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    Piaget et Wallon, la fonction symbolique

    Sujet : D’après Piaget et Wallon, la fonction symbolique est importante dans l’accès à la représentation chez l’enfant entre 3 et 5 ans.

    En psychologie du développement, la théorie cognitivo-constructiviste de Piaget (1896-1980) se différencie de la perspective psycho-sociale du développement d’Henri Wallon (1879-1962). Si le premier dévoile une conception orthogénétique et linéaire du développement, le second s’appuie sur une perspective épigénétique et discontinue. Mais tous deux décrivent les transformations dans l’évolution du sujet sur base d’un découpage en stades et s’accordent sur l’intérêt de l’étude du développement aux différentes tranches d’âge comme instrument irremplaçable de compréhension de l’adulte. Selon eux la mise en place de la fonction symbolique permet l’accession progressive de  l’enfant  à un monde de représentations. On expliquera d’abord la mise en place de cette fonction sémiotique pour la définir (selon la terminologie piagétienne) ; on illustrera ensuite son importance à travers la conduite symbolique du jeu de fiction ; enfin on rendra compte de l’intérêt de cette fonction et de son analyse pour l’étude de la compréhension du développement de l’enfant de 3 à 5 ans.

     

    Il s’agit d’expliquer l’apparition de ces conduites symboliques qui témoignent d’un progrès cognitif décisif au sortir du stade purement sensori-moteur précédant les formes opératoires de la pensée. Il faut donc retracer la genèse de la fonction sémiotique pour expliquer la naissance de cette pensée représentative, qui introduit le sujet dans la période préopératoire de la représentation, où il est capable de représentation des réalités absentes et de combinaison des différents schèmes, ces entités abstraites de l’organisation d’une action.

    Le développement de cette fonction symbolique ou sémiotique est la capacité d’évoquer des objets ou des situations non perçues, au moyen de signes ou de symboles. Elle permet donc à l’enfant de se représenter des choses par le passage des schèmes sensori-moteur aux schèmes conceptuels. L’acquisition préalable de la permanence de l’objet (l’objet continue d’exister même une fois hors du champ perceptif) permet la sémiotisation : le sujet conserve une représentation mentale personnelle construite par rapport à son environnement.  

    Au stade précédent (0-2 ans), le sujet n’avait la faculté de trouver des réponses aux situations que par tâtonnements préalables. Désormais l’enfant dispose d’une capacité naissante à intérioriser l’action avant de l’effectuer. Il peut en quelque sorte « agir sans agir », le tâtonnement est « intériorisé ». Piaget nomme cette action intériorisée l’« intuition », action non réversible, transition nécessaire entre les actions purement sensori-motrices et les opérations du stade opératoire concret (de 7-8 à 11-12 ans). Le sujet se servira des schèmes sensori-moteurs déjà assimilés et les accommodera en fonction de ses nouvelles capacités mentales. Il devient donc capable de différencier un signifié absent (l’objet, le concept, ce qui est évoqué) et un signifiant (le moyen qui sert à le représenter, plus ou moins «arbitraire», tel un mot) ou un symbole (qui lui, est «motivé» individuellement ou socialement).

      Cette nouvelle faculté se marque dans l’apparition de conduites comme l’imitation différée, la pratique des jeux de fiction, le dessin symbolique, la pratique du langage (pratique sémiotique par excellence), etc. On s’intéressera aux jeux de fiction qui, dès la troisième année, mettent en valeur cette capacité de représentation.

    Grâce aux capacités de représentations, l’enfant peut reproduire symboliquement le réel, l’imiter ou le transformer. Les jeux ne sont plus uniquement fonctionnels, guidés par les schèmes sensori-moteurs. Le sujet accède désormais aux événements du passé et peut anticiper ceux de l’avenir : des enfants qui jouent à être «papa et maman» cherchent à reproduire les faits et gestes de leurs parents. Ils puisent dans leurs expériences personnelles pour retrouver les motifs intimes de ceux qu’ils imitent, faute d’en avoir la véritable connaissance. Les signifiants sont donc construits par l’enfant, qui alterne entre fiction et observation. En chargeant les objets d’une signification, il construit sa représentation fictive, où le symbole est une comparaison entre un élément donné et un imaginé. Ainsi, la dissociation entre signifiant et signifié est complète, et ils sont subjectivement liés.

    Sous la forme la plus primitive du jeu symbolique, l’enfant projette des schèmes symboliques en reproduisant un schème sensori-moteur hors contexte (et en absence de son objectif habituel) : par exemple, dans la conduite du « faire semblant de dormir ». Par la suite, ces schèmes sont empruntés à des modèles imités et projetés sur des objets nouveaux : une canne deviendra tour à tour une monture, une épée…Dans le symbole, l’objet actuel est assimilé à un schème antérieur sans rapport objectif avec lui. Le jeu devient une assimilation presque pure, c'est-à-dire une pensée orientée par le souci de la satisfaction individuelle : l’enfant métamorphose un objet en un autre, ou lui attribue des actions analogues aux siennes. Il assimile toute chose à toutes choses et toute chose au moi.

      Le jeu représentatif devient le lieu et le moyen d’exploration de la réalité, son moyen d’expression propre. Ceci nous permet de mettre en relief le caractère nécessaire du développement de cette fonction pour l’enfant de 3 à 5 ans : avant la construction du symbole, sa pensée intérieure est limitée car instable, insuffisamment mobile. La sémiotisation par l’intermédiaire du symbole concrétise et anime les choses, il est l’expression de la réalité infantile actuelle par laquelle le sujet associe le réel au moi. Le jeu symbolique et la représentation subjective n’est autre que la pensée égoïste à l’état pur, par le mécanisme d’assimilation égocentrique qui s’éloigne au maximum du « signe », jusqu'à ce que ce symbole, par sa nature à la fois accommodatrice et assimilatrice, converge vers le signe conceptuel. Ainsi l’étude de la fonction symbolique comme mécanisme commun aux différents systèmes de représentations et comme mécanisme individuel nécessaire à l’existence d’interactions de pensées entre individus, et donc à l’acquisition des significations collectives, permet de comprendre cette condition de la construction d’une pensée objective : il faut que l’assimilation du réel au système des notions adaptées soit en équilibre permanent avec l’accommodation de ces notions aux choses ainsi qu’à la pensée des autres sujets.

    Cette fonction prépare donc à la constitution des systèmes d’opération logique (réversibilité), de morale et spatio-temporelle. La réversibilité opératoire permettra la conservation des notions au travers des diverses fluctuations du réel. Grâce à l’étude de l’accès à la représentation et du déséquilibre de la pensée préopératoire, on comprend que cette fonction est une condition vitale de continuité et de développement ; par exemple le jeu symbolique remplit ces deux points de vue à la fois des signifiés (qui permet de revivre une expérience fugitive vécue et d’éprouver la satisfaction du moi) et des signifiants (qui offrent à l’enfant un langage personnel indispensable pour exprimer sa subjectivité). On le comprend, la pensée la plus adaptée et logique dont l’enfant soit capable est encore elle-même prélogique et égocentrique. Enfin, la représentation que l’enfant se fait du réel peut aussi avoir une fonction compensatoire ou liquidatrice ; il se représente la réalité et la remanie, la corrige, liquide fictivement ses expériences pénibles en dehors de leur cadre inquiétant.

      Ainsi, le développement de la fonction sémiotique est primordial entre 3 et 5 ans pour l’accès à la représentation ; l’utilisation des schèmes représentatifs est une condition nécessaire à la continuité de son développement : elle prépare à l’entrée dans le stade des opérations concrètes. L’illustration d’une conduite symbolique à travers le jeu a permis de montrer que c’est l’équilibre progressif entre assimilation des choses à l’activité propre et l’accommodation de celle-ci à celle-là qui permettra d’aboutir à la réversibilité caractérisant les actions intériorisées comme celles de la raison ; et que la destinée normale du schème est d’aboutir au concept, puisque les schèmes, en tant qu’instruments d’adaptation, sont des systèmes de rapport susceptibles d’abstraction et de généralisation progressive que seule l’assimilation généralisatrice conduira au concept. Mais comment pouvons-nous expliquer que l’emploi du symbole aboutit à la fiction et non pas à la croyance, quand il en est autrement pour le rêve ou le délire ?

    Bibliographie :

      PAUL A. OSTERRIETH, Introduction à la psychologie de l’enfant, Paris, Bruxelles De Boeck & Larcier s.a, 17ème édition, 1965, chap. 3.

      TOURETTE & GUIDETTI, Introduction à la psychologie du développement, Paris Armand Colin, 2ème édition, 2005, chap. 3, pp. 56-57 ; pp.104-106.

      H. WALLON, L’évolution psychologique de l’enfant, Paris, Armand Colin, 2ème édition, 1968, chap. 5, pp. 55-61 ; pp. 70-73.

      J. PIAGET, La formation du symbole chez l’enfant, Paris, Delachaux & Niestlé, 2ème édition, 1994 (identique à la 1ère édition, 1945), pp. 93-110.

     


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    Jouer à être, le temps du jeu symbolique.

     À quoi vous jouez ? On joue à être
    C’est avec Cécile, Sandrine, Benjamin,  et tous les cousins qui les ont suivis dans leurs aventures, que  j’ai découvert ce concept. Non pas ce jeu, car j’étais moi-même, enfant, toujours prête à revêtir un costume, jouer une saynète, inventer une histoire, faire semblant de, interpréter des personnages. Avec mes compagnons de jeu, nous avions différents noms de jeux, selon qu’on jouait au voyage, à la guerre ou à l’école, au spectacle ou au magasin. Mais nous ne savions pas que nous jouions à être.

    Ces jeux d’imitation, de rôle, de mise en scène, Piaget les désigne sous le nom de Jeux symboliques. Ce concept englobe à la fois les jeux de faire semblant, comme lorsque les enfants vous invitent dans leur « restaurant », et les jeux avec les petits univers, maisons de poupées, Playmobil ou ferme miniature.
    Pour lui, ce sont  essentiellement les jeux des enfants de 18 mois à 6 ans, cette tranche d’âge étant très souple bien entendu. Peu à peu, les jeux symboliques laissent la place à ce que Piaget appelle les jeux de règles  ou jeux de société. Je dis peu à peu car c’est souvent les petits accessoires qui  donnent envie de jouer, plus peut-être que la règle énoncée ou l’envie de gagner. On aime le Verger à cause des petits paniers à remplir de fruits en bois, le Cluedo à cause des personnages qui vont du bureau à la salle à manger, et des armes minuscules, et Risk parce qu’on déplace de petites armées sur la carte du monde. En grandissant, les joueurs, s’ils prennent encore plaisir à manipuler des pièces ou à contempler des cartes joliment illustrées, apprécient surtout les jeux organisés autour d’une règle fixe, fixée d’avance.

    Tandis que les règles, car il y a des règles, quand on joue à être, sont données au début de chaque jeu, énoncées en toutes lettres ou implicites, et peuvent être renouvelées, modifiées, à chaque jeu nouveau. Si par exemple on joue au Papa et à la Maman, le Papa ne peut pas cesser d’être un homme, ni la Maman une femme. Leurs rôles sont définis a priori, et souvent plus conventionnels qu’à la maison. On ne peut pas en changer sans briser le jeu. Mais il faudra à chaque jeu dire qui est le Papa et qui est la Maman.

    Les jeux de faire semblant peuvent se passer du langage, un enfant qui ne sait pas encore parler peut jouer à faire semblant de manger, faire semblant de nourrir son ours, faire semblant d’avoir peur quand moi je fais semblant de lui dévorer le pied (s’il n’avait pas compris que « c’est pour jouer » il ne tendrait pas son pied à nouveau vers moi pour que je le « mange » encore !). 
    Cependant plus l’enfant maîtrise le langage, plus riches sont ses jeux d’imagination. Les enfants manient tous, assez rapidement, la grammaire pour énoncer : « On serait des enfants abandonnés, on habiterait dans un château, tu serais un policier »… .Le conditionnel est le temps du jeu Symbolique. Ni passé ni futur, juste hors du temps et du réel.
    A quoi s’ajoute la distance du dire : « On dirait qu’on serait dans un vaisseau spatial ».  On va faire comme si parce qu’on l’a dit. C’est une histoire qu’on raconte.
    Jodie, qui a 3 ans mais déjà une grande culture, car elle est gourmande de littérature enfantine, commente ses jeux, ou les explique aux adultes en énonçant le titre de son jeu : « ça s’appelle : Le Père Noël va prendre son bain» ou « ça s’appelle : Babar cherche la bagarre » Il y a de quoi faire un florilège de tous ses titres de jeux, tant son imagination est débordante. Ce titre, comme le conditionnel, met une distance entre le joueur et son jeu. On sait bien que ce n’est pas vrai.
    Parfois, le jeu comme les peintures qui montrent un dessin dans un autre dessin, en abîme, devient un jeu dans le jeu, dans le jeu… La grand-mère de Jodie l’observe berçant tendrement un petit coussin cylindrique, le câlinant, lui parlant gentiment.. - Qui est-ce ? 
-C'est un bébé déguisé en caillou. Allez viens, mon petit.. "
    L’enfant, même très jeune, est capable de se regarder jouer et de jouer comme au second degré.
    J’en ai plusieurs fois vu la preuve avec des enfants qui faisaient semblant de dormir. Dans le jeu, cela donnait : « ça serait la nuit et je serais en train de dormir… Ron Pschitt, ron pschitt »… L’enfant  ferme très fort les yeux et imite la respiration de la personne endormie. En revanche,  s’il veut faire croire qu’il dort quand les parents viennent vérifier que tout le monde est couché, ils sait très bien tromper son monde : ni ronflements ni grimaces, un petit enfant tout détendu et parfaitement innocent ! Ainsi, lorsque revenant d’une journée à la campagne mes enfants voyaient la voiture approcher de la maison, ils « s’endormaient  profondément», pas de chance pour les parents obligés de les porter ensommeillés jusqu’à leur lit…  Ce n’est que quelques années plus tard qu’ils m’ont avoué qu’ils faisaient semblant. Le jeu, coquin mais tendre, était de se faire porter sans que les parents ne s’aperçoivent de la supercherie, et « ça » ne se jouait pas du tout de la même façon !


    Sur de nombreuses photos de moi petite fille, j’ai une poupée dans les bras.  Je ne suis pas en train de jouer à la poupée, la photo a plutôt été prise lors d’une promenade, d’un goûter dans le jardin,  d’une réunion de famille. On voit bien que je me séparais rarement de ma poupée du moment, mais comme une maman de son enfant. Avec ma poupée sous le bras, je pouvais aller au marché ou pousser des voitures. Une fois glissée dans mon personnage de maman, je pouvais jouer à autre chose, en même temps.
    Lorsque j’entrais ainsi dans mon rôle de petite maman, je ne crois pas que j’aurais répondu « Je joue à la poupée » si quelqu’un m’avait demandé « À quoi tu joues ? ». J’aurais même sans doute trouvé la question vraiment bizarre. Alors qu’à d’autres moments, je décidais de jouer à la poupée, j’installais leurs lits,  leurs jouets, je les grondais ou les consolais, je faisais la maîtresse. À Noël je leur faisais un arbre de Noël, avec des cadeaux, et je jouais aux poupées qui jouaient avec leurs cadeaux, leurs poupées… Jeu en abîme une fois encore.

    À la ludothèque, on voit souvent des enfants revêtir un costume, dès leur arrivée, et une fois habillés en princesse ou en pompier s’asseoir à table avec d’autres enfants pour partager un jeu de société. Ils ne sont pas vraiment « dans la peau de leur personnage » mais pas tout à fait eux-mêmes non plus, ils ont peut-être revêtu leur costume d’ enfant à la ludothèque, d’enfant qui est là pour jouer. Quand viendra l’heure de rentrer chez eux, ils changeront de tenue aussi naturellement et quitteront leur personnage en même temps qu’ils quitteront les lieux.

    Dans L’être et le néant, Sartre donne l’exemple du garçon de café qui "joue à être garçon de café". «  Il en a revêtu le costume, il en prend les attitudes, le langage. Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide, il vient vers les ­consommateurs d'un pas un peu trop vif, il s'incline avec un peu trop d'empressement, sa voix, ses yeux expriment un intérêt un peu trop plein de sollicitude pour la commande du client, enfin le voilà qui revient, en essayant d'imiter dans sa démarche la rigueur inflexible d'on ne sait quel automate, tout en portant son plateau avec une sorte de témérité de funambule [...]. Toute sa conduite nous semble un jeu [...]. Il joue, il s'amuse. Mais à quoi joue-t-il ? Il ne faut pas l'observer longtemps pour s'en rendre compte : il joue à être garçon de café. » Sans doute joue-t-il ce rôle, mais est-il en train de jouer, dirait-il qu’il joue ? Commence-t-il sa journée au conditionnel (Je serais garçon de café ?)

    De même les adolescents que nous montre Jacques Henriot, dans son film Le Jeu en miettes : « Ils jouent aux cartes. Et ils jouent à être des joueurs de cartes. ». On pourrait en dire autant de César et Panisse dans le Marius de Pagnol.  Mais diraient-ils : «C’est l’histoire d’une partie de carte », ou « ça s’appelle les joueurs de cartes » ?

    Si Jouer à être n’est pas l’apanage des petits enfants, il est clair que  les « grands », en tout cas, ne savent pas qu’ils jouent. Ils jouent à être, mais ils ne le font pas exprès ! 

     
    Les champions toutes catégories du jeu de faire semblant, par la liberté, l’imagination sans limite qu’ils mettent au jeu, et par la conscience qu’ils en ont, ce sont les jeunes enfants, qui, bien mieux que les adultes, semblent maîtriser les nuances entre le réel, l’imaginaire, le vrai, le faux et s’en jouer avec bonheur.

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    Crèches

     

     Historique. — La crèche a pour objet de garder et de soigner des enfants en bas âge pendant les heures de travail de leur mère. Les enfants y reçoivent, jusqu'à ce qu'ils puissent entrer à l'école maternelle ou jusqu'à ce qu'ils aient accompli leur troisième année, les soins hygiéniques et moraux (art. 1er du décret du 2 mai 1897, qui abroge le décret du 26 février 1862).

    L'ouvrière y apporte son enfant quand elle part pour son travail ; elle vient l'allaiter, s'il n'est pas sevré, aux heures de ses propres repas ; elle le reprend le soir. Elle le conserve auprès d'elle la nuit, le dimanche, et tous les jours où elle ne travaille pas. La première crèche a été fondée à Paris le 14 novembre 1844 par M. Firmin Marbeau, alors adjoint au maire du Ier arrondissement. Marbeau avait constaté qu'il restait une lacune entre la société de charité maternelle, qui secourait la mère au moment de ses couches, et la salle d'asile, qui gardait l'enfant quand il a au moins deux ans et qu'il est assez avancé pour n'avoir plus besoin de soins incessants. Pendant la période intermédiaire, l'ouvrière ne trouvait aucune institution qui l'aidât à nourrir et à élever elle-même son enfant ; elle était obligée, ou de renoncer à son travail et de vivre d'aumônes, ou de se séparer de l'enfant pour continuer à gagner sa vie. Elle l'envoyait au loin en nourrice, ou l'abandonnait au logis, seul ou sous la garde peu rassurante d'un aîné qui ne pouvait alors plus aller à l'école, ou elle le confiait, moyennant un prix très élevé pour elle, à quelque gardeuse presque toujours trop pauvre et trop peu éclairée pour l'entourer de tous les soins nécessaires. Quelques mères, plus malheureuses encore, se délivraient, par l'abandon ou par l'infanticide, d'un fardeau trop lourd pour leur courage.

    C'est pour remédier à cette douloureuse situation que fut fondée la crèche, garderie perfectionnée, où la bienfaisance offre à l'enfant, moyennant une modique rétribution, un local salubre, des soins éclairés, et un commencement d'éducation.

    Déjà en 1801 Mme de Pastoret avait été frappée des mêmes faits, et elle avait réuni rue de Miromesnil douze enfants à la mamelle que les mères venaient allaiter dans les intervalles de leur travail. Mais sans doute l'oeuvre ne fut pas comprise, car elle ne dura pas. Mme de Pastoret garda ces enfants jusqu'au moment où ils purent entrer en apprentissage, et elle ne les remplaça pas par d'autres nourrissons ; l'oeuvre s'éteignit avec ses premiers élèves, et le souvenir qui en est resté et qui fait bénir le nom de Mme de Pastoret est celui d'une salle d'asile plutôt que d'une crèche.

    L'oeuvre de Marbeau eut un meilleur sort ; encouragée dès ses débuts par la presse, par l'autorité administrative, par l'autorité religieuse, par l'Académie française qui décerna un prix Monthyon au petit livre Des Crèches, elle ne tarda pas à se propager. Cinq crèches furent ouvertes à Paris en 1845 et huit en 1846. Melun, Orléans, Rennes, Brest, Bordeaux, Tours, Nantes eurent des crèches dès 1846 ; la Belgique, la Hollande, l'Italie, Constantinople même suivirent l'exemple de la France.

    Mais, aussitôt que l'institution parut avoir gagné sa cause, des objections s'élevèrent, mirent en doute ses bienfaits, et suspendirent pendant quelques années ses progrès.

    « La crèche, disait-on, brise le lien de famille en séparant la mère de son enfant.

    « L'agglomération des enfants y est dangereuse et meurtrière.

    « En supposant même la crèche utile, elle coûte trop cher, et le service rendu n'est pas en proportion avec la dépense. »

    Ces objections, souvent réfutées, se reproduisirent jusqu'au moment où l'expérience, juge sans appel, les eut définitivement condamnées.

    Ce n'est pas la crèche qui sépare la mère de son enfant, c'est le travail hors du domicile, c'est la nécessité de gagner un salaire suffisant pour vivre. La crèche est le meilleur remède à une situation qu'elle ne crée pas ; elle éloigne moins l'enfant que l'envoi en nourrice ; elle le soigne mieux que la garderie ; elle est préférable à un secours en argent parce qu'elle est le secours en travail. L'argent reçu sans être gagné est trop souvent démoralisateur ; le salaire est plus sain que l'aumône.

    Les dangers de l'agglomération sont évités par la sagesse du règlement. Les enfants ne passent que la journée à la crèche, et l'air des salles est complètement renouvelé pendant leur absence. Aucun enfant n'est reçu quand il est malade. Le nombre des enfants est limité en raison du volume d'air des salles. La crèche est toujours dans de meilleures conditions hygiéniques que la plupart des logements d'ouvriers ; les soins y sont mieux entendus, le régime plus régulier que dans les familles ; la visite fréquente du médecin assure les soins et l'hygiène. Dans toutes les crèches, les enfants qui sont amenés régulièrement sont généralement mieux portants que les autres ; dans toutes on a remarqué que les enfants sont moins bien portants le lundi, à cause des écarts de régime du dimanche passé hors de la crèche. L'expérience permet donc d'affirmer que l'enfant d'une ouvrière a plus de chance de vivre et de rester robuste s'il est élevé à la crèche que s'il est envoyé en nourrice ou même que s'il est gardé au logis par sa mère.

    Quant à la dépense, elle est toujours bien inférieure au salaire que peut gagner l'ouvrière pendant que la crèche garde l'enfant. Elle est inférieure à l'aumône qu'il faudrait donner à la mère pour lui permettre de renoncer à son travail, et qui ne garantirait même pas qu'elle resterait chez elle auprès de son enfant. La dépense peut d'ailleurs être réduite à un chiffre minime quand la nécessité l'exige.

    Etat actuel. — Un décret du 2 mai 1897 et un règlement ministériel du 20 décembre suivant constituent toute la législation qui régit les crèches en France.

    L'art. 1er, rappelé plus haut, définit la crèche, qui a pour objet de garder et de soigner les enfants en bas âge pendant les heures de travail de leur mère.

    L'art. 2 interdit d'ouvrir une crèche avant que le préfet n'ait donné l'autorisation : cette autorisation n'est refusée que lorsque les locaux destinés à la crèche ne satisfont pas aux conditions indispensables d'hygiène, ou lorsque les personnes qui doivent être préposées à l'établissement ne présentent pas des garanties suffisantes. Ces conditions et ces garanties sont déterminées par le règlement ministériel du 20 décembre 1897.

    D'après les articles 3 à 7 du décret, l'arrêté préfectoral qui autorise l'ouverture d'une crèche fixe le nombre des enfants qui pourront y être réunis. Les personnes ou les sociétés qui possèdent une crèche désignent au préfet un représentant auquel sont adressées les notifications prévues par le décret et par le règlement. Le ministre de l'intérieur et le préfet ont le droit de faire inspecter les crèches par leurs délégués ; ils se font rendre compte périodiquement du fonctionnement des crèches, et s'assurent qu'elles se conforment aux conditions qui leur sont imposées. Si le préfet juge que, par une installation défectueuse ou par défaut de soins, une crèche met en danger la vie ou la santé des enfants, il ordonne la fermeture provisoire de l'établissement. Le représentant de la crèche est mis en demeure de remédier aux défectuosités signalées Après trois mises en demeure restées sans effet, et sur avis conforme du Conseil départemental d'hygiène, l'autorisation accordée à la crèche est retirée. En cas d'épidémie survenue dans une crèche, cette crèche est fermée soit par les personnes ou les sociétés qui la possèdent, soit d'office par le préfet : elle n'est rouverte qu'après que le préfet a fait constater qu'elle a été désinfectée.

    Le règlement arrêté le 20 décembre 1897 par le ministre de l'intérieur constitue un excellent Guide pratique pour assurer la bonne organisation de l'oeuvre et le bon fonctionnement de la crèche. Nous croyons donc utile de le reproduire ici :

    « ARTICLE PREMIER. — Les dortoirs et les salles où se tiennent les enfants reçus dans les crèches ont au moins une hauteur de trois mètres sous plafond, et, présentent au moins une superficie de trois mètres et un cube d'air de neuf mètres par enfant.

    « Le préfet peut toutefois, dans des cas exceptionnels dont il est juge, autoriser des dimensions moindres, sans que le cube d'air puisse jamais être inférieur à huit mètres par enfant.

    « ART. 2. — Les salles doivent être largement éclairées et aérées. Elles doivent pouvoir être convenablement chauffées et dans des conditions hygiéniques.

    « ART. 3. — Personne ne passe la nuit dans une salle occupée le jour par les enfants.

    « Pendant la nuit, les salles sont aérées et tous les objets dont se compose la literie demeurent exposés à l'air.

    « ART. 4. — Le mobilier est simple, facile à laver et à désinfecter. «ART.5. — Chaque enfant a son berceau ou son lit, son peigne, sa brosse, sa tétine s'il est allaité au biberon ; tous les objets dont il se sert sont numérotés, et ne servent qu'à lui.

    « Son mouchoir, sa serviette, son costume ne servent qu'à lui tant qu'ils n'ont pas été lavés ; sa literie est désinfectée avant de servir à un autre enfant.« Toute couche salie est changée sans retard. Le linge sale est immédiatement passé à l'eau.

    « ART. 6. — L'usage des biberons à tube est interdit.

    « ART. 7. — Dans chaque crèche un médecin a la direction du service hygiénique et médical.

    « ART. 8. — Aucun enfant n'est admis à la crèche sans être muni d'un certificat médical datant de moins de trois jours : ce certificat constate que l'enfant n'est atteint d'aucune maladie transmissible et, s'il est convalescent d'une de ces maladies, qu'il a franchi la période pendant laquelle il pouvait la transmettre.

    « Si un enfant reste huit jours sans venir à la crèche, il n'y est réadmis que muni d'un nouveau certificat relatant les constatations ci-dessus.

    « Aucun enfant n'est admis s'il n'est vacciné ou si ses parents ne consentent à ce qu'il le soit dans le délai fixé par le médecin ou par 1 un des médecins de la crèche.

    « ART. 9. — Aucun enfant paraissant atteint d'une maladie transmissible ne doit être gardé à la crèche.

    « Tout enfant qui paraît malade doit être immédiatement séparé des autres et rendu le plus tôt possible à sa mère.

    « ART. 10. — Les crèches sont tenues exclusivement par des femmes.

    «ART. 11. — Nulle ne peut devenir directrice d'une crèche si elle n'a vingt et un ans accomplis et si elle n'est agréée par le préfet du département.

    « Nulle ne peut être gardienne si elle n'est pourvue d'un certificat de moralité délivré par le maire ou, en cas d'omission ou de refus non justifié du maire, par le préfet.

    « Nulle ne peut devenir directrice ou gardienne d'une crèche si elle n'établit par la production d'un certificat médical qu'elle n'est atteinte d'aucune maladie transmissible aux enfants, qu'elle jouit d'une bonne santé et qu'elle a été, depuis moins d'un an, vaccinée ou revaccinée.

    « ART. 12. — La crèche doit avoir une gardienne pour six enfants âgés de moins de dix-huit mois et une gardienne pour douze enfants de dix-huit mois à trois ans.

    « ART. 13. — Les locaux et le mobilier de la crèche sont nettoyés chaque jour où la crèche est ouverte. Les gardiennes tiennent les enfants et se tiennent elles-mêmes dans un état de propreté rigoureuse.

    « ART. 14 — La directrice de toute crèche doit tenir :

    « 1° Un registre matricule sur lequel sont inscrits les nom, prénoms et la date de la naissance de chaque enfant, les noms, adresse et professions de ses parents, la date de l'admission, l'état de l'enfant au moment de l'admission, et, s'il y a lieu, au moment des réadmissions, la constatation de la vaccination ;

    « 2° Un registre sur lequel est mentionné nominativement le nombre des enfants présents chaque jour ;

    « 3° Un registre où sont inscrites les observations et les prescriptions du médecin ou des médecins ;

    « 4 Un registre où sont consignées les observations des inspecteurs et des visiteurs.

    « ART. 15. — Les enfants reçus dans la crèche sont pesés chaque semaine jusqu'à l'âge d'un an, et chaque mois de un à deux ans : le résultat de ces pesées est soigneusement relevé.

    «ART. 16. — Le règlement intérieur de la crèche est affiché dans un endroit apparent d'une des salles ; il est communiqué au maire de la commune.

    «ART. 17. — Le représentant de la crèche transmet chaque année au préfet un compte moral de l'oeuvre ainsi qu'un rapport médical dressé conformément au modèle adopté par le ministre de l'intérieur.

    « Un compte financier est joint à toute demande de subvention. »

    Une circulaire du ministre de l'intérieur du 6 novembre 1898 a transmis aux préfets, avec les instructions appropriées, le décret et l'arrêté règlementaire de 1897.

    Plusieurs crèches ont été reconnues comme établissements d'utilité publique ; en voici la liste par départements, au 1er janvier 1909, avec la date du décret de reconnaissance : Alpes-Maritimes, Menton (1879) ; Ardennes, Sedan (1888) ; Charente-Inférieure, Rochefort (1850) ; Doubs, Besançon (1882) ; Gard, Nîmes (1881) ; Gironde, Bordeaux-la-Bastide(1891), Bordeaux-Docks (1894) ; Indre-et-Loire, Tours St-Gatien (1846), N.-D.-de-la-Riche (1846) Saint-Etienne (1892). Saint-Symphorien (1898) ; Marne, Reims, boulevard Victor Hugo (1886), rue Saint-Thierry (1892), faubourg Cérès (1907), faubourg de Paris (1907) ; Meurthe-et-Moselle, Lunéville (1886), Nancy Saint-Nicolas (1878), Notre-Dame (884), Sainte-Sophie (1890) ; Orne, Alençon (1874) ; Seine-et-Marne, Meaux(1895) ; Seine-et-Oise.

    Argenteuil (1893), Le Vésinet (1880), Pontoise (1872) ; Seine-Inférieure, Rouen (1847): Somme. Amiens Saint-Firmin (1877), Saint-Leu (1878), Saint-André (1900).

    Un décret du 17 juillet 1869 a également reconnu comme établissement d'utilité publique la Société des crèches, qui a son siège à Paris, et qui a pour objet d'aider à fonder et à soutenir les crèches, de perfectionner et de propager l'institution.

    Il existait, au 1er janvier 1902, 408 crèches en France, savoir : 66 à Paris, 39 dans la banlieue, 303 crèches réparties dans 186 communes des départements autres que la Seine. Le plus grand nombre de ces crèches se trouve dans les villes d'une certaine importance : il y en a 10 à Lyon, 11 à Bordeaux, 10 à Marseille, 11 à Tours, 5 à Rouen, 6 à Nantes, 4 à Lille, 5 à Angers, 3 à Limoges, etc. Plusieurs, cependant, ont été établies et sont utiles dans des communes rurales, notamment à Arès (Gironde).

    La plupart des crèches sont des oeuvres de bienfaisance, soutenues par des souscriptions privées, et dirigées par des conseils d'administration ou des comités de dames organisés dans les conditions qu'indique le règlement ministériel. Presque toutes ces oeuvres font appel aux subventions de l'Etat, du département ou de la ville. Quelques-unes, en très petit nombre, sont établies dans un bâtiment mis à leur disposition par la ville, ou ont été pourvues par une généreuse libéralité d'un local ou d'une dotation.

    Il existe quelques crèches municipales, soutenues et administrées directement par la commune. Le nombre de ces crèches est très limité. Les municipalités paraissent préférer, peut-être avec raison, laisser la bienfaisance privée diriger des établissements pour lesquels l'action administrative ne peut pas suppléer aux visites et à la surveillance maternelle des dames patronesses ; elles aident l'oeuvre à s'organiser, la dotent, quelquefois très généreusement, et la laissent marcher.

    Il y a aussi un petit nombre de crèches industrielles, c'est-à-dire créées par un grand manufacturier dans son usine pour ses ouvrières. Ces crèches, qui rendent de très grands services, forment généralement le premier anneau d'une chaîne d'institutions qui prennent l'enfant depuis sa naissance, le suivent dans un asile, dans des écoles, et se continuent sous diverses formes pour venir à son aide, quand il est lui-même ouvrier de l'usine.

    Quelques crèches sont réunies à d'autres oeuvres, et notamment à une salle d'asile ou à une maison de secours. C'est là une disposition très favorable. Le voisinage de la maison de secours assure à la crèche la visite régulière du médecin, quelquefois difficile à obtenir quand la crèche est isolée. La réunion sous une même direction de la crèche et de l'asile est plus utile encore ; les deux oeuvres se complètent l'une l'autre. Les enfants passent de la crèche à l'asile au moment précis où ils sont assez avancés pour en suivre les exercices. L'asile se résigne à ouvrir et à fermer aux mêmes heures que la crèche, c'est-à-dire aux heures où l'ouvrière part le matin pour son travail et en revient le soir ; la mère n'a qu'une course à faire pour conduire à la même maison tous ses petits enfants.

    En France, la plupart des crèches exigent une rétribution qui, à Paris, est généralement de 0 fr. 20 pour un enfant et 0 fr. 30 pour deux frères ou soeurs. Les familles pauvres en sont exemptées après appréciation de leur situation, mais le principe, auquel les administrateurs attachent une haute importance morale, est toujours sauvegardé.

    L'institution des crèches a fait de très grands progrès en France depuis quelques années ; le nombre des établissements a plus que doublé depuis vingt ans.


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