• DÉVELOPPEMENT DU JEUNE ENFANT : DE L'ATTACHEMENT À LA SÉPARATION...

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    DÉVELOPPEMENT DU JEUNE ENFANT : DE L'ATTACHEMENT À LA SÉPARATION... 

    Les Entretiens s'ouvraient sur l'affirmation : «  petite enfance, toujours une affaire de femme ». Durant ces entretiens deux femmes vont déconstruire cette assertion. Chantal Zaouche-Gaudron, prof de psycho du développement à l'Université de Toulouse, et Agnès Florin prof de psycho à l'Université de Nantes et fondatrice du Labo Éducation Cognition Développement (LabÉCD) mènent chacune une conférence où il est question du jeune enfant et de son développement. Agnès Florin annoncera d'emblée que le « maternocentrisme » ne résiste pas à l'étude des faits : l'attachement n'est pas toujours une affaire de mère. L'attachement provient du partage des émotions avec le jeune enfant, ces émotions peuvent être procurées par les premiers donneurs de soins, les figures parentales, le réseau relationnel.Enfin une troisième femme, Mireille Brigaudiot, lumineuse, nous donnera une clé pour aider nos petits à grandir...

    Définir l'attachementsalleToutes deux évoquent le développement cognitif de l'enfant, Chantal Zaouche-Gaudron s'étant plus spécifiquement intéressée aux enfants particuliers que sont ceux issus de la grande précarité.
    Il ressort de la conférence d'Agnès Florin que le phénomène d'attachement qui doit se construire dans les premiers mois de vie, est une base sécurisante qui permettra par la suite à l'enfant d'explorer le monde. Chantal Zaouche-Gaudron pense aussi que le développement socio-affectif est primordial. L'attachement à la mère ou à l'adulte est structurant pour l'enfant. Il lui permet d'acquérir de la stabilité, des repères : c'est parce qu'il est en sécurité qu'il va pouvoir explorer et découvrir le monde en autonomie. Loin de constituer une dépendance, l'attachement est à la base de ce qui constituera la possibilité d'une autonomie future.

    Agnès Florin décrit précisément la théorie de l'attachement, élaborée en 1958 par Bowlby et Harlow.
    Différentes phases de l'attachement montrent que le petit enfant ne préfère pas a priori sa maman. De 0 à 3 mois, on ne remarque pas de préférences chez le bébé – mais pas de confusion non plus. Dans les trois mois suivants, le bébé accorde ses petites préférences à une personne. De 6 mois à 2 ans, l'attachement est manifeste.
    Dès avant 18 mois, on note des différences dans la qualité de l'attachement : le bébé fait la différence entre lui-même et chacun des donneurs de soin ; il différencie également chacun des donneurs de soin.
    L'attachement est un processus : il se construit au fil des expériences de l'enfant.
    Il est apparu que les attachements à la mère et au père, peuvent avoir des impacts différents sur la vie sociale de l'enfant :
    −    la relation sécurisée à la mère favorise de meilleures relations sociales, moins de problèmes internalisants ( relatifs à l'estime de soi) et externalisants (relations difficiles aux autres).
    −    la relation sécurisée au père favorise la popularité en groupe, et moins de problèmes internalisants.
    −    la relation sécurisée aux deux parents « produirait » des enfants plus engagés, plus attentifs, participants, et obtenant de meilleurs résultats scolaires.
    Agnès Florin et Chantal Zaouche-Gaudron s'accordent pour dire que l'attachement n'est pas exclusif.
    Pour Agnès Florin, les relations au père, à la mère et à l'adulte du mode d'accueil (crèche, assistante maternelle, école) sont indépendantes les unes des  autres. Une insécurité vécue vis à vis des parents peut être compensée par une relation sécurisante avec l'adulte du mode d'accueil ainsi qu'avec les autres enfants. Les petits enfants (2-3 ans) peuvent nouer des relations sécurisantes à l'école comme à la crèche ; un mode de garde ne supplante pas l'autre en ce domaine. Des facteurs comme le ratio adulte/enfants, la formation des personnels, la stabilité de l'adulte référent jouent sur la relation sécurisée qu'entretient l'enfant avec l'adulte.
    Pour Chantal Zaouche-Gaudron les modes de garde peuvent également influer sur la sécurisation des enfants :
    −    l'attachement à des adultes et la qualité des modes de garde peuvent atténuer les difficultés des enfants insécurisés et ceux-ci peuvent devenir sécurisés. Alors, les interactions se multiplient et le comportement s'améliore. Si l'enfant va mieux à la crèche, il ira mieux dans sa famille.
    −    des programmes d'intervention (garantie de places d'accueil dans les structures de garde, scolarisation précoce) influencent favorablement les situations.

    De l'attachement à la séparation ... « caché, le voilà », un jeu pas comme les autres, décrypté par Mireille Brigaudiot coucoucoucouPour cet exposé, Mireille Brigaudiot s'intéresse aux enfants de 6 mois à 3 ans et demi, le jeu de « Caché ! Le voilà !» est un jeu que les adultes francophones utilisent beaucoup avec les petits, les mots n'y sont d'ailleurs pas tant importants que la musicalité.
    L'oratrice veut montrer que c'est un jeu « bon pour le moral ». Adultes, il vous épuise ? Tant pis, patience, vous serez récompensé, on ne peut faire l'économie de ses bienfaits, aussi jouez, jouez : « c'est votre métier, vous êtes payés pour ça, consommez ce jeu sans modération ! »


    Une synthèse au grand galop 
    Il faut aller vite : on retrace les découvertes de Freud avec l'enfant et « le jeu de la bobine ». L'enfant jette loin de lui une bobine attachée à une ficelle, puis la ramène à lui, il répète ce geste et le met en mots « part i! ». Freud interprète ce jeu comme une reviviscence de l'alternance présence/absence de la mère.
    Ici l'enfant peut être actif « c'est moi qui t'envoie promener », il passe de la passivité -subir l'absence de la mère-, à l'activité.
    Piaget a construit la théorie de la permanence de l'objet, dans sa théorie des six grandes étapes. Si l'on s'arrête sur le stade 4, où l'enfant commence à chercher l'objet à l'endroit où il l'a retrouvé la fois précédente, on remarque que c'est une étape-clé dans la construction du langage et de l'acquisition du vocabulaire...
    « La balle est sous le fauteuil », « Papa est à coté de la fenêtre »... Au passage, on constate que le vocabulaire ne s'acquiert pas avec des listes de mots, mais bien à partir de scènes vécues et de phrases énonçant un contexte.
    Piaget met donc à jour l'évolution du développement de l'enfant et ce qui est un frein à son développement.
    Plus tard, Bruner, avec son jeu de la marotte, explore encore un jeu d'absence/présence. Le jeu est alors étudié dans le contexte des années 70, où l'on travaille sur le développement du langage dans le contexte de l'échange mère-enfant. Le jeu évolue avec l'âge de l'enfant, les observations commencent à 5 mois et se poursuivent jusqu'à 14 mois, de grandes étapes se dégagent, petit à petit l'enfant verbalise, se détache de sa mère et peut jouer seul à ce jeu.
    - « Regarde ce que j'ai là »
    - « il va se cacher, i va se cacher, i va se cacher.... ». Le ton est juste, comme d'habitude Mireille Brigaudiot enchante son auditoire. Elle nous le rappelle d'ailleurs à travers la citation de Daniel Stern :« C'est sur le visage de l'adulte que l'enfant se lit vainqueur »
    Elle cite encore Gopnik, en 1984, qui fait d'autres recherches sur les enfants entre 12 et 18 mois en particulier sur le mot « gone » (« parti ») énoncé avec les bras qui font le geste de s'ouvrir. L'hypothèse est que ce mot est formulé au stade 6 (objet constitué) défini par Piaget.
    « Gone » serait un mot cognitif signifiant pour marquer l'absence et l'état subjectif du refus d'absence, il revêt à la fois un caractère cognitif et du ressenti.
    Dans toutes les langues, tous les bébés utilisent à une fréquence maximale un mot qui marque ce phénomène. Durant cette tranche d'âge les enfants choisissent/inventent un signifiant personnel qui veut dire « pas là, y en a plus, pourquoi c'est vide? Où est X »?
    Une séquence vidéo nous illustre ce phénomène : la petite Lucie s'est inventé un mot « babmmm », sans doute la contraction de « badaboum ».
    « Gone » est un mot qui en plus de signifier l'absence signifie aussi l'échec : « j'ai raté ». On émet alors l'hypothèse qu'en jetant des objets, en les éloignant, on construit la possibilité de dire « non ».
    Une deuxième séquence vidéo, celle de Jane et les épinards, est proposée à la salle : en jetant des objets mis à sa disposition afin de capter son attention et lui enfourner des épinards, Jane gagne la bataille contre les épinards, elle s'oppose, elle construit du « non je n'aime pas, je n'en veux pas ».
    Le « non » se construit d'ailleurs en deux étapes: la première « non je n'en veux pas, je n'aime pas », qui est source de regret, subjective et la seconde «  non, ce n'est pas X » est référentielle, objectivée. Pour construire le lexique, il faut préalablement construire cette possibilité de distinguer, classer, se dire « Non, ce n'est pas tel objet » afin d'apprendre un mot nouveau.

    Un jeu reconnu d'utilité publiqueEn conclusion ces jeux de « caché ! Coucou » sont bons pour l'organisation psychique, pour le pouvoir sur le monde et le rapport de l'enfant à l'espace, pour le langage, pour l'organisation cognitive.

    Sur le web : Une autre entrée sur le même sujet« le caché, coucou! » : Un jeu fondamental pour mettre en place les éléments essentiels du langage, Chantal Bolotte, prof de philosophie et sciences de l'éducation.


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