• L’importance de l’observation en crèche

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    L’importance de l’observation en crèche

    Introduction

    J’ai choisi de parler de l’importance de l’observation des enfants et leurs périodes sensibles dans cet article.

    Le choix de ce thème s’est fait naturellement au cours de ma formation. À de nombreuses reprises, nous avons vu l’importance de se poser et d’observer les réactions des enfants afin d’en apprendre davantage sur eux et sur leurs développements.

    L’observation avant la formation était déjà pour moi quelque chose d’essentiel dans ma pratique professionnelle. Dans mon ancienne profession nous étions souvent amenés à observer les enfants afin de faire des rapports de leurs évolution. Nous avions des réunions où chaque professionnel mettait en commun les observations faites au quotidien. Elles permettaient de pouvoir réajuster nos pratiques pour une meilleure évolution de l’enfant.

    J’ai vite compris qu’en tant qu’éducatrice spécialisée, les phases d’observations feraient partie de mon quotidien. Nous avons ensuite évoqué les périodes sensibles chez les enfants lors de la formation. Nous avons vu les différentes périodes et les âges auxquels elles peuvent se manifester. J’ai trouvé ce passage de la formation très intéressant. C’était pour moi quelque chose de nouveau. Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est le passage du livre de Maria Montessori où elle explique que c’est au cours de ces périodes que l’enfant apprend le plus. J’ai compris à ce moment là l’importance de les repérer afin de favoriser leur développement.  J’ai tout de suite fait le lien avec certaines attitudes observées en crèche.

    Quelques semaines après la formation, j’avais décelé les périodes sensibles chez certains enfants. J’ai été agréablement surprise de pouvoir faire le lien entre la théorie et la pratique. C’est de là qu’est né le sujet de mon article.

    La problématique que j’ai décidé de traiter est : ” Pourquoi l’observation est-elle importante pour favoriser le développement de l’enfant ? “

    Dans un premier temps, je vais définir ce qu’est l’observation ; ses différents buts et l’importance qu’elle a dans nos métiers tout en faisant référence à des situations vécues. 

    Dans un second temps, je définirai le développement de l’enfant et les différents points de vue à ce sujet. Je développerai également les périodes sensibles et ferai un parallèle avec mes pratiques au quotidien. Enfin, je ferai le lien et expliquerai pourquoi il est important de bien observer l’enfant pour son bon développement.

    L’observation

    Définition

    L’observation, c’est examiner attentivement quelque chose ou quelqu’un afin d’analyser et de mieux le comprendre.

    C’est une démarche active, elle nécessite une méthode et un apprentissage. Regarder et voir sont des actes différents. Ils sont passifs. L’observation dans les rapports humains nous aide à interpréter leur comportement afin de mieux agir avec eux. Observer consiste à porter une attention volontaire sur un objet défini, dans un but précis. Il est important de ne pas porter de jugement et de s’en tenir aux faits.

    Dans mon ancienne profession, nous devions faire des rapports d’observation et pour qu’ils soient des plus objectifs, nous ne devions jamais mettre d’interprétation, nous devions juste décrire les faits. Nous n’utilisions jamais de ressenti comme ” je pense que” ou “il me semble que”.

    L’observation pédagogique a pour but d’améliorer l’action éducative de manière individuelle ou collective. Je pense qu’elle est l’outil essentiel de nos métiers.  Nous l’utilisons souvent face à un problème rencontré.

    À mon arrivée en crèche, l’équipe dans laquelle je me trouvais se questionnait sur le déroulement du repas. Certains enfants ne voulaient pas rester assis à table. L’éducatrice principale du module a longtemps observé le comportement des enfants ainsi que les réponses apportées par les éducatrices. Elle en a conclu que l’équipe n’était pas assez posée lors du repas et qu’il y avait trop de mouvements de la part des adultes. Elle a changé l’organisation, nous avons alors mis les plats sur la table afin de limiter nos déplacements.

    Nous avons également mis l’accent sur la participation des enfants. Ceux-ci sont autonomes ; ils se servent à manger et à boire seuls. Nous avons constaté un changement de comportement des enfants. Les responsabilités données au repas ont permis aux enfants d’être plus posés et calmes lors du repas. De plus, les enfants développent leur autonomie. En participant activement au repas, les enfants prennent du plaisir à table.

    Cette observation est bénéfique pour les enfants mais également pour l’équipe. Elle donne sens et qualité au travail que l’on fournit. Nous pouvons également utiliser l’observation pédagogique sans avoir rencontré de problème particulier. Elle peut être utile dans une démarche d’amélioration du quotidien.

    En crèche nous avons régulièrement des réunions où nous faisons part de nos observations pour changer certaines organisations dans les modules. La remise en question est importante dans nos métiers de manière à toujours faire de mieux en mieux. 

    Les buts

    Il y a différents buts dans l’observation.

    Pour nous, éducateurs, c’est de mieux connaitre l’enfant avec lequel nous travaillons afin de pouvoir adapter nos pratiques et interventions pour répondre au mieux à leurs besoins et favoriser leur développement.  Par exemple, je travaille en Communauté Enfantine avec des enfants de 18 mois à deux ans et demi. Ils ne s’expriment pas tous et ne verbalisent pas toujours ce dont ils ont besoin.

    Un jour, nous étions dans le module et un enfant a pris un travail de transvasement d’eau. Il ne faisait pas le travail mais mettait l’éponge à la bouche de manière à boire l’eau. Je lui ai demandé s’il souhaitait boire et lui ai proposé alors un verre d’eau. Il avait effectivement soif et après avoir bu, il a reposé le travail et a fait une autre activité. Être attentive et observatrice m’a permis de répondre à son besoin.

    Elle sert également à réadapter nos pratiques. Dans les modules, nous avons des travaux avec chacun des objectifs bien précis. Suivant le groupe d’enfant et leur progression, nous réadaptons le matériel afin qu’il soit toujours bénéfique. Au cours de l’année, nous observons les enfants et modifions les travaux en fonction de leurs besoins.

    Il y a quelques semaines, nous avons pensé à installer des tapis dans la salle d’ambiance afin de travailler “porter, rouler et dérouler un tapis”. Cette idée est survenue en les voyant ranger le tapis que nous installons pour les Lego.

    Elle est importante aussi pour faire le lien avec les parents. Dans notre pratique, le suivi est important pour bien agir avec l’enfant. Nos observations au quotidien aident certains parents. Lors d’un entretien, un papa m’a demandé si le soir, lors des transmissions, nous pouvions lui préciser ce à quoi son enfant s’est particulièrement intéressé durant la journée.

    Son importance dans nos pratiques

    « Aider une personne à apprendre nécessite non seulement qu’on s’intéresse à elle, qu’on définisse clairement ses besoins, ses forces et ses difficultés, mais également qu’on adapte ses stratégies pédagogiques à sa façon d’apprendre. » (L’observation de l’enfant en milieu éducatif, Denise Berthiaume)

    Dans certaines structures, l’importance n’est pas d’observer mais d’être en action quotidienne avec les enfants. Dans certains de mes stages, on me demandait d’occuper les enfants sans temps de pause et d’apporter diverses activités pour que les enfants ne s’ennuient pas. C’est une démarche totalement différente que celle apportée en crèche Montessori.

    En crèche, on nous demande et nous dit que l’observation fait entièrement partie de notre quotidien et qu’il est important de prendre le temps d’observer pour mieux connaitre les enfants. Avant d’être en crèche, l’observation faisait partie de mon quotidien mais n’était pas mise autant en avant. Nous en parlions moins que dans la pédagogie Montessori. Je me souviens, lors de mes premiers jours en crèche, une éducatrice m’a dit « Ici, tu ne dois pas hésiter à t’asseoir et à observer ce qu’il s’y passe. »

    L’observation n’est pas encore considérée dans toutes les structures comme une démarche éducative. Elle est souvent réservée au psychologue. Ce que j’apprécie fortement avec la pédagogie Montessori, c’est que l’observation est mise en avant et relève également du travail de l’éducateur. L’observation est utile mais il ne faut pas juste la faire. Il faut également s’en servir et l’interpréter. Utiliser nos observations à bon escient, prendre du recul sur les situations, puis agir ensemble, en équipe, pour le bon développement des enfants.

    Le développement chez l’enfant

    Le développement de l ‘enfant a toujours fait l’objet d’études et de théories. Jean Piaget, Emmi Pikler ou encore d’autres se sont penchés sur la question.

    Jean Piaget, psychologue suisse, s’est intéressé au développement cognitif et ses théories sur l’intelligence mettent en avant quatre stades. Emmi Pikler, médecin hongrois, s’est intéressée au développement moteur chez les enfants. Maria Montessori s’est, elle, intéressée à une pédagogie plus éducative.

    Pour elle, l’enfant absorbe le monde qui l’entoure et l’analyse ensuite. Elle pense que son développement se fait par bond et non de manière linéaire et régulière.  L’enfant, laissé libre de ses choix, passe par une succession de périodes au cours desquelles il montre une sensibilité particulière à quelque chose et développe plus facilement certaines aptitudes.

    Dans le système ordinaire, les enfants n’ont pas la chance de pouvoir choisir leurs activités. Ils doivent suivre un programme et s’y tenir. Dans mon travail auprès des enfants placés, nous devions les aider à faire leurs devoirs au retour de l’école. J’ai souvent été confronté à des moments de crise et de colère. Les enfants n’avaient pas envie et ne s’intéressaient pas aux matières à étudier. Ils étaient souvent mis en échec par un système qui ne leur correspondait pas.

    Je me suis intéressée particulièrement aux cinq périodes sensibles chez l’enfant que Maria Montessori met en avant dans sa pédagogie. La découverte de ces périodes lors de ma formation m’a donnée envie de chercher leurs importances et leurs bienfaits.

    Les périodes sensibles

    « Ces périodes sont limitées dans le temps et ne concernent l’acquisition que d’un seul caractère déterminé. Une fois ce caractère développé, la sensibilité cesse pour être très vite remplacée par une autre source d’intérêts. » (Maria Montessori.)

    Elle atteint son maximum entre un an et demi et quatre ans. La période sensible du langage débute dès la naissance et se poursuit jusqu’à six ans. Le bébé apprend parfaitement les langues parlées autour de lui, contrairement à l’adulte qui acquiert une langue étrangère au prix de beaucoup d’efforts. Après l’âge de six ans, l’apprentissage d’une langue devient beaucoup plus difficile pour l’enfant. Pendant cette période de sa vie, l’enfant révèle une aptitude considérable à s’imprégner et à répéter tous les sons entendus autour de lui. Sans effort, il se met à dire ses premiers mots, puis il organise son langage. Vers six ans, l’enfant connaît des milliers de mots et se perfectionne dans la composition des phrases. La période sensible passée, il va perdre peu à peu cette formidable aptitude.

    En Communauté Enfantine, nous avons un enfant qui, à son arrivée, ne s’intéressait pas aux activités de langage. Depuis quelques mois, nous constatons qu’il a un intérêt particulier pour les livres, les imagiers et les comptines. Cet enfant qui, d’ordinaire, éprouvait plutôt le besoin d’être en action, arrive maintenant à rester longtemps et à écouter des histoires ou chanter des chansons. Son langage s’est développé de manière considérable, il s’exprime de mieux en mieux.  Nous essayons de lui apporter d’autre activités de langage au quotidien pour favoriser ce développement.

    La période sensible de l’ordre apparait au début de la première année et dure deux à trois ans. Pendant cette période, l’enfant fait preuve d’un intérêt immense pour la place des choses dans le temps et dans l’espace. Les classes Montessori sont toujours extrêmement bien rangées et chaque objet y est à sa place. C’est un facteur de bien-être et de détente pour l’enfant. Les enfants aiment voir chaque chose retourner à sa place.

    Il y a quelques jours, nous avons changé un travail de place. Nous avons installé un meuble pour tapis et avons dû changer la boite des tissus. Le lendemain, un petit garçon, à son arrivée, est resté longtemps à regarder le nouveau meuble. Dans la matinée, il est allé chercher la boite à tissu et l’a mise dans le meuble à tapis où elle était entreposée initialement. Nous avons dû prendre du temps avec lui pour lui expliquer pourquoi nous avions changé la disposition du matériel.

    La période sensible de l’affinement des sens va de la naissance jusqu’à l’âge de six ans. L’enfant porte un grand intérêt aux impressions sensorielles en tout genre. Comme lors de toute période sensible, le but n’est pas seulement de mettre l’enfant en relation avec l’environnement mais de perfectionner les différents organes sensoriels.

    Il existe d’autres périodes sensibles comme celle de trois à six ans où l’enfant s’intéresse à la perfection de ses actes. C’est la période favorable aux « bonnes manières ». Fermer et ouvrir une porte avec délicatesse, dire bonjour ou encore celle de la minutie, de la socialisation, de l’écriture, de la lecture.

    Les périodes sensibles sont transitoires et se manifestent avec plus ou moins de facilité selon les enfants et à des moments différents. Le travail en libre choix est alors le meilleur moyen de les repérer, de les alimenter et de laisser l’enfant s’y impliquer.

    L’enfant qui peut se développer suivant ses périodes sensibles apprend d’une façon différente que celle mise en pratique dans notre système scolaire habituel.

    II aime travailler dans le but de se construire. II apprend souvent vite et sans effort. Ce n’est pas son âge qui détermine sa faculté d’apprentissage mais ses potentialités du moment. Bien que scientifiquement reconnues, les périodes sensibles ne sont pas toujours prises en compte par les institutions participant à l’éducation des enfants et sont malheureusement souvent peu connues des parents.

    Dans mon ancienne profession, nous faisions souvent des activités de groupes dirigées. Nous ne prenions pas en compte l’envie de l’enfant lors des activités manuelles. Nous proposions un bricolage, tous les enfants devaient faire cette activité. Aujourd’hui, je comprends mieux certains comportements d’enfants. Nous avions parfois des enfants dans l’opposition refusant ou faisant tout pour mettre à mal l’activité. Je vois la différence avec les activités proposées en crèche.

    L’enfant a toujours le choix de son activité et la durée de celle-ci. À tout moment, l’enfant peut stopper son activité en cours, la ranger et choisir un autre travail. La concentration de chacun étant différente, l’enfant s’auto-gère. Nous proposons mais nous n’imposons aucune activité.

    Par exemple, dans les activités artistiques, ils ont le choix du matériel ; la surface à peindre, les couleurs et les ustensiles. Ils sont vraiment maîtres de leurs activités. Je constate un réel changement au niveau du comportement de l’enfant.  

    Conclusion

    Dans cet article, je mets en lien deux grands principes de l’éducation.

    L’observation, plus générale à tout corps de métier et les périodes sensibles de Maria Montessori. Mes lectures, mes observations et le suivi de ma formation m’ont aidé à y voir plus clair. Dans mon introduction, je me demande l’importance de l’observation en crèche et l’utilité d’observer les périodes sensibles chez les enfants.

    Tout au long de mes recherches, je m’aperçois que l’observation de ces périodes est essentielle pour le bon développement de l’enfant. On voit que les périodes sensibles n’arrivent pas chez tous les enfants aux mêmes âges ni dans un ordre bien précis. Ce pourquoi y être attentif permet de les repérer et de les travailler afin que l’enfant apprenne davantage.

    Depuis que je suis à l’Enfant Roi, j’ai eu la possibilité de voir des enfants en pleine période sensible. Celle qui m’a le plus impressionné est sûrement celle du langage. J’ai pu constater de telles évolutions en si peu de temps. Je ne peux évidemment qu’appuyer le fait que l’observation de ces périodes est un plus considérable dans l’évolution de l’enfant.

    Je suis convaincue que cette pédagogie avec les enfants placés aurait été vraiment bénéfique pour leur développement. Elle laisse libre choix tout en donnant un cadre sécurisant ; tout ce dont les enfants avaient besoin.

    Je pense que l’observation est un maillon essentiel à une grande chaîne. C’est un peu comme une boucle, une suite logique. L’observation donne la possibilité aux éducateurs de repérer et répondre aux besoins des enfants. Elle aide à apporter un cadre et des activités adaptées. Ce qui favorise le développement de l’enfant et ses apprentissages.

    De plus, dans la pédagogie, le fait qu’ils aient la possibilité de s’orienter vers les plateaux ou activités de leur choix, avec une durée propre à eux, favorise la concentration et atténue la frustration. Cette suite de processus favorise une ambiance sereine et détendue dans les modules. C’est pour cela que je pense que l’observation est une attitude incontournable dans nos métiers.

    Auparavant, dans mes professions ou stages passés, nous n’avions jamais mis l’accent sur l’observation. Choses sur lesquelles Maria Montessori a fondé ses recherches. Je pense qu’il est primordial de mettre en avant l’observation dans nos métiers. Cela nous aiderait à voir les choses dans leur ensemble sans porter de jugement. C’est essentiel dans un monde comme le nôtre où les coutumes se mélangent.

    Pour conclure nous pourrions nous projeter sur l’importance de l’observation globale dans les métiers d’éducateurs et nous pencher sur ses bienfaits.

    « L’enfant est pour l’humanité à la fois un espoir et une promesse. En prenant soin de cet embryon comme notre trésor le plus précieux, nous travaillons à faire grandir l’humanité. » Maria Montessori

    Bibliographie

    “L’enfant” de Maria Montessori

    “Théorie du développement et mise en pratique” cahiers de la puéricultrice n°324

    “Le temps de l’enfant” Métiers de la petite enfance

    “L’observation, entre regard et perceptions” Métiers de la petite enfance

    “L’observation de l’enfant en milieu éducatif” Denise Berthiaume


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