisfaisant.

    Enfin, le dernier texte, extrait du livre de Schuhl C. vivre en crèche : remédier aux douces violences, propose des pistes de réflexions pour améliorer nos pratiques professionnelles.

     1 - Repérer les douces violences des pratiques professionnelles

     Des gestes maladroits et incongrus, des jugements de valeurs, des paroles blessantes, des a priori, sont autant de moments brefs et fréquents qui mettent l’enfant en «situation d’insécurité affective ». Bien que l’adulte n’agisse pas dans l’intention de nuire à l’enfant néanmoins ce dernier subit ces actes irréfléchis et inadéquats comme une « douce violence ».

     Cette oxymore voulut par C. Schuhl souligne le caractère non prémédité des comportements des professionnelles et dans le même temps insiste sur l’aspect gravissime qu’ils génèrent sur le développement psychoaffectif du jeune enfant. Ainsi ces « douces violences » ont été observées dans divers lieux d’accueil pour jeunes enfants et relèvent d’une difficulté complexe. En effet, ce n’est pas seulement le fait d’un relâchement professionnel qui en est la cause, mais la conjoncture d’une organisation institutionnelle et d’une dynamique d’équipe émoussée. L’observation de référence se déroule dans une crèche collective en accord avec la directrice et le personnel qui désiraient faire une analyse de leur pratique professionnelle. Un travail de repérage s’est effectué en équipe duquel est ressorti une liste non exhaustive des dérives ou défaillances de méthode de travail. Les principales observations portent sur le temps de l’accueil, du jeu, du repas, du sommeil et du change.

     On note pour chacun de ces moments là, un manque ou une négligence du respect de l’enfant en tant que personne. C’est par exemple des critiques ouvertes sur sa famille, des obligations de faire sans explications (se déshabiller, finir son repas, jouer à telle activité, dormir alors que l’enfant n’a pas sommeil, etc.) ou encore une dévalorisation de ses acquisitions. C’est aussi porter un jugement de valeur et surnommer l’enfant.

     La situation est d’autant plus alarmante que l’enfant fréquente la structure d’accueil régulièrement et sur du long terme. De ce fait, il est impératif que l’ensemble des professionnelles de la petite enfance puisse repenser ses méthodes de travail pour mieux les ajuster aux besoins de chaque enfant. Si d’un premier abord, certains gestes et attitudes ne semblent pas violents pour l’adulte, ils n’en restent pas moins violents pour l’enfant qui le vit. N’oublions pas que l’enfant se construit au contact de l’adulte. En outre pour qu’il se développe harmonieusement il a besoin d’être en confiance, par conséquent, d’être apprécié à sa juste valeur en tant qu’être en devenir.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     SCHUHL, C.2005.Vivre en crèche : remédier aux douces violences, Lyon, Chronique sociale, p. 13-20.

     

    2 - Comment se crée le lien

    La propreté – les limites

     Physiologiquement, un enfant n’acquiert la maîtrise de ses sphincters que vers trois ans et demi. Cette période d’apprentissage doit être acceptée par l’adulte et accompagnée sans jugement. Avec, la loi d’orientation de 1989 relative à l’âge légal d’entrée en école maternelle, on assiste à une recrudescence de l’apprentissage précoce de la propreté. Or, les spécialistes soulignent l’importance de laisser l’enfant grandir à son rythme.

     Par ailleurs, l’emploi du mot « caca » pour marquer les interdits est source d’ambivalence pour l’enfant. Celui-ci s’inscrit dans une relation soit de « félicitations », soit de « rejet » de la part de ses parents. Même si cette étape de la vie du jeune enfant est contraignante pour la mère, elle est nécessaire. Elle ne peut se construire que sur le long terme et dans un échange verbal de qualité. C’est dans cette phase que l’enfant intègre les notions de limites, de ses capacités à faire et expérimente la sincérité des propos des adultes à son égard. S’adresser à un enfant, dès son plus jeune âge, avec déférence valorise la reconnaissance de soi et contribue à une meilleure socialisation.

    Enfin, l’enfant confronté à l’échec a besoin du soutien de l’adulte pour nourrir son appétence plus que son besoin.

      C’est grâce à l’équilibre entre les interdits et les permissions que l’enfant va se construire. Pour dépasser son agressivité et son envie de l’autre, l’enfant doit trouver auprès de l’adulte soutien et respect de sa personne. Si l’enfant a peur, il se replie sur lui-même et ne peut dépasser ce sentiment de « violence».

     

    Soumis à des interdits à longueur de journée l’enfant a besoin de se défouler. L’adulte doit en prendre conscience et lui offrir la possibilité de le faire. De plus, l’enfant se sent vulnérable devant la toute puissance de l’adulte. Il n’a pas conscience que celui-ci est soumis aussi à des interdits comme par exemple l’interdiction de le frapper.

     Une infinité d’exemples pourrait révéler la manière dont l’enfant a trouvé ou non un environnement favorable pour créer du lien social. C’est dans les premières années de sa vie que l’enfant soumis à des carences ou des maltraitances sera plus ou moins enclin à la violence. Toutefois, ce n’est pas une fatalité et une « bonne » rencontre peut l’aider à s’en sortir. Il faut donc favoriser le soutien et l’accompagnement vers d’autres horizons.
    Dans la mesure où l’enfant sera respecté en tant que tel, il respectera aussi son entourage. Il acceptera facilement les règles. Porté par l’adulte dans ses apprentissages, l’enfant évoluera vers une indépendance. Laquelle doit être vécue avec joie et non comme un soulagement d’être séparer de la personne tutélaire. Cette démarche est d’autant plus difficile à vivre que les parents eux-mêmes l’auront mal vécue pendant leur enfance.

     C’est par des encouragements et des consolations que l’enfant réussira à grandir favorablement.

    Dalloz, D. 2003. Où commence la violence ? Pour uneprévention chez le tout-petit, Paris, Albin Michel, p. 72 – 80

     3 - La qualité de la garde comme outil de prévention psychologique

     Dans l’absolu il n’existe pas de « bon » ou « mauvais » type de garde d’enfants, en revanche il existe des critères de qualité qui définissent ce qu’est un bon accueil. C’est-à-dire qu’il soit susceptible de favoriser l’épanouissement psychologique de l’enfant accueilli.
                Ainsi, sont retenus comme critères de qualité, la mise en place d’une prise en charge individualisée du jeune enfant qui respecte sa sécurité affective, sa personne et son rythme. De plus, la place de l’adulte chargé de s’occuper de lui, doit être bien définie. Mais surtout, ce qui compte, c’est que ce mode de garde soit choisi par les parents et non imposé. Hélas, cela n’est pas toujours réalisable à cause du manque accru de propositions de garde d’enfants en France.
                Mais, la préoccupation majeure des professionnels de la petite enfance, est d’assurer un développement harmonieux du jeune enfant. Cela suppose de leur part d’être compétents et professionnels, qualités indispensables à un bon accueil. Il faut donc que les organisateurs de la petite enfance prennent conscience du caractère primordial d’un personnel correctement formé, encadré et motivé. De plus, celui-ci doit être reconnu en tant que tel et non pas comme remplaçant parental, par les familles et la société. Sans quoi, c’est la relation entre l’enfant et sa mère qui pourrait être remis en cause, et entraînerait la diminution de professionnels sur le terrain.
                Quoiqu’il en soit, la garde d’un enfant peut être profitable à chacun dans la mesure où il est bien vécu. L’essentiel est que les parents puissent rester les acteurs de la séparation d’avec leur enfant ainsi que des retrouvailles. C’est pourquoi, un bon accueil doit comporter une période d’adaptation afin que l’enfant puisse créer des liens avec le personnel accueillant et avoir des repères. Toutefois, il est important que la structure de garde soit disposée à écouter et répondre aux besoins des parents dans l’urgence. Elle doit donc agir avec pertinence selon la situation rencontrée pour rester cohérente dans sa mission.
                De surcroît, il est à noter, que les bébés au travers de leur corps, sont très sensibles et réceptifs aux paroles et aux gestes qui leurs sont adressés lors des soins. Ne pas respecter leur personne pourrait entraîner des conséquences graves sur leur développement psychomoteur et psychique, et même, favoriser des comportements querelleurs. Par contre, si l’accueil est réalisé dans de bonnes conditions, avec un projet cohérent, on remarque qu’il contribue à une prévention psychologique et sociale de l’enfant. L’important, n’est donc pas une question de lieu ou de personne, mais de qualité d’accueil et d’interactions entre l’accueillant et l’accueilli. Ainsi, les professionnels peuvent répondre aux besoins d’un enfant dont la famille est défaillante. Mais en plus, les outils proposés pour s’épanouir sont les même pour tous les enfants.
                Il va s’en dire que l’accueil est avant tout professionnel, ce qui suggère une préparation spécifique. Plus l’enfant est jeune plus la prise en charge est ardue pour les professionnels qui doivent être très vigilants. Notons par ailleurs, que les lieux d’accueil sont un moyen efficace pour prévenir les troubles psychiques et/ou moteurs du jeune enfant et contribuent à resserrer les liens familiaux. Ainsi, les structures d’accueil ont un rôle important dans la construction de la société et la prévention psychologique.

     

     Giampino, S, psychanalyste, psychologue petite enfance, 2002. Extrait de « la crèche comme symptôme », Dossier : modes de garde, modes d’accueil : quelles évolutions ?, Paris, Informations sociales, p. 92 – 94

     4 - Que faire de cette douce violence ?

    Les situations repérées comme « douce violence » ne peuvent être éradiquées d’un coup de baguette magique tant la réalité de ce phénomène est ardu. C’est le résultat d’une conjonction entre une institution, une équipe de travail et un projet pédagogique. Bien qu’il n’existe pas de remède miracle, cependant plusieurs pistes sont exploitables. Le but n’est pas de pointer du doigt des pratiques professionnelles critiquables mais bien plus, identifier ce qui ne va pas pour y remédier dans un processus d’analyses et de questionnements pertinents. Il est important de considérer chaque structure, chaque équipe dans son unicité. C’est avec circonspection et déférence qu’il faut analyser les situations. Les solutions apportées seront le résultat d’un travail de longue haleine alliant persévérance et indulgence.

    Le premier point à questionner concerne l’équipe. Qu’est-ce qu’une équipe ? Quels sont le rôle et la fonction de chaque membre qui la compose ? Cette réflexion permet de reconsidérer les prérogatives de chaque professionnel et de les situer au sein d’une équipe pluridisciplinaire. C’est aussi le moyen de percevoir l’intérêt d’une collaboration et par là même, d’éviter toute rivalité inutile. L’objectif commun doit se focaliser sur l’accueil réservé à l’enfant et à sa famille. Ce travail ne peut être efficace que s’il est soutenu et encouragé par la Direction de l’établissement.

    Ainsi, chaque individu sera valorisé et réhabilité dans ce qu’il est. C’est-a-dire une Personne et un professionnel de la petite enfance. C’est seulement à partir de là que des réflexions sur la méthode de travail pourront être discutées sans craindre des a priori ou des jugements. D’où la nécessité d’organiser des moments de discussions entre adultes. Ils sont essentiels pour permettre à chacun de s’exprimer, de se retrouver un instant ensemble et d’être honnête avec soi et les autres. Pour finir, on n’insistera jamais assez sur le « devoir de discrétion » que chacun se doit d’observer avec le plus grand soin.

    Le deuxième point concerne la pédagogie. Elle doit être le fruit d’un travail réfléchi par chaque membre de l’équipe. Tout acte prodigué à l’enfant doit être pensé en fonction de sa personnalité et de ses besoins du moment. Ainsi, le professionnel établit une relation constructive et de confiance avec l’enfant et sa famille.

    En troisième point, il s’agit de repenser l’aménagement de l’espace. La disposition de la salle et le matériel proposé sont essentiels pour diminuer les conflits et pour favoriser l’éveil de chaque enfant. Plus l’atmosphère est détendue plus l’enfant se sent en « sécurité affective ».

    A cela s’ajoute, les attitudes de l’adulte qui réalisées par automatisme peuvent être à l’origine des « douces violences ». C’est donc par une analyse des actes quotidiens de la vie que l’on peut mettre en exergue ce qui valorise ou au contraire ce qui déprécie les acquisitions de l’enfant. En outre, l’histoire personnelle de chacun ne doit pas interférer dans l’exercice de sa profession. C’est pourquoi, il est nécessaire de mettre une frontière entre vie privée et vie professionnelle pour garantir à l’enfant et sa famille une relation respectueuse et charitable. Reconnaitre que nous pratiquons des « douces violences » n’est pas chose aisée. Cependant, certaines de nos attitudes s’avèrent être néfastes pour la construction de la personnalité de l’enfant. Il nous incombe de veiller au bien-être de chacun d’eux. Parents et enfants placent leur confiance en nous et nous devons être sensibles à leurs attentes afin de ne pas les abuser. Si nous dérivons vers de la « douce violence », il nous faut le reconnaître et faire preuve d’humilité en le signifiant à l’enfant.

    Le quatrième point abordé consiste à entendre ce que l’enfant a à nous dire. Bien qu’il ait besoin de repères et de limites, laissons-le grandir à son rythme. Faisons-lui confiance et respectons-le. Trois critères indissociables sont à la base d’une démarche éducative respectueuse de chaque protagoniste. Il s’agit du respect de l’enfant, d’informer les parents sur le déroulement de la journée de leurs enfants et de la reconnaissance du travail effectué par le professionnel auprès de ces derniers. Enfin tout projet pédagogique doit prévoir une place pour l’imaginaire et la spontanéité. Il doit s’adapter et admettre que l’enfant n’est pas toujours disponible et disposé à répondre favorablement au protocole de la structure.

    Le cinquième et dernier point concerne le respect de l’histoire de l’enfant. En effet, chacun d’eux a une identité donnée par leurs parents que tout professionnel doit respecter. Parents et professionnels doivent conjuguer leurs efforts pour permettre à l’enfant de s’épanouir harmonieusement. Toutefois, si cela n’est pas possible, nous nous devons en tant que professionnel garantir à l’enfant une place au sein de la collectivité.

    Pour conclure, gardons à l’esprit qu’il n’y a pas de « gentils » ou « méchants » enfants mais des êtres en devenir qu’il nous appartient d’accompagner et de valoriser. Enfin, ce modèle de réflexions de travail n’est pas unique ; Libre à chaque équipe d’exploiter d’autres sources susceptibles d’être génératrices de « douces violences ».

    SCHUHL, C. 2005. vivre en crèche : remédier aux douces violences, Lyon, Chroniques sociales, p. 55 - 60

     Conclusion

    A tour de rôle, Schuhl, Giampino et Dalloz nous ont révélé par leurs écrits les inconsciences de l’adulte et leur impact destructeur sur le développement psychologique du jeune enfant. Bien que sa place au sein de la société n’ait cessé d’évoluer, le combat continue pour qu’il soit reconnu comme une personne. Brazelton, Bowlby, Korczak et Dolto, pour ne citer qu’eux, ont apporté bien des éclairages sur le petit de l’homme. Hélas, celui-ci est trop souvent rabroué, humilié, mis au rang inférieur tel un animal.

    On ne peut condamner l’adulte pour de tels actes, lorsque nous retraçons son histoire. Inscrit au plus profond de lui comme une chose « normale », il reproduit à l’infini cette soi-disant bonne éducation dont il a pu bénéficier lui-même dans son enfance. On comprend alors qu’il n’est pas aisé de remettre en cause les principes inculqués par nos parents et nos aïeuls. « Nous avons toujours fait comme ça », « C’est pour ton bien », « une bonne fesse, ça remet les idées en place », etc. Autant d’expressions pour se conforter dans sa pratique éducative.

    A l’aube du XXI ème siècle, malgré la Déclaration des droits de l’enfant qui stipule que «  Les États parties prennent toutes les mesures […] appropriées pour protéger l'enfant contre toutes formes de violence, d'atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d'abandon ou de négligence,… » la violence sur enfant demeure.

    Cette violence n’est pas seulement la réalité d’une pratique professionnelle en établissement d’accueil du jeune enfant. Elle existe aussi et surtout dans le foyer de l’enfant. Plus récemment, s’est crée l’Observatoire de la Violence Educative dont l’objectif est d’informer l’opinion publique sur la pratique très courante, et pourtant méconnue, de la violence éducative. Celle-ci est tolérée par beaucoup d’adultes y compris des professionnels de l’enfance. Différente de la maltraitance, elle consiste à faire obéir et à éduquer l’enfant.

    Pour conclure je citerai seulement cette phrase qui nous interroge sur la place que nous voulons offrir à « nos » enfants : « Pourquoi appelle-t-on cruauté le fait de frapper un animal, agression le fait de frapper un adulte et éducation le fait de frapper un enfant ? ».

     
     
     
     
       
     
     
       

     


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